Eglises d'Asie

La presse officielle lance une campagne de dénigrement contre le P. Nguyên Van Ly, prêtre dissident, assigné à résidence dans sa paroisse

Publié le 18/03/2010




Depuis le début de la campagne du P. Thadée Nguyên Van Ly pour la liberté religieuse au Vietnam, entamée à la fin du mois de novembre 2000 (1), les autorités civiles avaient tout fait pour isoler le prêtre et lui retirer tout moyen de communication avec l’extérieur, que ce soit dans sa première résidence de Nguyêt Biêu ou dans la paroisse de An Tuyên où il avait été nommé curé. Mais elles s’étaient bien gardées d’engager contre lui une opération juridique ou policière, ou de faire connaître leur désapprobation par voie de presse. La situation a brusquement changé le 27 février dernier, jour où les autorités locales sont venues signifier au curé de An Tuyên qu’il était placé en résidence surveillée. Les choses ne se sont pas arrêtées là et le bruit fait autour du P. Ly n’a cessé de s’amplifier puisque, dans les jours qui ont suivi, les plus grands titres de la presse officielle du pays ont été appelés à la rescousse pour justifier la mesure prise contre le prêtre et mener contre lui une campagne de dénigrement et de calomnie sans précédent dans les annales du régime (la presse officielle étant le plus souvent avare en détails concrets sur les personnes physiques).

La décision qui, le 27 février, a été présentée au P. Nguyên Van Ly pour l’informer de son assignation administrative à résidence pour une durée de 24 mois portait le n° 401/QDUB et avait été signée la veille par le Comité populaire provincial. La mesure s’appuie sur l’arrêté 31/CP de 1997 qui permet aux autorités administratives d’assigner une personne à résidence sans qu’il soit besoin au préalable d’une sentence de tribunal statuant sur le cas. Selon des témoignages, après avoir lu la décision qui spécifiait que, désormais, le prêtre n’avait pas le droit de sortir du village de Truyên Nam où se trouve la paroisse de An Truyên, le fonctionnaire de service se serait excusé auprès du prêtre en disant qu’il obéissait aux ordres de ses supérieurs. La décision spécifiant que le P. Ly avait le droit de faire appel dans les dix jours, celui-ci répondit qu’il ne le ferait pas. Par ailleurs, il a déclaré que ses déplacements auraient lieu en fonction des besoins pastoraux quelles que soient les dispositions de la décision le concernant. Dès ce moment là, les hauts parleurs de la commune ont commencé à diffuser des accusations contre le curé de An Tuyên, accusations qui n’allaient pas tarder à être reprises au plan national.

Quelques jours plus tard, le 5 mars, une troupe d’environ 200 policiers, accompagnés d’une foule évaluée à 400 personnes appartenant à diverses associations proches du pouvoir, pénétrait dans le village de Nguyêt Biêu, ancienne résidence du P. Ly où étaient encore accrochées au clocher les pancartes réclamant la liberté religieuse. Elles furent décrochées par les forces de l’ordre, après que les paroissiens du lieu eurent refusé de le faire eux-mêmes. Ces deux opérations avaient été accompagnées d’un grand renfort de personnel et de caméras qui ont filmé le déroulement des faits. Les films furent ensuite projetés sur les écrans de la télévision nationale et ont même pu être visionnés par les utilisateurs d’Internet du monde entier sur le site de l’organe du Parti, le Nhân Dân.

Entre temps, dès le 3 mars, une campagne de presse sans précédent avait été lancée contre le prêtre. C’est l’organe de la section du Parti communiste à Hanoi, le quotidien Hanoi Moi, qui a publié le premier article et donné le ton à tous ceux qui ont suivi. L’attaque contre le P. Ly se concentrait principalement sur le rapport envoyé par lui à la Commission des libertés religieuses internationales, rapport dans lequel, selon l’auteur de l’article, il calomniait le Parti, injuriait le dirigeant Hô Chi Minh, traité de “criminel de guerre”, et appelait les Etats-Unis à mettre un terme au régime communiste en place. La faute commise par le prêtre, selon le journal de Hanoi, relevait de l’article 13 de la Constitution punissant “les activités et complots contre l’indépendance, la souveraineté, la réunification et l’intégrité territoriale du Vietnam… Le lendemain, 4 février, c’était au tour du Quân Dôi Nhân Dân, journal de l’armée, de prendre le relais dans un article intitulé “Le traître du peuple démasqué qui précisait que c’était en raison de leur politique humanitaire que les autorités avaient décidé de ne prendre qu’une mesure administrative pour rééduquer le prêtre et le réajuster aux lois civiles et religieuses. Puis dans les jours qui ont suivi, tous les grands titres de la presse officielle vietnamienne y sont allés de leurs articles. Le journal des syndicats, le Lao Dông, reviendra à la charge les 7 et 8 février. Le Nhân Dân, dans un premier article du 6 mars, intitulé “Sous le couvert de la religion, une mauvaise action…”, expose un curriculum vitæ ecclésiastique du prêtre avec quelques grosses erreurs ou calomnies, mais fait aussi le récit de son passé de dissident avec ses séjours en prison et la liste de ses nombreuses déclarations subversives. Le même quotidien, dans un article du 9 mars dernier, a même recueilli les opinions défavorables de fidèles catholiques soi-disant indignés du comportement du P. Ly.

Après le déferlement d’accusations lancées par la presse officielle contre le promoteur de la campagne pour la liberté religieuse, la question reste posée de savoir si les autorités s’en tiendront à la sentence qu’elles ont portée contre le lui, le 27 février, à savoir l’assignation à résidence. Les crimes dont il est accusé relèvent de l’article 13 de la Constitution, ont affirmé les accusateurs. Or, pour de tels crimes, qualifiés de crimes de trahison de la patrie, le code pénal, révisé en décembre 1999, prévoit, à l’article 78, des peines de prison de 12 à 20 ans, la perpétuité, voire la condamnation à mort.