Eglises d'Asie

Pour la Congrégation de la doctrine de la foi, malgré des ambiguïtés, l’ouvrage du théologien Jacques Dupuis se tient dans les limites de l’orthodoxie

Publié le 18/03/2010




Lors d’une rencontre avec les journalistes à l’Université grégorienne de Rome, le P. Jacques Dupuis a déclaré se sentir beaucoup plus libre depuis que la Congrégation pour la doctrine de la foi ne l’accusait plus d’avoir commis des erreurs contre la foi dans le livre écrit par lui en 1997, Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux. En effet, un document de cette congrégation romaine, signé du cardinal Ratzinger et de Mgr Bertone, intitulé “Notification venait de reconnaître, dans ce livre un temps soupçonné de graves erreurs, “une tentative de rester dans les limites de l’orthodoxie tout en s’efforçant de traiter de problématiques inexplorées jusqu’ici”. Le P. Dupuis a fait remarquer que la vente de son livre n’a pas été interdite et qu’aucune correction n’a été imposée à un ouvrage qui est le fruit de 40 ans de réflexion sur la rencontre du christianisme avec les autres religions. Cependant, la notification qui a été acceptée et signée par le P. Dupuis signale que le livre contient de graves ambiguïtés et des difficultés pouvant conduire le lecteur à des opinions erronées. C’est pourquoi, la notification propose une série de huit énoncés exposant la foi chrétienne sur des points concernant l’unicité et l’universalité de la révélation et du salut en Jésus-Christ ainsi que la nature de la médiation de l’Eglise. Il ne s’agit pas là, précisent les membres de la Congrégation, d’un jugement sur la pensée subjective de l’auteur, mais de la mise en place, à l’intention des lecteurs du livre, d’un certain nombre de points de repère conformes à la doctrine de l’Eglise.

C’est en septembre 1998 que le cardinal Ratzinger a informé le P. Dupuis que sa congrégation avait ouvert une enquête sur son ouvrage (1). Quelque temps plus tard, dix pages de questions concernant les thèmes traités lui étaient envoyés. Les réponses fournies par le théologien jésuite en décembre 1998 aux responsables de la Congrégation ne leur ayant pas apporté une pleine satisfaction, de nouvelles questions lui furent posées auxquelles le P. Dupuis donna une réponse en novembre 1999. Le 1er septembre 2000, la congrégation avait déjà composé une première version de la notification contenant une liste d’erreurs découvertes dans le livre et exprimant un certain nombre d’inquiétudes concernant l’orthodoxie de la doctrine exposée. Trois jours plus tard, une rencontre entre le théologien mis en question et les responsables de la congrégation fut organisé. L’entretien qui dura trois heures fut relativement tendu, aux dires du P. Dupuis qui s’était fait accompagné du général des jésuites, le P. P.H. Kolvenbach et d’un confrère, le P. G. O’Collins, qui lui servait de conseiller. Ce dernier démontra qu’aucune des erreurs citées n’était contenue dans le livre du P. Dupuis, en foi de quoi celui-ci déclara ne pas pouvoir signer la notification telle qu’elle était formulée. Dans la version qui lui fut soumise en décembre 2000, version approuvée par le pape, il n’était plus question d’erreurs mais seulement d’ambiguïtés. C’est cette version de la notification, préalablement signée du P. Dupuis, qui vient d’être publiée par la Congrégation pour la doctrine de la foi le 26 février dernier. Le théologien belge a déclaré que cette signature délivrée en accord avec sa conscience lui permettait de continuer son travail en toute sérénité.

En Inde, où le P. Dupuis a vécu et travaillé de nombreuses années, les réactions des responsables religieux et des théologiens qui se sont exprimés au lendemain de la publication de la notification lui ont été relativement favorables. La plupart affirment qu’elle ne devrait ni affecter le travail théologique en cours, ni contrarier le dialogue interreligieux si nécessaire en Inde en ce moment. Le P. Antony Suresh, secrétaire de la Commission pour l’œcuménisme et le dialogue interreligieux de la Conférence des évêques catholiques en Inde, a dit son accord profond avec la réaffirmation par le Saint-Siège des principes fondamentaux de la foi. Chaque foi religieuse, a-t-il fait remarquer, a ses principes fondamentaux et l’affirmation de la foi de chacun, loin d’être un obstacle au dialogue, lui donne plus de crédibilité.

Le théologien jésuite, le P. Samuel Rayan, ancien secrétaire de l’Association œcuménique des théologiens du tiers-monde, a apporté quelques nuances dans son approbation de la notification de la congrégation romaine. Celle-ci rappelle au théologien qu’il doit poursuivre ses recherches dans un esprit de responsabilité, dans la fidélité à l’Eglise et, naturellement, sans aucune garantie d’infaillibilité. Il a besoin de tenir compte des corrections apportées par les autres, mais selon lui, cette correction ne devrait pas être en sens unique, elle devrait pouvoir être mutuelle. Par ailleurs, dans un commentaire publié par l’agence de presse Ucanews, le 7 mars dernier, le même théologien s’est livré à une analyse plus fine de la notification. Tout en voulant dissiper des ambiguïtés, voire des erreurs possibles chez le lecteur du livre du P. Dupuis, la notification se serait elle-même montrée ambiguë sur plusieurs points de doctrine que le théologien a précisés dans son commentaire.