Eglises d'Asie

Une nouvelle revue saigonaise critique sévèrement le projet d’ordonnance sur la religion

Publié le 18/03/2010




La presse officielle du Vietnam n’a pas encore publié le texte du projet d’ordonnance sur la religion (1). Comme l’explique l’hebdomadaire Catholicisme et Nation, qui le mentionne sans le commenter, il a été recommandé aux prêtres qui ont eu le document entre les mains de ne pas livrer celui-ci à la presse avant qu’il n’ait été revu par le Comité permanent de l’Assemblée nationale. Malgré cela, sa diffusion continue de s’étendre, semble-t-il, puisqu’il continue de soulever des vagues dans les milieux religieux. Après les premières réactions du clergé vietnamien et les réflexions des évêques de la province ecclésiastique de Hô Chi Minh-Ville (2), c’est au tour du religieux rédemptoriste bien connu, le P. Chân Tin, d’exprimer son opinion sur le nouveau document gouvernemental. “Une nouvelle coupe pour un vieil alcool conclut le rédemptoriste au terme d’une analyse où il s’applique à montrer que, même si le projet d’ordonnance est plus souple que le décret 26/1999/ND-CP qui l’a précédé, il sera nécessairement une source de violations de la liberté religieuse et d’oppression pour les croyants des diverses religions.

L’article du P. Chân Tin, qui a paru dans le deuxième numéro d’une nouvelle revue vietnamienne Thu Nha (‘Lettre de la maison’), met d’abord en relief le contexte de la parution du nouveau texte gouvernemental sur la religion, à savoir les violentes critiques qui avaient accompagné, il y a deux ans, la diffusion du décret 26/04/1999, en particulier celles de la Conférence épiscopale qui, au mois d’octobre 1999, avait fait savoir au gouvernement que le nouveau décret constituait le contraire d’une ouverture en matière de liberté religieuse. Le P. Chân Tin lui-même, avec d’autres personnalités religieuses, avait à ce propos signé un “appel pour la liberté religieuse au Vietnam” le 5 septembre 1999 (3). Selon le rédemptoriste, face à ces prises de position sans ambiguïté, le gouvernement aurait arrêté la mise en application du décret et de sa lettre d’application. Le projet actuel viendrait combler le vide laissé par la non-application du décret. Cependant, le nouveau projet échoue largement dans sa tentative pour renouveler la politique religieuse du gouvernement. Le P. Chân Tin énumère les éléments qu’aurait dû contenir le nouveau document pour mettre un terme aux limitations et aux violations actuelles et instaurer une véritable liberté de religion. Cette énumération constitue en fait une liste des droits revendiqués aujourd’hui par les fidèles des diverses religions au Vietnam.

Selon le religieux, la nouvelle ordonnance aurait dû en premier lieu mettre un terme à l’application de l’article 4 de la Constitution du Vietnam, principale source de toutes les violations des droits de l’homme et de la liberté religieuse (cet article déclare que le Parti communiste est “la force dirigeante du pays et de la société Aurait dû être également supprimée l’obligation pour toutes les religions de demander des permissions pour organiser les récollections du clergé, pour ordonner, nommer et déplacer le personnel d’Eglise, autant d’activités qui font partie du fonctionnement interne des associations religieuses. Le projet d’ordonnance aurait dû prévoir la restitution à l’Eglise de tous les biens qui lui ont été confisqués ou qu’elle a dû “offrir” sous la menace, en particulier écoles et hôpitaux. Devraient également être rendu aux religions le droit d’ouvrir des écoles et de mener des œuvres sociales en fonction des besoins de la population. Il n’est pas normal que, selon le projet d’ordonnance, dit le rédemptoriste, le catéchisme ne puisse être enseigné que dans les lieux de culte. Cet enseignement devrait pouvoir être dispensé partout où l’Eglise le juge bon.

Selon le P. Chân Tin, deux autres suppressions s’imposent auxquelles l’ordonnance ne fait aucune référence. Il est urgent de supprimer la mention de la religion sur les cartes d’identité en usage aujourd’hui, mention constituant une mesure inacceptable de discrimination. Il faudrait aussi mettre un terme à l’enseignement obligatoire du marxisme-léninisme pour les collégiens et les étudiants. Le P. Chân Tin fait remarquer que, dans presque toutes les écoles du monde, l’obligation pour les élèves de suivre les classes de catéchisme a été supprimée. L’imposition de la doctrine marxiste-léniniste dans les écoles apparaît comme particulièrement rétrograde.