Eglises d'Asie

L’Armée du Salut

Publié le 18/03/2010




A la fin de l’année 1999, le réalisateur sud-coréen Kim Yong-seung a pris place à bord d’un train pour Yanji. Ses compagnons de voyage étaient une femme nord-coréenne de 41 ans et son fils qui avaient payé des passeurs pour sortir de Chine. “Peu importe à quel point c’est dangereux, le Ciel veillera sur nous déclarait la mère à son fils avant le départ. “Si quelque chose arrive, mon fils, cours ! Les intermédiaires qui avaient organisé l’équipée ont pris avec eux cinq clients de plus à Shenyang. Ensemble, Kim filmant discrètement, le groupe est arrivé par le train à Pékin, a poursuivi vers le sud, traversant le Yangtze, puis vers le sud-ouest de la Chine au relief accidenté. Le film de Kim les montre à bord de trains, changeant de l’argent au marché noir, présentant de fausses cartes d’identité aux points de contrôle et attendant l’air désœuvré qu’une camionnette les mène jusqu’à la frontière. Ils sont entrés “dans un pays de l’Asie du Sud-Est” le 31 décembre 1999, et maintenant vivent tous en Corée du Sud.

Ce qui transparaît du documentaire de Kim est que cette fuite coûte de l’argent, implique des guides, des chauffeurs et traducteurs, requiert des documents contrefaits et comporte au moins un franchissement de frontière dans l’illégalité. Avec de nombreuses routes à choisir et des conditions changeant constamment, on comprend que “le train pour Séoul” est moins une infrastructure qu’une équipe de talentueux combinards.

Sur le terrain, les missionnaires jouent maintenant un rôle important dans ce “train pour Séoul”, comme le font des militants des droits de l’homme au Japon et en Corée du Sud, des groupes bouddhistes et les amis ainsi que les familles des réfugiés à qui il arrive d’avoir de l’argent et des contacts. Les diplomates sud-coréens en Chine ne peuvent pas apporter de l’aide ouvertement par peur de perturber les relations de leur gouvernement avec la Chine et les négociations avec la Corée du nord. Dans d’autres pays, où les gouvernements se montrent moins sensibles à ces problèmes, ils peuvent les accueillir et leur donner le statut de demandeurs d’asile (et dans n’importe quel cas, tous les réfugiés nord-coréens obtiennent automatiquement la citoyenneté sud-coréenne). Les fonds viennent des réfugiés eux-mêmes mais aussi des groupes militants qui les aident. Le Fonds pour la vie des réfugiés nord-coréens, organisation à but non lucratif basée à Tokyo, sollicite l’aide financière de mères de familles japonaises et d’autres bienfaiteurs pour son programme en faveur des parents adoptifs en Chine et pour le soutien des réfugiés en fuite. A part ces associations ou organisations, on trouve aussi de simples individus qui se sont engagés pour cette cause. Moon Kukhan, par exemple, à la tête d’une petite affaire commerciale en Corée du Sud et qui s’est dévoué pour faire sortir seize membres d’une seule famille par l’intermédiaire de sa fondation dont il est l’unique membre, Sauver la famille Kil Su.

La plupart de ceux qui viennent en aide aux réfugiés en les faisant sortir clandestinement de Chine le font pour des raisons religieuses, humanitaires ou politiques. Un de ces militants, qui utilise le pseudonyme M. Parker, se présente comme “une Armée du Salut à moi tout seul”. Un retraité, qui a travaillé dans le domaine de l’aide au développement, après une carrière en Afrique et en Asie, soutient un type de réfugiés particuliers : les victimes et les témoins d’actes de torture. En faisant cela, il espère prouver que la Chine manque à ses obligations, qui découlent des traités qu’elle a signés, en rapatriant les Coréens du Nord qui, de façon évidente, risquent de subir des persécutions chez eux. D’un naturel sceptique, il ne voulait pas, au début, croire à ces horribles histoires émanant des goulags de Pyongyang. Maintenant, déclare-t-il, “il est tellement évident que les réfugiés devraient être protégés, et que ce que la Chine fait est un crime”.

La plupart des militants de la cause pensent de même, et ils espèrent que la Chine sera réprimander pour sa conduite. Kim Sang-chul, ancien maire de Séoul et actuel secrétaire général du CNRK, confirme que son association finance un “corps de volontaires”, fort d’une trentaine de membres et composé de transfuges nord-coréens qui viennent maintenant au secours des Nord-Coréens réfugiés en Chine. Son directeur, Kim Song-min, ex-officier de l’armée nord-coréenne, refuse de parler de ses activités. “Je suis libre de parler de mon passé mais pas du présent déclare-t-il. Il est prêt, cependant, à décrire une soirée du nouvel an, soirée qui a réuni dans son minuscule appartement de Séoul, 16 transfuges ; ils ont bu du soju, chanté des chansons et ont réveillé d’anciens souvenirs jusqu’à en pleurer ; puis, ils ont porté un toast : “Intensifions la crise des réfugiés !