Eglises d'Asie

Le P. Thadée Nguyên Van Ly dresse des procès-verbaux aux autorités civiles pour violation grave des droits de l’homme

Publié le 18/03/2010




La campagne de la presse officielle contre le P. Nguyên Van Ly se poursuit sans baisser le ton, bien au contraire. Le lundi 26 mars, les journaux de la police et de l’armée populaire tiraient encore sur lui à boulets rouges. Le quotidien des militaires vietnamiens, le Quân Dôi Nhân Dân, visant sans doute aussi par la même occasion certains dirigeants du Parti, jugés trop indulgents pour le curé de An Tuyên, s’interrogeait : “Pourquoi n’avons-nous pas pris rapidement des mesures pour obliger Nguyên Van Ly à mettre immédiatement fin à sa propagande religieuse ?” Le journal poursuivait en constatant que la mesure prise contre lui, le 27 février dernier, à savoir deux ans d’assignation à résidence, n’a eu que peu d’effet sur l’intéressé, puisque celui-ci “continue à se livrer éperdument à ses activités, sabotant, provoquant et défiant le pouvoir”. L’article met également en cause, pour la première fois publiquement, l’attitude des supérieurs ecclésiastiques et s’indigne de ce que le prêtre ne soit toujours pas suspendu de ses fonctions au sein de l’Eglise catholique. Certains observateurs voient dans cette diatribe le prélude à une arrestation et à une condamnation plus sévère, d’autres le signe de l’hésitation du Parti communiste, embarrassé par la situation inédite créée par l’étrange campagne pour la liberté religieuse animée par le P. Nguyên Van Ly, diffusée sur le réseau Internet, soutenue par la diaspora vietnamienne et de plus en plus appuyée par le clergé sur place, au début quelque peu méfiant.

Le Quân Dôi Nhân Dân a sans doute raison sur un point : le contrôle extrêmement sévère auquel est soumis le curé de An Truyên et le déluge d’accusations qui s’est abattu sur lui, ne l’ont pas empêché de continuer son action ni même de renouveler le genre littéraire adopté dans un premier temps pour sa lutte, genre dont la répétition risquait de lasser. Depuis le mois de novembre, il avait exprimé sa protestation avec des textes revêtant la forme d’appels à la liberté religieuse. Ces appels s’étaient succédé au nombre de neuf depuis le premier, au mois novembre 2000, qui dressait un tableau de toutes les atteintes à la liberté de culte jusqu’aux derniers qui exigeaient tout simplement la dissolution du Parti communiste vietnamien et la tenue d’élections générales. Estimant avoir exprimé tout ce qu’il avait à dire (1) et épuisé les ressources de ce type de proclamation, le P. Ly vient d’inventer un procédé nouveau. Renversant les rôles, c’est lui qui désormais dresse des procès-verbaux aux cadres du régime dont c’est la spécialité et qui ont l’habitude d’en établir à chacune des infractions du P. Ly. Dans “le procès-verbal n° 1 pour violation grave des droits de l’homme écrit à la main par le prêtre, d’une écriture fine, le 20 mars 2001, reproduit au scanner et diffusé à travers le monde sur Internet, on peut lire les phrases suivantes :

“Au nom des organisations internationales des droits de l’homme, moi, Thadée Nguyên Van Ly, curé de la paroisse de An Truyên, dresse un procès-verbal aux responsables du système de sonorisation de la commune de Phu An… qui, chaque jour, depuis le 27 février 2001, le matin à 5 heures, l’après-midi à 17 heures, diffusent par hauts-parleurs cinq discours salissant mon honneur et m’accusant de fautes qu’aucun tribunal n’a jamais jugées, sans compter les innombrables articles et émissions de la radio et de la télévision qui m’attaquent dans tout le pays… Ce procès verbal a été dressé à 20 heures, le 11 mars 2001, au presbytère de An Truyên et a été lu publiquement devant l’ensemble des fidèles de la paroisse, au nombre d’environ 500…”

Un second procès-verbal, du même style, est dressé le lendemain contre trois cadres désignés nommé-ment. Ces cadres, contraints par les ordres de leurs supérieurs, après avoir écouté les instructions religieu-ses dispensés par lui à l’Eglise, avaient dressé un procès-verbal sur les infractions à la loi contenues dans son enseignement. Aujourd’hui, le P. Ly en est à son sixième procès-verbal relevant les violations aux droits de l’homme commises par les autorités civiles contre lui ou à l’encontre de ses paroissiens.

Bien que le P. Ly soit désormais assigné à résidence à An Tuyên, la police a multiplié les interventions dans la chrétienté de Nguyêt Biêu où il était autrefois assigné à résidence. Après une première incursion au cours de laquelle les policiers avaient arraché les banderoles où étaient inscrites les protestations du P. Ly (2), une troupe de 500 personnes, agents de police et civils confondus, est revenue, le 14 mars, pour bétonner une tranchée d’irrigation passant entre le terrain de l’Eglise et les rizières paroissiales, dont la présence avait déclenché toute la campagne du P. Ly. Malgré la défense passive opposée par les paroissiens et l’intervention énergique du curé responsable de la chrétienté, l’opération entreprise par les policiers a été menée à terme. Seize prêtres du diocèse de Huê, alors en retraite de Carême à Huê, ont écrit et signé une lettre protestant contre les agissements de la police et exprimant leur soutien au prêtre et aux fidèles ainsi persécutés. A An Truyên, les incursions policières également nombreuses ces derniers jours ont généralement lieu en pleine nuit et semblent destinées à semer la terreur dans l’esprit des paroissiens et de leur curé.