Eglises d'Asie

Les chemins pour sortir

Publié le 18/03/2010




Avec ses longues et quasi-désertes frontières, son terrain accidenté, la Mongolie est devenue une destination de choix parmi les réfugiés en fuite. “C’est le Casablanca de la crise des réfugiés nord-coréens”, risque en guise de comparaison Douglas Shin, pasteur protestant coréano-américain, en référence à ce port d’Afrique du Nord où tant de juifs à l’époque de l’Allemagne nazie ont trouvé refuge. D’un point de vue pratique, c’est toujours plus ou moins la même histoire : des réfugiés se rassemblent dans une ville du nord-est de la Chine, voyagent en voiture ou en bus jusqu’à la frontière et, là, vont droit devant eux, à pieds, à travers les vastes étendues sauvages.

Le plus dur des obstacles qu’ils rencontrent est l’hiver. Un groupe qui a récemment traversé de nuit la frontière a dû affronter une température de moins 47 ° Celsius ; le vent était si violent que même les troupeaux de yaks meurent de froid. L’été, les réfugiés passent à travers des marais ou affrontent le désert de Gobi, se fiant aux cartes, voire aux systèmes de positionnement par satellite, que leurs passeurs ont pu leur remettre. “Nous avons traversé de nuit, rampant sous les barbelés au passage de la frontière”, se remémore un réfugiés. “Nous marchions aux milieux des roseaux, à travers des marais humides, infestés de moustiques. A un point fixé d’avance, nous avons retrouvé des chrétiens mongoliens, étudiants en études bibliques, qui nous ont nourris à l’aide d’un énorme poisson de rivière.”

Ce sont des missionnaires, actifs dans le pays depuis que la Mongolie s’est ouvert à la démocratie dans les années 1990, qui dirigent la plus grande partie de ces passages. “Des membres de notre Eglise nous ont contacté à partir de la Corée du Sud”, explique un chrétien d’une Eglise évangélique à Ulan Bator. “Je leur ai expliqués que je ne pouvais organiser le passage des réfugiés en Mongolie, mais que s’ils venaient jusqu’en Mongolie, je pourrais alors les aider.” Les diplomates de la Corée du Sud à Ulan Bator ont plus de possibilité que leurs homologues en poste dans d’autres capitales : un haut responsable de Mongolie explique que son pays, traditionnellement, fait preuve de “tolérance de nomades” pour les personnes qui se déplacent. “Nous ne sommes pas comme les Chinois”, précise-t-il. “Nous ne les renvoyons pas en Corée du Nord.” Pourtant, cette tolérance a des limites. Shin a été expulsé après avoir loué un domaine fermier dans la partie est du pays pour y établir un sanctuaire destiné à accueillir des réfugiés.

Plus au nord, en Sibérie, plus de 10 000 Nord-Coréens sont installés. Dans ce vaste ‘Far East’ russe, ils vivent dans l’illégalité. La plupart sont d’ex-bûcherons exportés par Pyongyang pour travailler dans des camps surveillés près de Khabarovsk et d’Amour. Ceux qui s’en échappent – estimés à plusieurs centaines chaque année – rentrent parfois en contact avec une militante locale nommée Maria Kim. Ils arrivent à sa porte pour demander un abri et de la nourriture et elle s’arrange pour faire monter les plus chanceux d’entre eux dans un vol à destination de Séoul (les autres continuent en train jusqu’à Moscou et contactent dans la capitale russe l’ambassade de Corée du Sud). Une fois, se rappelle-t-elle, elle a fait passer à travers un contrôle de police un bûcheron déguisé en femme, en racontant aux policiers que sa fille avait besoin de se rendre à l’hôpital pour s’y faire soigner. Selon elle, “il y a de nombreuses personnes comme elle qui viennent en aide aux Nord-Coréens, mais nous ne communiquons pas entre nous à cause du danger.”

Plus au sud, les réfugiés rencontrent au moins des climats moins extrêmes. Mais les distances, plus grandes, accroissent d’autant le risque de se faire prendre. Pourtant, cette voie-là, comme les autres, est moins risquée que d’essayer d’attraper à partir d’un port chinois un ferry qui se rende en Corée du Sud, la police chinoise patrouillant sans cesse dans les ports de la côte. Les chemins les plus courants pour les transfuges passent par un long voyage en train jusqu’à Kunming ou Nanning, accompagnés par un guide de Chaoxianzu, puis par une descente en voiture ou en bus jusqu’à la frontière ; là, ils traversent la frontière par des sentiers détournés ou bien présentent aux policiers de faux papiers d’identité chinois. De Nanning, les réfugiés poursuivent jusqu’à Hanoi, d’où ils descendent généralement jusqu’au Cambodge pour finir en Thaïlande. De Kunming, ils peuvent choisir de passer au Laos ou bien, plus à l’est, en Birmanie.

Un de ces réfugiés raconte comment lui et trois de ses camarades ont ainsi traversé à pieds le Laos. Pensant sans doute avoir affaire à des contrebandiers chinois, “des villageois nous ont tirés dessus”. Un autre réfugié, un jeune homme de 32 ans, a mené un groupe à travers le nord-est de la Birmanie, rencontrant pas moins de dix unités paramilitaires différentes, toutes armées “avec des fusils automatiques. Chaque fois, nous leur avons implorés de nous guider. Je leur ai donné mon bracelet-montre, tout ce que nous avions, afin qu’ils nous aident.” Les réfugiés qui pénètrent dans le Triangle d’or craignent le plus souvent de finir prisonniers des barons locaux de la drogue.