Eglises d'Asie

Six ans après l’attentat meurtrier au gaz sarin dans le métro de Tôkyô, le spectre de la secte Aum plane toujours sur le Japon

Publié le 18/03/2010




Les blessures morales infligées au peuple japonais par la secte Aum Shinri Kyo sont loin d’être guéries malgré les six ans écoulés depuis l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tôkyô qui avait fait 12 morts (1). En effet, la secte Aum est toujours vivace et se porte bien, rapportent différentes dépêches d’agence de presse. En dépit des 50 000 dollars américains de récompense promis, la police recherche toujours trois des responsables supposés de l’attentat et le procès du gourou de la secte traîne en longueur. Le verdict n’est pas attendu avant plusieurs années. “Ca s’éternise, se lamente Shizue Takahashi, dont le mari, chef de station, est mort asphyxié par le gaz mortel, et je ne pense pas vivre assez longtemps pour en voir la fin”. Ce 19 mars 1995, 5 000 personnes furent intoxiquées dans le métro et 12 moururent après que des membres de la secte eurent percé les sacs plastique qui contenaient le gaz mortel. Il s’agissait pour eux de déclencher une réaction en chaînes d’événements capables de provoquer la fin apocalyptique dite de l'”Harmagedôn”, prêchée et promise par leur gourou, Shoko Asahara.

Sept membres de la secte ont été condamnés à la peine de mort pour des crimes commis en 1994, déjà au gaz sarin et qui avaient provoqué la mort de sept personnes. Quant à Shoko Asahara, 45 ans, son procès suit son cours et le tribunal en est à sa 180ème audience. Les experts pensent qu’il faudra encore au moins 10 ans, de recours en appels, avant que le verdict soit prononcé. La longueur de ce procès est liée à l’importance des crimes commis et au silence des accusés qui refusent de parler et jurent qu’Asahara n’est concerné qu’indirectement par l’affaire. “Ce qui a ralenti le tribunal, c’est le fait que le ministère public n’ait pas encore en main toutes les preuves et que la défense se bat sur le moindre détail”, explique Masaki Kito, un des avocats des parties civiles.

La secte, démantelée en 1995, a changé de nom, s’est trouvée de nouveaux dirigeants et, d’après certains rapports, serait passée de 10 000 membres à quelques centaines pour se stabiliser à 1 700 à l’heure actuelle. Sous sa nouvelle dénomination d'”Aleph”, elle présente ses excuses pour les crimes commis par Aum et tente d’indemniser les victimes. Un avocat commis à la liquidation des biens de la secte en faillite a révélé qu’en mai dernier les responsables d’Aleph avaient approuvé le versement d’une somme de 37,4 millions de dollars américains à titre d’indemnités. Les membres de la secte conservent toujours la même vénération à l’égard d’Asahara et de ses enseignements, un mélange de bouddhisme, d’hindouisme, de christianisme et de New Age, d’où il ressort que la fin du monde est imminente. La secte jouit de revenus tout à fait réguliers grâce aux dons de ses fidèles et à sa chaîne de magasins de vente d’ordinateurs à prix réduits qu’elle a reçue en héritage de l’ancienne secte Aum.

Malgré le profil bas adopté, la secte n’en a pas moins des démêlés avec la justice. L’année dernière, six de ses membres ont kidnappé le jeune fils d’Asahara apparemment pour une affaire de lutte d’influence. La police a découvert des formules de fabrication de gaz neurotoxique dans la voiture d’un de ses membres. Il a été prouvé qu’une société de vente de logiciels liée à la secte a cherché à pénétrer des réseaux informatiques appartenant au gouvernement et à l’armée. “Ils gardent toujours leur même obsession de l’Harmagedôn et sont toujours dotés d’outils technologiques performants. Je les considère donc comme très dangereux”, a déclaré Raisuke Miyawake, ancien fonctionnaire de la police nationale et spécialiste du crime organisé.