Eglises d'Asie

Un universitaire de l’Andhra Pradesh qualifie le dernier recensement de machine de guerre destinée à présenter l’Inde comme une nation entièrement hindoue

Publié le 18/03/2010




L’immense entreprise du recensement de la population de l’Inde, à laquelle se sont employés une multitude d’enquêteurs, s’est achevée le 5 mars dernier, du moins pour ce qui concerne le recueil des données. On s’attend à ce que les résultats issus de leur analyse indiquent un nombre d’habitants de l’Inde supérieur au milliard. Cependant dès le début des opérations du recensement, les dirigeants chrétiens ont vivement critiqué la façon dont il a été mené et en particulier le formulaire d’enquête employé. Celui-ci avait été conçu de telle façon que les chrétiens et les musulmans de basse caste ne puissent déclarer cette origine et ainsi soient obligés de se déclarer de religion hindoue, bouddhiste ou sikh s’ils voulaient faire reconnaître leur identité de caste (1). Par ailleurs, aucune place n’avait été faite aux animistes, pas plus d’ailleurs qu’à ceux qui n’adhèrent à aucune confession religieuse. Animistes et athées ont été forcés de se ranger dans une des grandes religions de l’Inde mentionnées dans le formulaire d’enquête. Dans les rangs des minorités religieuses de l’Inde, beaucoup sont persuadés que le parti nationaliste hindou au pouvoir a utilisé ce recensement comme une machine de guerre lui permettant de dépeindre l’Inde comme une nation “hindoue” et la présenter ainsi au monde.

Les chrétiens viennent d’être rejoints dans leur contestation des méthodes du recensement par Kancha Illayah, un universitaire non chrétien de l’Andra Pradesh, originaire d’une minorité ethnique et auteur d’un livre qui fit scandale en Inde en 1996, Pourquoi ne suis-je pas hindou un livre dans lequel il expliquait pourquoi les Indiens appartenant aux basses castes ou aux ethnies minoritaires n’étaient pas des hindous. Il a vigoureusement attaqué les méthodes employées lors du recensement en les qualifiant de frauduleuses. “C’est un des moyens, a-t-il dit, par lequel le gouvernement s’emploie à crucifier les chrétiens de l’Inde Selon lui, les hindous de haute caste craignent de perdre leur suprématie religieuse et sociale du fait d’une trop forte augmentation de la population chrétienne. Ils mettent en cause et attaquent les établissements chrétiens et l’action des missionnaires, redoutant qu’une religion aussi globale que le christianisme ne s’établisse trop solidement dans les milieux des ethnies minoritaires. C’est pour cette raison que les dirigeants politiques actuels veulent bannir le christianisme de l’Inde. L’unique but du recensement, a-t-il déclaré dans un entretien avec l’agence d’informations Ucanews, est de peindre aux couleurs hindoues plus de 7 000 groupes constitués par des minorités ethniques ou des basses castes, dont les cultes vénèrent quelque 300 millions de dieux et de déesses.

La vision de l’hindouisme de l’universitaire de l’Andhra Pradesh est sans nuance et sans aucune complaisance. Dans son livre de 1996, il affirmait que le christianisme, le bouddhisme et l’islam avaient été fondés par des prophètes qui s’étaient sacrifiés et avaient lutté pour la libération du peuple. Selon lui, l’hindouisme ne serait qu’“un fascisme spirituel” qui dénie tout droit aux personnes de basse caste. La croyance hindoue selon laquelle les basses castes seraient nées des pieds de Dieu et les brahmanes de sa tête est proprement déshumanisante et ne laisse aux basses castes aucun moyen d’échapper à la tyrannie des castes supérieures. Celles-ci seraient la cause profonde de la discrimination sociale subie par les minorités de l’Inde.

L’auteur de Pourquoi ne suis-je pas hindou ?, né dans l’ethnie kuruman de l’Etat de l’Andhra Pradesh, a eu la chance de poursuivre ses études à Hyderabad et de s’élever jusqu’au niveau universitaire. Sa vision de l’hindouisme a été grandement influencée par la discrimination et la conditions d’infériorité dans laquelle il a été tenu depuis son enfance. Kancha Illaiah refuse absolument d’être assimilé à un fidèle de l’hindouisme. “Je suis né dans une ethnie. Ni moi ni mon peuple n’avons jamais été initiés à l’hindouisme… Personne n’a le droit de nous appeler hindous Même si nous étions considérés comme hindous, souligne-t-il, les hautes castes ne nous laisseraient jamais devenir prêtres du temple, partager leurs repas et participer à leurs cérémonies.