Eglises d'Asie

Bornéo : selon les évêques catholiques de Kalimantan, la réconciliation et la paix entre Dayaks et Madurais ne sont possibles que si les autorités s’attaquent aux causes du conflit

Publié le 18/03/2010




Après les sanglants affrontements qui ont opposé au cours du mois de février dernier Dayaks et Madurais dans la province de Kalimantan-Centre (1), les évêques catholiques des quatre provinces de la partie indonésienne de l’île de Bornéo ont publié le 21 mars un communiqué commun où ils appellent les autorités indonésiennes à s’attaquer aux racines du conflit (2). Le gouvernement doit faire de “sérieux et réels efforts” pour assurer le respect de la dignité des Dayaks qui ont, pendant des décennies, été marginalisés et victimes d’injustices. Selon les évêques, ce n’est qu’à cette condition que la paix et la réconciliation entre communautés seront réelles et durables.

Les évêques commencent leur message en déplorant ce qui s’est passé à Sampit et à Palangkaraya et en assurant les victimes, particulièrement leurs “frères et sœurs Dayaks et Madurais”, de leur sollicitude et de leur tristesse. Puis ils continuent en expliquant que ce conflit n’est pas un conflit local, isolé, mais constitue “le problème des Dayaks et de tous les autres groupes ethniques de Kalimantan”. Ainsi, que ce soit aujourd’hui ou dans un passé récent (Ledo en 1997, Sambas en 1999 à Kalimantan occidental ou Keren Pangi à Kalimantan-Centre (3)), des tensions, voire des conflits, entre Dayaks et Madurais ont été observés partout, dans les provinces de Kalimantan occidental, oriental et Centre, à l’exception de Kalimantan-Sud.

Les responsables catholiques précisent aussi que le conflit entre Dayaks et Madurais est bien plus un conflit de nature ethnique que religieuse. Ils déplorent enfin ce qu’ils considèrent être l’œuvre de personnes qui cherchent à mettre à mal l’harmonie nationale en transformant un conflit ethnique en un affrontement entre musulmans et non-musulmans, les Madurais étant musulmans et les Dayaks étant soit chrétiens soit animistes.

Selon eux, les vraies racines de ce conflit sont à rechercher dans les différences de culture et dans le sentiment de marginalisation éprouvé par les Dayaks du fait des politiques menées par les autorités. “Kalimantan est connu pour la richesse de ses ressources naturelles, mais aucune attention n’est portée aux Dayaks qui sont les autochtones de cette région”, soulignent-ils. Les richesses naturelles de Kalimantan “ont été exploitées et extraites de l’île, sans que rien ne soit laissé aux autochtones”, ce qui a nourri le ressentiment des Dayaks. Fort de ce constat, les évêques catholiques voudraient voir le gouvernement actuel réparer les conséquences “des politiques injustes menées par les régimes précédents”, allusion à la politique de transmigration et à ses développements incontrôlés (4).

Pour revenir à la paix, les autorités doivent tenir compte du mode de fonctionnement de la société dayak, formée de multiples groupes humains sans réelle hiérarchie. “Toute initiative pour être acceptée doit passer par les institutions coutumières des tribus dayak”, expliquent encore les évêques. Ils conseillent également aux autorités de se montrer très prudentes quant au rapatriement à Kalimantan des quelque 50 000 Madurais qui ont fuit les violences du mois de février. Ces retours doivent être très progressifs et seuls ceux des Madurais qui ont vraiment fait souche à Kalimantan et qui ont montré leur volonté de s’adapter à la culture locale doivent, dans un premier temps, revenir. Le retour à la normale sera long, préviennent-ils. “Si les Dayaks ne peuvent aujourd’hui accepter (la présence) des Madurais, alors nous avons besoin de temps pour les préparer à la réconciliation. Nous ne pouvons les contraindre”, a déclaré, le 14 mars, Mgr Aloysius Sutrisnaatmaka, nouvel évêque de Palangkaraya, à Kalimantan-Centre (5).