Eglises d'Asie

Dans la lettre pastorale publiée à l’occasion de Pâques, les évêques catholiques dressent un sombre tableau de l’état moral et spirituel de la nation indonésienne

Publié le 18/03/2010




“Notre société traverse de profondes et grandes difficultés. Nous nous trouvons dans une situation d’urgence qui appelle une réponse immédiate et adéquate ainsi que des actions menées en commun. Si rien n’est fait, les dommages deviendront si graves qu’ils seront irrémédiables”. Tel est le sévère verdict que dressent les évêques catholiques indonésiens dans la lettre pastorale qu’ils viennent de publier pour Pâques. Présentée à la presse le 4 avril, longue de 26 pages, elle s’intitule : “Demeurer fermes dans l’espérance – Eduquer le sens moral de la nation” ; elle est signée de Mgr Julius Darmaatmadja, cardinal-archevêque de Djakarta, et de Mgr Ignatius Suharyo, ar-chevêque de Semarang, respectivement président et secrétaire général de la Conférence épiscopale (1).

Face aux conflits à répétition aux Moluques (2), à Aceh (3), en Irian Jaya (4), à Poso (dans l’île des Célèbes) (5) et aux événements violents de l’an dernier (les explosions meurtrières d’une série de bombes la veille de Noël (6) ou les affrontements interethniques dans la province de Kalimantan-Centre, à Bornéo (7)), “nous avons le sentiment que les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et militaire, dont la tâche est de faire face à ces crises multidimensionnelles, sont comme incapables de résoudre les problèmes”, s’inquiètent les responsables de l’Eglise catholique.

Une fois posé ce constat, les évêques s’interrogent : “Les responsables sont-ils incapables de résoudre ces crises ? Ces crises surviennent-elles parce qu’ils sont dans l’incapacité de régler les problèmes ? Ou bien encore parce qu’ils sont partie prenante de ces crises et de ces problèmes ?” Dans leur lettre de Carême de 1997, rappellent les évêques, était soulignée la décadence morale qui affectait tous les secteurs de la société (8). Quatre ans plus tard et deux années après les élections générales de 1999, ils font le constat d’un glissement vers le bas : “Aujourd’hui, s’agit-il seulement de décadence morale ou bien le sens moral s’est-il éteint ?”

En posant ces questions, les évêques indonésiens apportent la réponse. Selon eux, la vie politique est gouvernée désormais par la seule recherche du pouvoir et de l’argent. Le bien commun est une notion qui n’a plus cours. Dans un tel contexte, les différences d’opinion, de race, de religion, les aspirations ethniques ou les différents intérêts peuvent aisément être transformés en conflits meurtriers. “Le respect de la vie et de la dignité humaines existe-t-il encore ?”, demandent-ils. La religion elle-même n’est plus un recours. “Les gens prient toujours avec dévotion et n’omettent pas de se rendre dans les lieux de culte, mais cet enthousiasme ne se traduit pas dans leur vie sociale, au niveau de l’Etat ou de la nation. La lumière de leur conscience est éteinte. Dieu a cessé d’être honoré”, déplorent-ils.

Après un tel constat, les évêques ne veulent pas se montrer découragés. Ils appellent les catholiques tout comme les citoyens indonésiens de bonne volonté à un renouveau de la vie de la nation dans l’esprit de la résurrection. A tous ceux qui endurent la haine, les évêques disent : “Si vous vous sentez pourchassés, désignés pour être abattus, ou si votre maison est incendiée du fait de différences ethniques ou religieuses, nous vous appelons à renforcer votre foi et à renouveler votre engagement à imiter le Christ.” Pour conclure, ils rappellent que “Dieu ne nous oublie jamais. Il ne nous laisse jamais seuls.”