Eglises d'Asie

L’absence des femmes parties travailler à l’étranger a de graves conséquences sur la vie des familles

Publié le 18/03/2010




Le coût social de l’absence des femmes parties travailler à l’étranger dépasse de beaucoup le gain financier qu’elles peuvent en obtenir, estime une religieuse philippine en poste à Singapour. Le 27 janvier dernier, dans les locaux du Centre diocésain pour l’éducation, Sœur Mary Bernadette Guzman, de la Congrégation du Bon Pasteur, a détaillé les effets de la migration des femmes philippines sur leurs familles restées au pays. “Pour la plupart, d’après plusieurs de nos études, le bénéfice financier retiré est plus que négativement compensé par les souffrances endurées”, a ainsi expliqué la directrice du Centre pastoral pour les travailleurs émigrés de la Conférence épiscopale des Philippines.

“L’expérience la plus douloureuse pour une femme émigrée est la perte de l’affection de ses enfants, résultat d’une trop longue séparation”, a-t-elle expliqué à une vingtaine de laïcs, de prêtres et de séminaristes. Les enfants se sentent perdus, surtout s’ils sont très jeunes, quand leur mère les laisse pour partir à l’étranger. “C’est pourquoi ils essaient de nouer d’autres relations en dehors de la famille s’ils ne parviennent pas à établir des liens avec d’autres adultes au sein du cercle familial A terme, ces relations peuvent les mener à la toxicomanie, à un mariage prématuré ou à des naissances non désirées. Ces longues séparations causent également des problèmes dans le couple et finissent par une séparation permanente. Il faut savoir que la majorité des sept à huit millions de travailleurs philippins à l’étranger sont des femmes qui exercent pour la plupart le métier d’aides ménagères.

Sœur Guzman a donné les trois raisons les plus souvent citées par ces femmes pour justifier leur départ hors des Philippines : améliorer le niveau de vie de leur famille, pouvoir envoyer leurs enfants dans une meilleure école, faire des économies pour acheter une maison. Elle a cité plusieurs de ces femmes migrantes déçues parce qu’en dépit des sacrifices consentis et des versements réguliers d’argent, leurs espérances pour une nouvelle maison et un meilleur collège ne se sont pas réalisées. “Certaines n’ont pu améliorer leur situation économique à cause de la famille qui a englouti l’argent envoyé ou parce que c’est la vie de toute la famille qui en dépendait”, a expliqué la religieuse.

Malgré son absence, l’émigrée, en effet, est toujours censée assumer le rôle de nourrice si ce n’est de gagne-pain. “Elle peut être absente physiquement mais sa maison, d’après la culture philippine, est son domaine”, explique Sœur Guzman, qui fait remarquer que l’absence de la femme à la maison est souvent mentionnée comme ce qui contribue le plus à la séparation du couple ou à l’inconduite des enfants. A l’aide d’un film vidéo, elle a présenté le cas d’une Philippine rejointe au Canada par son mari et ses trois enfants tout à fait légalement, dans le cadre d’un programme canadien de réunion des familles. Alors que les enfants se sont rapidement accoutumés à leur nouvel environnement, ses relations avec son mari sont devenues tendues. Le mari, architecte diplômé, avait des difficultés à trouver du travail et sa femme a fini par découvrir qu’il avait une maîtresse. La femme témoignait : “Je ne veux pas que nous nous séparions. Je n’ai jamais voulu quitter la maison. Je voulais seulement donner à ma famille une vie meilleure”. Sœur Guzman souligne : “Ce sont là des problèmes qu’il faut connaître et bien comprendre quand il s’agit d’aider les migrants philippins. C’est une tâche importante pour l’Eglise de Singapour”.