Eglises d'Asie

Le gouvernement reconnaît officiellement l’Eglise évangélique du Sud-Vietnam

Publié le 18/03/2010




Pour la première fois depuis le changement de régime de 1975, l’Eglise évangélique du Sud-Vietnam a été reconnue officiellement par les autorités gouvernementales. Cette reconnaissance a été prononcée le 3 avril dernier, au cours d’une cérémonie qui a eu lieu à Hô Chi Minh-ville et à laquelle participaient environ 2 000 personnes appartenant à diverses communautés protestantes de la métropole du Sud-Vietnam et de diverses autres provinces méridionales. Le directeur du Bureau des Affaires religieuses du gouvernement, Lê Quang Vinh, a lu publiquement la décision donnant un statut légal à l’Eglise évangélique. Il a également fait part de l’approbation accordée par le gouvernement à la charte (constitution) de l’Eglise évangélique, adoptée lors de l’Assemblée générale qui s’est tenue du 2 au 7 février dernier à Hô Chi Minh-Ville. Les autorités ont également reconnu le Comité exécutif de 23 membres élus à cette même occasion, dont la présidence a été confiée au révérend Pham Xuân Thiêu.

On fait cependant remarquer dans les milieux protestants de Hô Chi Minh-Ville que cette approbation officielle ne concerne que 300 communautés ecclésiales (congrégations) qui ne constituent qu’une fraction de l’ensemble des fidèles protestants du Sud-Vietnam dont le nombre est estimé entre 800 000 et un million de personnes. Ces communautés reconnues qui, chacune, affichent un nombre de chrétiens pouvant aller de cent à quelques milliers sont principalement implantées à Hô Chi Minh-Ville, dans la province méridionale de Ca Mau et dans les provinces du Centre-Vietnam, Quang Tri et Quang Ngai. Le chiffre réel de fidèles désormais regroupés à l’intérieur de l’Eglise évangélique reconnue est encore difficile à préciser. Selon les calculs et estimations du gouvernement, ce chiffre avoisinerait les 200 000. D’autres estimations proposées par des membres des Eglises protestantes sont beaucoup moins élevées.

Toujours est-il que les protestants du Vietnam n’appartenant pas à l’Eglise officiellement reconnue restent la majorité des fidèles protestants. Parmi eux, il faut compter les très nombreuses communautés chrétiennes implantées chez les ethnies minoritaires des Hauts-Plateaux du Centre, qui pratiquent un culte souvent clandestin au sein d’Eglises domestiques et sont en butte aux persécutions des autorités locales. Beaucoup craignent aujourd’hui que l’existence d’une instance protestante désormais officielle n’aggrave encore la situation des diverses Eglises domestiques, dont l’illégalité sera, peut-on dire, encore plus tranchée qu’autrefois. Ces craintes sont d’autant plus fondées qu’un certain nombre d’observateurs s’accordent pour penser que les protestants des minorités ethniques ont joué un rôle important dans les troubles qui ont agité la population autochtone des Hauts-Plateaux au cours du mois de février dernier (1). Certains pensent même que ce rôle a été déterminant, sans que cela puisse être prouvé.

Les membres du Comité exécutif de l’Eglise évangélique ont été élus à la suite d’un vote de l’Assemblée générale qui selon un membre du Bureau des Affaires religieuses a revêtu un caractère extrêmement démocratique, jugement confirmé en gros par la plupart des témoins. Les dirigeants ainsi choisis se trouvent désormais devant une tâche d’une grande complexité. Vis-à-vis des autorités gouvernementales, ils sont, en effet, devenus, de facto, les porte-parole, non seulement des chrétiens officiellement rattachés à la nouvelle Eglise, mais aussi des Eglises domestiques, non enregistrées, et des diverses communautés de chrétiens des minorités ethniques vivant quasiment dans la clandestinité. La plupart attendent, certains avec un grand scepticisme, de voir comme seront réglées les premières difficultés. Elles ne devraient pas tarder. Un certain nombre de projets confiés au Comité exécutif par la dernière Assemblée générale ne pourront être réalisés qu’avec l’approbation du gouvernement. Ils supposent un retournement complet de la politique religieuse suivie depuis 25 ans. L’Eglise évangélique, désormais officielle, se propose, en effet, d’ouvrir des séminaires pour ses futurs pasteurs ainsi que des classes de formation biblique pour les laïcs, d’ordonner de nouveaux ministres, de les nommer dans une Eglise et éventuellement ensuite les déplacer, de publier des livres religieux, autant d’activités nécessaires à la vie normale d’une Eglise, mais pourtant refusées depuis 26 ans.