Eglises d'Asie

Une prise de position de la Commission catholique ‘Justice et paix’ au sujet du drapeau national et de l’hymne impérial ne fait pas l’unanimité

Publié le 18/03/2010




Dépendant de la Conférence des évêques catholiques du Japon, la Commission ‘Justice et paix’ (CCJP), placée sous la présidence de l’évêque de Kyôtô, Mgr Otsuka, a envoyé le 20 février dernier une lettre circulaire à tous les établissements catholiques d’enseignement leur demandant de ne pas ou de ne plus utiliser le drapeau du Hi no maru (‘Soleil levant’), de ne pas chanter le Kimi ga yo, l’hymne impérial, et de ne pas se servir du calendrier impérial pour dater leurs lettres et documents.

Cette circulaire, mûrement réfléchie au cours d’une rencontre mi-février entre les membres du comité directeur de la CCJP et des délégués de l’Enseignement catholique, se voulait être l’écho de l’inquiétude latente des évêques. On sait qu’en juillet 1999, la Chambre des députés avait voté à la sauvette, sans aucune discussion préalable, une loi faisant du Soleil levant et du Kimi ga yo l’emblème et l’hymne national officiels (1). La loi n’en rendait pas l’usage obligatoire mais des pressions indirectes en ce sens se faisaient sentir de plus en plus fortement depuis quelque temps. Des documents signés de directeurs d’institutions catholiques comportaient de plus en plus souvent la date du calendrier impérial. De même, un certain nombre d’entre eux faisaient hisser le Soleil levant et chanter le Kimi ga yo. Pratiques par ailleurs toujours refusées par les institutions protestantes. La lettre circulaire de la CCJP vient donc clarifier la position de l’Eglise, celle-ci demandant aux institutions catholiques de reconsidérer leur position à la lumière de l’Evangile.

La CCJP a donné deux raisons pour étayer sa décision. Pour les peuples d’Asie et du Pacifique, le drapeau du Soleil levant est le symbole de l’expansion impérialiste du Japon de la première moitié du XXe siècle, expansion pour laquelle les gouvernements japonais contemporains nient toute responsabilité de l’Etat japonais et tout devoir de réparation. Le Kimi ga yo (‘Le règne de Votre Majesté’) est un hymne à la gloire de l’empereur comme chef d’Etat – ce qui est la négation du principe de souveraineté du peuple.

La prise de position de la CCJP n’a fait l’unanimité, ni dans les milieux catholiques, ni dans la presse profane. Un article du Yomiuri Shimbun, un des principaux quotidiens du pays, daté du 19 mars, la définit comme “quelque peu inquiétante”. “Je n’y peux rien mais je trouve étonnant de trouver une telle idéologie dans une institution comme l’Eglise catholique connue pour son universalisme et sa magnanimité”, écrit l’éditorialiste de ce journal. D’après la CCJP, suite aux réactions critiques de la presse, un certain nombre de catholiques et d’autres personnes ont téléphoné pour dire leur désaccord, la plupart faisant remarquer que “chaque pays a son drapeau et son hymne national”. D’autres encore estiment que “les catholiques devraient s’interroger plutôt sur les invasions et colonisations dont ils ont été responsables au cours de l’histoire”.

Cependant, un article du journal Sankei paru le 22 mars confirme les craintes de la CCJP. L’article rappelle que le ministère des Sciences et de l’Education a publié des directives invitant les écoles à faire usage du drapeau et de l’hymne national. Le directeur d’une institution catholique, sous couvert d’anonymat, a déclaré : “Nous hisserons le Hi no maru comme d’habitude. Je crois personnellement qu’il nous faut suivre les usages du Japon”. Le P. Frank Riha, par contre, a confié aux journalistes que le jardin d’enfants de la paroisse de Shintomicho, au Hokkaido, suivrait la recommandation de la CCJP. “Cela ne pose pas de problème”, a déclaré ce prêtre de la Société de Maryknoll. “Ici, personne ne semble s’inquiéter de savoir si le drapeau est hissé ou non”.

En 1986, à l’occasion de l’assemblée plénière de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie, les évêques japonais avaient reconnu leur responsabilité dans la deuxième guerre mondiale et avaient demandé pardon aux peuples d’Asie et du Pacifique. En 1995, ils avaient publié un message : “Résolution pour la paix”, pour marquer le 50e anniversaire de la fin de la guerre. Ils y reconnaissaient que l’Eglise du Japon n’avait pas osé s’élever contre les atrocités commises et “n’avait pas eu conscience du rôle prophétique qu’elle avait à assumer pour protéger la vie et réaliser la volonté de Dieu” (2).