Eglises d'Asie

Andhra Pradesh : la minorité chrétienne d’une ville industrielle en crise essaie de porter assistance aux victimes

Publié le 18/03/2010




A Sircilla, ville de l’Etat d’Andhra Pradesh, le secteur du tissage traverse une crise qui frise la catastrophe. Les dettes qui aujourd’hui accablent les familles des ouvriers tisserands, ajoutées au retard dans l’octroi des fonds gouvernementaux aux sociétés coopératives chargées de vendre les produits du tissage, ont créé une telle misère dans la population ouvrière que, pour cette seule ville, au cours des quinze derniers mois, on a relevé 36 cas de suicide chez les professionnels du tissu.

Ces marques de désespoir ont alerté les responsables religieux de la minorité chrétienne de la ville. Mgr Marampudi Joji, évêque catholique de Hyderabad, s’est adressé au gouvernement en lui signalant le caractère particulièrement grave de la situation et a souligné l’urgence de l’aide qui devrait être accordée aux intéressés. Le service social catholique du diocèse de Warangal, duquel dépend la ville de Sircilla, dirigé par le P. Raja Reddy, a également prié les autorités gouvernementales concernées de se pencher sur le problème. Le diocèse, quant à lui, se propose de rassembler des informations de première main sur la crise et d’essayer d’organiser les tisserands en conséquence avec l’aide des congrégations religieuses du diocèse. Le prêtre est conscient que la mise en œuvre de cette assistance sera particulièrement délicate du fait que les fidèles chrétiens sont pratiquement absents de la ville et que, pour toute la région, il n’existe que quelques missionnaires. Les chrétiens ne représentent en effet que 1 % des 3,4 millions habitants de la population du district de Karimnagar où se trouve la ville de Sircilla, dont la population vit de l’industrie du tissage. Une vingtaine de métiers à tisser électriques avaient été installés en ville dans les années 1960. Ils se sont depuis multipliés et sont, aujourd’hui, au nombre de 12 000 auxquels il faut ajouter divers ateliers de teinturerie et d’apprêtage des tissus. L’ensemble emploie quelque 25 000 ouvriers.

Selon les patrons tisserands, les causes de la crise actuelle tiennent, pour une part, à la conjoncture actuelle. A. Yadagiri, vice-président des producteurs de tissu, met en cause les coûts de production très élevés et les piètres bénéfices. L’augmentation du prix de l’électricité (100 %) aurait été à l’origine de la fermeture de près de la moitié des métiers de la ville. On incrimine également la très médiocre commercialisation des produits textiles, l’arriération technique des machines employées ainsi que la piètre qualité des tissus produits par l’industrie textile de Sircilla. Autant de causes qui ont entraîné des licenciements massifs et, pour ceux qui continuent de travailler, une diminution considérable des heures de travail, accompagnée d’une réduction équivalent des salaires.

La publication par les médias locaux du nombre des suicides dus à la misère, en particulier les suicides de six tisserands appartenant à trois familles pour la seule première semaine du mois d’avril, a enfin provoqué une réaction du gouvernement. Dès le 8 avril, le ministre du Textile de l’Etat de l’Andhra Pradesh a débloqué la somme de 260 millions de roupies (5,65 millions de dollars), arriérés dus aux coopératives de vente des tisserands. A aussi été mis à l’étude un projet prévoyant d’accorder des pensions de retraite à 25 000 ouvriers et de fournir une formation professionnelle aux jeunes ouvriers du tissage. Il est également prévu de proposer une embauche à divers groupes d’anciens tisserands. Cependant, l’opposition politique a vivement attaqué le gouvernement de l’Etat pour sa responsabilité dans la crise actuelle du tissage dans la ville. M. Satyanarayana Rao, du parti du Congrès, a même estimé que les suicides des ouvriers étaient des meurtres commis par le gouvernement. Le parti du Congrès se propose d’attribuer une somme d’argent aux familles en deuil, geste qui, selon les familles des victimes de la crise, vient trop tard.

Dans certaines familles, seul un petit enfant a pu échapper au suicide collectif de la famille. Telle cette petite fille de cinq ans qui a versé le verre de jus de palme mélangé à du pesticide que lui avait présenté son père, alors que ce breuvage tuait ses grands-parents, sa grande sœur et son père. Elle est allée grossir le nombre d’orphelins de la ville, issus pour la plupart de familles de tisserands.