Eglises d'Asie

DES MOLUQUES

Publié le 18/03/2010




Nous soussignés, en tant que responsables des communautés chrétiennes et musulmanes des Moluques, appelons la communauté internationale à venir à notre aide et à intervenir de façon à mettre un terme à ce conflit tragique [aux Moluques] qui, selon les estimations, a déjà provoqué la mort de près de 8 000 vies et entraîné le déplacement de plus de 500 000 personnes.

Nous croyons que ce conflit n’est pas un conflit religieux. La religion est utilisée pour servir les objectifs politiques de certaines factions en Indonésie. Les Moluquois sont considérés comme autant de pions que l’on peut déplacer à volonté sur l’échiquier du jeu politique et ils payent de leurs vies chacun de ces mouvements. Les violences étant perpétrées par des provocateurs et des militants extrémistes – certains d’entre eux occupant même des postes élevés au sein du gouvernement et de l’armée –, nous croyons qu’il ne peut être mis fin à ce conflit sans, sous une forme ou sous une autre, assistance internationale.

Recommandations à la communauté internationale

Nous demandons aux Nations Unies, au Parlement européen et aux gouvernements étrangers d’inciter dans les termes les plus fermes le gouvernement indonésien à adopter et à agir selon les recommandations suivantes :

Recommandations politiques

1.) Le gouvernement doit agir sur son discours et prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux violences et mettre en place un processus de résolution des conflits aux Moluques.

2.) Le gouvernement doit commencer à appliquer les mesures de sécurité qu’il a déjà acceptées et considérer cela comme une urgence. Cela comprend le retrait de tous les membres non moluquois des groupements extrémistes.

3.) Il est impératif que les unités militaires stationnées aux Moluques agissent de manière impartiale et selon des critères professionnels. Les bataillions mixtes récemment introduits (1) sont tenus pour être impartiaux tant par les responsables musulmans que par les chrétiens. Par conséquent, le gouvernement doit : – considérer qu’il est urgent d’accroître le nombre de ces bataillions mixtes stationnés aux Moluques ; – déployer en premier lieu ces unités dans les zones où les conflits sont fréquents.

4.) Le gouvernement doit inviter une équipe d’observateurs internationaux à établir sur place un tableau complet de la situation politique et des conditions humanitaires, de sécurité et des droits de l’homme prévalant actuellement aux Moluques. Cette équipe d’observateurs devrait être constituée de personnes ayant une grande expérience des situations de conflits.

5.) Les groupes et/ou les individus qui se livrent à des commentaires incendiaires et qui incitent à la violence ou à la haine entre les groupes ethniques et religieux doivent faire l’objet d’enquêtes et être traduits en justice au titre des lois existantes en Indonésie réprimant les crimes de haine.

6.) Le gouvernement doit prendre immédiatement les mesures nécessaires pour enquêter, identifier et traduire en justice ceux qui sont responsables d’actes de violence.

7.) Le gouvernement doit inviter une équipe internationale d’enquête sur les droits de l’homme pour conduire dans la zone une enquête sur les racines du conflit et pour identifier les acteurs clefs qui sont derrière ces violences continues. Cette équipe d’enquête doit être formée de représentants de Komnas HAM, des communautés tant chrétiennes que musulmanes et d’experts sur les questions des droits de l’homme des Nations Unies, du Parlement européen et de différents gouvernements étrangers.

8.) Le gouvernement doit mettre au point, avec l’aide d’organismes d’aide et de groupes de réconciliation tels que Baku Bae ainsi qu’avec les responsables de communautés, des plans pour organiser sans délai le rapatriement des personnes qui ont été déplacées à l’intérieur des Moluques. Ce rapatriement doit aller de pair avec le stationnement de forces de sécurité dans les zones concernées pour une période donnée.

9.) Dans le cas où la population de tout un village ou d’une zone entière a fui les violences, le gouvernement doit prendre sans délai les mesures adéquates pour empêcher que les attaquants ne s’installent dans les villages ou les zones ainsi dégagés.

10.) Des observateurs internationaux des droits de l’homme doivent être déployés dans la région sans délai.

Recommandations économiques à la communauté internationale

Nous appelons les Nations Unies, le Parlement européen et les gouvernements étrangers à aider les musulmans et les chrétiens aux Moluques qui sont victimes de ce conflit tragique, en fournissant une aide financière, une aide humanitaire et une expertise internationale.

1.) La communauté internationale doit soutenir les ONG interreligieuses locales qui sont à l’œuvre aux Moluques en leur apportant une aide financière et technique.

2.) La communauté internationale doit soutenir et faciliter les initiatives de réconciliation de Baku Bae, ce qui comprend :

a.) la formation de zones neutres à Amboine où les deux communautés pourraient de nouveau interagir et se côtoyer socialement. Ces zones comprendraient les places de marché, les écoles et un hôpital ;

b.) un atelier de réconciliation réunissant les responsables traditionnels des musulmans et des chrétiens de localités et de régions choisies des Moluques.

3.) L’application de la loi et les structures judiciaires doivent être renforcées par le biais d’une assistance financière et une expertise internationales.

4.) Les programmes d’aide humanitaire doivent promouvoir l’autosuffisance et la prise de responsabilité plutôt que la dépendance en l’aide distribuée.

5.) Il est impératif que soit mis l’accent sur le fait que des comptes précis doivent être rendus pour toute aide financière ou humanitaire envoyé dans la région.

6.) Pour assurer une telle transparence, plutôt que de faire appel aux agences gouvernementales, l’aide doit être distribuée par les ONG locales et les réseaux de réconciliation au plus bas niveau tels que le processus Baku Bae.

Nous demandons à l’Union européenne et aux Nations Unies de faciliter l’intervention de la communauté internationale au cas où le gouvernement indonésien faillirait à se conformer aux recommandations ci-dessus pour assurer la protection des musulmans et des chrétiens pacifiques aux Moluques.

Signé par :

pour les représentants musulmans : 1.) Haji Muhammad Jusuf Ely, secrétaire du détachement musulman d’urgence aux Moluques ; 2.) M. Mahfud Nukuhehe, chef traditionnel de treize villages musulmans de la partie nord de l’île d’Amboine (région de Leihitu) ;

pour les représentants chrétiens : 1.) Mgr P.C. Mandagi, évêque du diocèse catholique d’Amboine ; 2.) le révérend John Titaley ; 3.) le révérend Jacky Manuputty (tous deux chargés des questions des droits de l’homme au sein de l’Eglise protestante des Moluques).