Eglises d'Asie – Inde
Gujarat : le gouvernement interdit la cuisson et la consommation d’aliments non végétariens pour une période d’un an
Publié le 18/03/2010
Beaucoup de responsables religieux et politiques voient dans cette mesure une initiative destinée à gagner le soutien non seulement des adeptes de la religion concernée, mais aussi des hindous qui suivent ce régime végétarien ou qui lui accordent un grand respect. L’interdiction leur semble surtout destinée à détourner l’attention de la population des multiples problèmes urgents restés sans solution dans la région. Les immenses dégâts causés à la région par le tremblement de terre du 26 janvier dernier (qui a fait quelque cent mille morts et des millions de sans-abri) ont été aggravés par une sécheresse prolongée qui a gravement compromis les récoltes. A cette situation dramatique subie par une grande partie de la population, le gouvernement de l’Etat n’a encore trouvé que peu de remèdes.
L’évêque catholique d’Ahmedabad, Mgr Stanislaus Fernandes, tout en affirmant le respect porté par lui aux valeurs véhiculées par le régime végétarien, a souligné l’inopportunité d’une telle interdiction. “Le moment n’est pas encore venu d’imposer une telle mesure a-t-il déclaré. Le gouvernement devrait tourner son attention vers les problèmes graves qui accablent le peuple : le manque d’eau, la sécheresse qui se prolonge, et surtout la réhabilitation à apporter aux sinistrés du tremblement de terre, qui reste aujourd’hui encore, près de trois mois après les événements, le plus urgent des problèmes de l’Etat. Un autre évêque de l’Etat, Mgr Godfrey de Rozario, évêque de Baroda, va plus loin dans la critique de la récente interdiction. Il pense qu’il s’agit d’une nouvelle étape dans la croisade menée par l’Etat contre les chrétiens et les musulmans, “un nouveau clou enfoncé dans leur cercueil a-t-il précisé. Selon lui, les nationalistes hindous ont procédé à un essai destiné à tester les réactions des non-hindous. La mesure serait ensuite appliquée à tout le pays. L’évêque a rappelé que l’Etat du Gujarat détient le triste record des attentats commis contre les chrétiens au cours de ces trois dernières années, des attentats considérés par l’Etat comme de simples incidents criminels, dont les coupables n’ont jamais été arrêtés. D’une manière générale, cette mesure doit être remise dans le contexte de l’idéologie des hautes castes hindoues et de l’incapacité du gouvernement à adopter une vision laïque de la société indienne moderne.
D’ailleurs, cette intervention de l’Etat dans la vie privée des citoyens n’est pas sans susciter quelque embarras au sein du gouvernement lui-même, dont on dit pourtant que seize membres sont végétariens. L’un d’entre eux, Jaspal Singh, ministre des Prisons, a confié au journal de New Delhi, The Asian Age, les interrogations qu’avait fait naître en lui une telle mesure : “Si les végétariens ont des droits, comment les non-végétariens n’en auraient-ils pas ?”. “Si ce n’est pas un crime, comment peut-on interdire aux non-végétariens de manger de la viande ?” Même dans le parti au pouvoir, le BJP, certains hésitent à justifier une mesure qui vient ainsi troubler les coutumes alimentaires d’une partie de la population.
A l’intérieur de la Fédération indienne, les végétariens sont loin d’être la majorité. Selon une enquête nationale sur la nourriture des Indiens, menée en 1997 et citée aujourd’hui par Mgr de Rosario, ils seraient seulement 29 % de la population. Dans le Gujarat, les chrétiens et les musulmans, non végétariens, représentent 10 % des 50 millions d’habitants.