Eglises d'Asie

Kerala : l’engagement politique de prêtres et de responsables religieux crée un certain trouble dans les milieux chrétiens

Publié le 18/03/2010




Dans l’Etat du Kerala, l’approche des élections législatives fait régner une certaine effervescence chez les sept millions de chrétiens qui constituent 20 % de la population de l’Etat. Les prises de position et les engagements politiques d’un certain nombre d’ecclésiastiques et, même de dirigeants religieux, ont en effet divisé l’opinion à leur sujet.

L’initiative la plus controversée est celle d’un prêtre orthodoxe de 73 ans, le P. Mathai Nooranal, qui se présente comme candidat indépendant dans le district de Wayanad, circonscription électorale de Sultan Bathery. Il est soutenu par le Front démocratique de gauche, la coalition aujourd’hui au pouvoir, conduite par le Parti communiste. Le prêtre très populaire dans sa région où il dirige des groupes d’assistance sociale, une banque coopérative et l’un des meilleurs collèges, affirme se présenter aux suffrages de ses concitoyens dans le seul but de les servir. Sa candidature a reçu le soutien de la hiérarchie de son Eglise, en particulier, de son évêque, Kuriakose mar Clemis, qui a souhaité publiquement sa victoire électorale. Cependant, plusieurs associations de laïcs orthodoxes, comme l’Association Almaya et l’Association du service chrétien orthodoxe, se sont publiquement et vigoureusement prononcées contre sa candidature. Certains trouvent inconvenante la présence d’un prêtre au sein d’un groupe politique d’athées et d’opportunistes. D’autres ne voient pas la nécessité de son engagement alors qu’il n’y aucune pénurie de candidats laïcs.

Certains ecclésiastiques et dirigeants laïcs, surtout dans les milieux catholiques, se sont engagés dans une orientation contraire à celle du prêtre orthodoxe. Ils ont entrepris des négociations avec le principal parti d’opposition, le parti du Congrès, pour faire échec aux communistes aujourd’hui au gouvernement. Le P. Joseph Kakassery, vicaire général de l’archidiocèse catholique syro-malabar de Trichur, a proposé au parti du Congrès de placer des candidats de l’archidiocèse dans cinq circonscriptions électorales. Dans le cas d’un refus de ce parti, l’archidiocèse n’hésiterait pas à les présenter et à les soutenir directement comme candidats indépendants. Par ailleurs, des associations de laïcs, devant le refus du parti du Congrès d’accepter certains candidats catholiques, ont décidé de se transformer en forces politiques pour ainsi mettre fin à la marginalité à laquelle serait condamnée la communauté catholique latine.

Cet engagement direct dans la politique locale a, cependant, été blâmé publiquement par l’évêque catholique de Cochin, Mgr John Thattunkal. Dans un communiqué publié le 17 avril, il a critiqué et qualifié d’opportunistes des organisations de laïcs ayant publié des déclarations politiques au nom de son diocèse. Personne, a-t-il souligné, n’a le droit de causer des divisions dans le diocèse sous prétexte de chercher des voix chez les catholiques. Il a même ajouté qu’il était mauvais, pour l’Eglise, de solliciter des circonscriptions électorales pour ses candidats et d’offrir les votes de la communauté des fidèles aux candidats à la députation. L’évêque de Cochin préconise qu’une liberté entière soit laissée aux chrétiens dans le choix des candidats et dans leurs votes.

Un certain nombre de laïcs chrétiens partagent l’opinion de l’évêque de Cochin. Un enseignant de Kochi estime que l’engagement politique des dirigeants religieux est une orientation désastreuse. D’autres craignent qu’en intervenant dans les affaires politiques, le clergé ne néglige ses devoirs religieux et spirituels. Un universitaire hindou, V.N. Krishna Menon, s’associe aux craintes des laïcs chrétiens et juge que l’engagement en politique des personnalités religieuses n’est pas une tendance saine.