Eglises d'Asie

Le cardinal Kim invite le Japon à reconnaître les erreurs commises lors de son passé militariste

Publié le 18/03/2010




Le cardinal Kim, ancien archevêque de Séoul, a joint sa voix aux virulentes critiques qui se sont élevées en Corée du Sud et ailleurs en Asie après que les autorités japonaises eurent fait savoir le 3 avril dernier qu’elles avaient approuvé un manuel d’histoire destiné aux lycéens du Japon et écrit par des historiens nationalistes soupçonnés de vouloir cacher les agressions commises par le Japon pendant la guerre (1). Sur les ondes de la Korea Broadcasting System, le 13 avril, le cardinal Kim a déclaré que le Japon ne pouvait “renaître et être respecté par la communauté internationale” que s’il faisait preuve d’humilité et d’honnêteté en reconnaissant ses erreurs passées et en enseignant la vérité à sa jeunesse. “Aux yeux du peuple coréen et de nombreux autres peuples d’Asie qui ont eu à souffrir du colonialisme japonais”, les distorsions apportées à l’histoire “feront du Japon une nation à qui il n’est pas possible de pardonner”, a-t-il ajouté.

La prise de position du cardinal Kim, figure respectée non seulement au sein de l’Eglise catholique mais également par de vastes secteurs non chrétiens de la société sud-coréenne, intervient après que les autorités de Séoul eurent fait savoir leur vif mécontentement en rappelant leur ambassadeur à Tôkyô et en l’y renvoyant une semaine plus tard, porteur d’une lettre officielle de protestation. La Chine, Taiwan et la Corée du Nord ont également fait part de leur courroux.

Comme en écho aux propos du cardinal Kim, les médias sud-coréens ont largement répercuté les manifestations de colère de nombreux segments de la société sud-coréenne. Cette colère n’est pas limitée aux générations âgées qui ont connu l’occupation japonaise et la seconde guerre mondiale. Un récent clip d’un chanteur de variétés en vogue, Kim Sung-jib, montrait ainsi durant cinq longues secondes un drapeau japonais en flammes avec la légende suivante : “La guerre n’est pas finie”. Bien que les produits culturels de masse japonais soient très présents dans les rues de Séoul depuis la levée de leur interdiction en 1998 (une interdiction qui avait duré un demi-siècle) et que la jeunesse sud-coréenne en fasse une large consommation, l’expression publique par des jeunes Sud-Coréens de sentiments anti-japonais montre combien ces attitudes sont profondément ancrées dans le pays.

Depuis de nombreuses années déjà, les Eglises catholiques du Japon et de Corée du Sud sont engagées sur la voie du dialogue et des échanges. Dès 1966, les deux Eglises ont pris conscience qu’elles ne pouvaient pas continuer à s’ignorer et leurs évêques ont reconnu, dans un premier temps, que par delà les aléas dramatiques de l’histoire entre leurs deux pays, de vraies relations ne pouvaient être établies que sur l’acceptation réciproque d’une vérité historique indiscutable. Un “Comité de recherche historique sur les relations entres les deux pays” avait alors été créé et des réunions annuelles d’échanges ont eu lieu depuis lors (2). En 1999, le cardinal Kim était revenu sur les années de la guerre et avait fait part de sa tristesse pour s’être joint “volontairement” à l’armée impériale japonaise. Le cardinal était alors séminariste, étudiant à Sophia, l’université jésuite de Tôkyô. “Comme les autres jeunes hommes venues des colonies [du Japon], je ne voulais pas m’enrôler. Mais j’ai dû le faire lorsque j’ai reçu un courrier officiel (m’ordonnant de le faire) de la part de l’Eglise, soumise aux très fortes pressions du Japon”, a-t-il alors écrit. “Avec d’autres soldats coréens sur une île de l’archipel d’Ogasawara, j’ai tenté de fuir et de rejoindre l’armée américaine, mais c’est alors qu’un avion américain a pris pour cible le petit bateau sur lequel nous avions embarqué pour fuir et nous avons dû faire demi-tour”.