Eglises d'Asie

Les autorités recherchent les fomentateurs des troubles des Hauts-Plateaux dans les communautés protestantes illégales et chez leurs protecteurs à l’étranger

Publié le 18/03/2010




Une information puisée dans le journal Tin Tuc de vietnamienne d’information et rapportée, le 18 avril, par plusieurs agences internationales attire l’attention, une nouvelle fois, sur le rôle joué par les chrétiens des minorités ethniques lors des troubles qui ont agité la population des Hauts-Plateaux du Centre-Vietnam au mois de février dernier. Le journal vietnamien rapportait une déclaration de Y Luyên Niec Dam, secrétaire de la section provinciale du Parti communiste à Dac Lac, selon lequel onze personnes, accusées d’avoir fomenté les manifestations récentes, allaient être traduites devant le tribunal régional. Le responsable communiste local, qui se trouvait à Hanoi à la veille du 9ème Congrès du Parti, n’a fourni aucune information précise sur l’identité des inculpés, la nature exacte des activités dont ils s’étaient rendus coupables, pas plus que sur la date du procès. La suite de sa déclaration donne toutefois à penser que les personnes sur le point d’être traduites devant le tribunal pourraient être liées à des groupes religieux chrétiens. Le secrétaire de section communiste a en effet ajouté que les autorités locales comptaient prendre des mesures fermes à l’endroit de “ceux qui abusent de la foi protestante des habitants de l’endroit pour déformer la vérité et saboter la révolution”. Il a ensuite fait allusion aux “réactionnaires locaux et internationaux” qui ont créé cette “mauvaise situation”.

Ce n’est qu’à contre-cœur et progressivement que les autorités vietnamiennes en sont venues à penser que l’insatisfaction des ethnies minoritaires dans le domaine religieux a joué un rôle moteur dans les troubles récents. D’après les témoins oculaires, dès le début, parmi les slogans criés par les 4 000 montagnards d’ethnies différentes qui ont envahi Pleiku, dans la soirée du 1er février (1), on a pu entendre le cri “liberté pour notre religion”. Pourtant, les autorités ont, au début, hésité à mentionner les motivations religieuses qui auraient pu nourrir la colère des manifestants des Hauts-Plateaux. Les premiers communiqués officiels qui n’ont été publiés qu’après le rétablissement de l’ordre à Pleiku dans les jours qui suivent le 3 février et la fin des manifestations de protestation à Buôn Ma Thuôt et dans d’autres localités de la province de Dac lac, se contentent de parler de protestations motivées par des “problèmes agraires” et ne font pas état de revendications religieuses (2).

Dans leurs premières informations, les responsables gouvernementaux avaient indiqué que les protestations avaient été déclenchées par l’arrestation de deux personnes accusées, sans autres précisions, d’infraction à la loi. Elles auraient été libérées dès le début des manifestations. Au lendemain du premier communiqué officiel, la Fondation des Montagnards, un organisme qui rassemble des exilés des Hauts-Plateaux aux Etats-Unis, révélait que les deux personnes en question étaient des membres de l’Eglise évangélique et qu’elles avaient été torturées avant d’être relâchées. Un article de l’organe du ministère de la Sécurité publique, An Ninh, du 7 mars, a lancé une attaque contre cette association dont le siège est à Spartanburg, en Caroline du Sud, et qui est dirigée par K’sor Kok, un militant indépendantiste. Le journal situe ce groupe dans la lignée du FULRO (Front unifié pour la libération des races opprimées), mouvement très actif dans les années qui ont suivi le changement de régime, aujourd’hui en sommeil. L’article mettait en relief certains liens existant entre les agitateurs des minorités ethniques, les Etats-Unis et les missionnaires protestants.

Plus tard à la mi-mars, lorsque les journalistes ont finalement été autorisés à participer à une tournée contrôlée dans les Hauts-Plateaux, ils relèvent encore que les fonctionnaires qui les accompagnent insistent sur le fait que les manifestations n’ont rien à voir avec la question religieuse. Cependant, dans leurs dépêches, les journalistes font état de témoignages entendus de la bouche des habitants laissant entendre que les Eglises protestantes clandestines ont joué un rôle important dans les manifestations et que plusieurs arrestations avaient eu lieu.

Quelques temps plus tard, dans les journaux officiels, les accusations vont changer d’objet et vont concerner directement et de plus en plus précisément les Eglises domestiques protestantes et leurs protecteurs à l’étranger. Ce tournant a été pris d’autant plus facilement qu’il y a longtemps que les idéologues du Parti soupçonnent les Eglises protestantes en milieu montagnard de servir d’instruments à la stratégie américaine de l’évolution. Ainsi, dans un article du Lao Dông du 28 mars, décrivant les agissements des fauteurs de trouble bien après les événements, il est précisé que, dans un village, ceux-ci, entre autres choses, avaient obligé la population à apporter sa contribution financière à la construction d’une chapelle, destinée, en réalité, à abriter les réunions de ceux qui projettent de continuer les troubles.

Avec l’annonce du procès intenté à 11 fomentateurs de troubles, sans doute des chrétiens, les recherches du gouvernement pour découvrir les vrais responsables des troubles semblent maintenant avoir pris une orientation déterminée. Une dépêche de l’AFP du 19 mars citait les déclarations du chef de la Commission de propagande du Parti, accusant des représentants de gouvernement étrangers d’être intervenus sur les Hauts-Plateaux pour fomenter les manifestations. Les soupçons se dirigent de plus en plus vers les communautés protestantes clandestines et leurs protecteurs à l’étranger. Selon les enquêteurs officiels, dans la région des Hauts-Plateaux, pauvre et dépourvue de moyens de communication, seul le réseau des Eglises domestiques protestantes était assez consistant pour permettre l’organisation du mouvement de protestation, qui, d’après tous les observateurs, avait été soigneusement préparé dans un secret qui a surpris tout le monde. Les chrétiens vont-ils, une fois de plus, servir de boucs-émissaires ou ont-ils été véritablement les acteurs de cet événement ? Les historiens le diront. De toute façon, ils sont déjà les premières victimes de la répression.