Eglises d'Asie

Un haut fonctionnaire justifie une politique religieuse violemment critiquée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays

Publié le 18/03/2010




La tenue du 9ème Congrès du Parti communiste à Hanoi, du 19 au 22 avril dernier, a donné l’occasion à une série de personnalités du Parti, fort laconiques en temps ordinaire, de s’exprimer avec une certaine liberté devant les représentants des médias internationaux venus nombreux dans la capitale à cette occasion. Le général Pham Van Tra a ainsi pu se justifier en public de la réprimande qu’il a reçue du Comité central (1). L’ancien secrétaire général Dô Muoi a souligné pour les journalistes les erreurs commises par son successeur Lê Kha Phiêu au cours de son mandat (2) tandis que ce dernier attribuait à son âge avancé son départ hors de son poste de secrétaire général. Ce fut aussi l’occasion pour le directeur des Affaires religieuses, Lê Quang Vinh, qui, d’habitude, réserve ses révélations à la Conférence épiscopale catholique du Vietnam ou aux diverses instances dirigeantes des autres religions, de monter au créneau pour défendre la situation de la liberté religieuse au Vietnam, aujourd’hui mise en cause avec autant de virulence à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Dans ses propos rapportés par l’agence Reuters (3), le directeur des Affaires religieuses a fait preuve d’une modestie inaccoutumée. Il n’avait pas l’intention, a-t-il remarqué, de laisser entendre que la politique religieuse au Vietnam est parfaite. On aurait eu, effectivement, de la difficulté à le croire. La politique religieuse poursuivie au Vietnam n’est pas de caractère dogmatique et elle pourra être modifiée. Cette réserve faite, il a exalté le respect de la liberté religieuse qui règne au Vietnam sous l’égide du Parti et de l’Etat. Jamais, a-t-il affirmé, les autorités n’ont arrêté, détenu ou placé sous surveillance quelqu’un à cause de ses croyances religieuses. Cependant, ce respect de la liberté religieuse paraît avoir certaines limites, puisque, selon Lê Quang Vinh, lui-même, il ne s’applique qu’aux groupes religieux reconnus officiellement par l’Etat, dont les activités ne sont pas contraires à la loi et ne comportent pas de superstitions. Il n’est pas possible de présenter comme persécution religieuse la répression exercée par l’Etat vietnamien sur ceux qui abusent de la religion, a souligné le haut fonctionnaire qui a aussi fait remarquer que, dans le passé, certaines forces ont effectivement utilisé la religion et les croyances à leur profit.

L’intervention du responsable des Affaires religieuses se justifiait. Jamais comme aujourd’hui, après les trois ans de mandat de Lê Kha Phiêu, la politique religieuse menée par le bureau des Affaires religieuses sous la direction du Bureau politique, n’avait eu autant besoin d’être défendue devant la presse étrangère. Les critiques extérieures au pays se sont en effet multipliées de tous côtés au cours des derniers mois et risquent même de compromettre la réalisation des projets économiques du gouvernement. Le gouvernement est particulièrement inquiet de la recommandation faite le mois dernier au Trésor américain par une Commission du Congrès, la Commission pour la liberté religieuse dans le monde. Celle-ci a demandé au gouvernement américain de retirer son soutien aux prêts de quelque 750 millions de dollars envisagés pour le Vietnam par le Fonds monétaire international et par la Banque mondiale, à cause des violations de la liberté de croyance commises par son gouvernement. Le gouvernement américain n’a pas encore réagi à la recommandation mais les responsables vietnamiens s’inquiètent des répercussions éventuelles de cette recommandation. faite par une Commission qui se souvient que l’animateur de la campagne pour la liberté religieuse, le P. Nguyên Van Ly a été sanctionné pour lui avoir envoyé un rapport sur ce sujet.

Un autre vague de critiques venues de l’extérieur a été provoquée par les vexations subies par un député norvégien le mois dernier lors de son voyage au Vietnam. Arrivé au Vietnam le 7 mars dernier, le député norvégien avait, le lendemain, rencontré sans encombre à Saigon le haut responsable du Bouddhisme unifié. Il s’était ensuite rendu à Huê où il avait rencontré deux autres religieux appartenant au Bouddhisme unifié, les vénérables Thich Thiên Hanh et Thich Thai Hoa. Les ennuis commencèrent pour lui lorsqu’il pénétra dans la paroisse de An Truyên, pour y rencontrer son curé, le P. Nguyên Van Ly, qui purge sur place une peine de résidence surveillée pour sa campagne. L’entretien entre les deux hommes a été interrompu par l’irruption de 100 policiers. Après deux interrogatoires, qui, au total, ont duré plus de onze heures, il a été incarcéré à Hô Chi Minh-Ville puis renvoyé du Vietnam.