Eglises d'Asie

Une enquête menée au Kerala démontre un changement profond dans la pratique, la mentalité et le comportement moral des jeunes catholiques

Publié le 18/03/2010




Les résultats d’une enquête menée parmi les jeunes catholiques du Kerala par l’hebdomadaire catholique Sathyadeepam (‘Lumière de la vérité’) vient d’alerter les responsables catholiques sur certaines évolutions en train de se dessiner dans la pratique religieuse, dans la mentalité comme dans le comportement moral, évolutions qui jusqu’à présent n’avaient pas été perçues clairement. Dans son commentaire, le rédacteur en chef de la revue, le P. Paul Thelakat, écrit que, désormais, les responsables ne peuvent plus ignorer la réalité et répéter que tout est parfait chez les 5 millions de catholiques de l’Eglise du Kerala, qui à eux seuls représentent un tiers de l’Eglise de l’Inde. Ces résultats publiés le 14 mars dernier devraient les inquiéter. L’enquête portait sur 1 000 catholiques âgés de 17 à 25 ans. Parmi les 616 réponses recueillies, provenant de 11 des 27 diocèses de l’Etat, 297 émanaient de personnes de sexe masculin, 319 de jeunes filles.

Le premier domaine abordé par l’enquête était celui de la pratique religieuse et des diverses attitudes spirituelles. Certes, 92 % des personnes interrogées ont répondu que l’assistance à la messe du dimanche était pour eux une pratique régulière ; mais 80 % ont signalé que c’était loin d’être le cas pour tout le monde. Les indications données par les jeunes catholiques ont permis au commentateur des résultats de l’enquête d’affirmer que, pour beaucoup de gens, la pratique dominicale était devenue facultative. D’autres pratiques spirituelles semblent, elles, tomber en désuétude. Ainsi 94 % des personnes soumises à l’enquête savent que l’Eglise du Kerala fait obligation aux chrétiens d’observer l’abstinence le vendredi, mais beaucoup de réponses révèlent un manque de zèle évident pour cette observance. L’hebdomadaire catholique peut en conclure que la plupart des familles catholiques au Kerala consomment de la viande le vendredi.

Les réponses faites au questionnaire de l’enquête montrent également que le comportement moral des jeunes catholiques du Kerala dans le domaine de la sexualité est en train de changer. D’ailleurs, pour 82 % d’entre eux, ils se sont montrés tout à fait conscients qu’un changement de comportement est intervenu en ce domaine. 31 % seulement considèrent que l’interruption volontaire de grossesse est un péché contrevenant aux lois de l’Eglise. Bien que 73 % estiment personnellement que les relations sexuelles extra-conjugales sont condamnables, 80 % des personnes sondées jugent que le nombre de catholiques qui s’y laissent entraîner est en augmentation. Si plus de la moitié des personnes de sexe mâle ne trouvent rien à redire au “baiser amoureux” en dehors du mariage, la proportion est plus faible chez les filles : un quart d’entre elles l’admettent. Malgré cela, 39 % des garçons et des filles pensent que les relations amoureuses doivent conduire aux rapports sexuels. L’enquête relève également une tendance grandissante chez les jeunes catholiques à considérer qu’il leur est loisible d’adopter ou non les diverses méthodes de contrôle des naissance. Le rédacteur du rapport d’enquête fait remarquer que les catholiques d’aujourd’hui, ou bien ignorent, ou bien veulent ignorer les aspects moraux de ce contrôle.

Ainsi, d’après le rédacteur en chef de la revue catholique, l’enquête a pour mérite de dissiper un mythe très répandu dans les milieux catholiques de l’Etat, selon lequel, au Kerala, l’ensemble des valeurs spirituelles et morales seraient restées intactes contrairement à ce qui se passe en Europe et aux Etats-unis. Au contraire, les valeurs qui caractérisaient la vie catholique se détériorent progressivement, conclut le rapporteur de l’enquête. Certains dirigeants d’Eglise ont eu de la peine à accepter le changement profond que révélait l’enquête. Après avoir pris connaissance des résultats, Mgr Thomas Chakiath, évêque auxiliaire d’Ernakulam-Angamaly, s’est déclaré sceptique sur le fait que les catholiques ne considéreraient plus l’assistance à la messe dominicale comme une priorité. Toutefois, il a encouragé les catholiques à faire en sorte que l’héritage spirituel et moral des chrétiens du Kerala reste intact chez les jeunes générations.