Eglises d'Asie

Après un nouveau rapport envoyé par le P. Nguyên Van Ly à une commission du Congrès américain, les autorités civiles lui interdisent d’exercer son ministère

Publié le 18/03/2010




Le plus récent des bulletins de nouvelles, régulièrement diffusés par l’entourage du P. Nguyên Van Ly, vient d’informer des nouvelles mesures prises contre celui-ci par les autorités locales. Dans l’après-midi du 10 mai dernier, un groupe de dix cadres conduit par le président du Comité populaire de la commune de Phu An a pénétré dans la paroisse de An Truyên, paroisse où le P. Ly, son curé officiel, purge sa peine de résidence surveillée. Le groupe était porteur de la décision n° 196, signée du Comité populaire provincial, interdisant au prêtre d’exercer des fonctions religieuses dans sa paroisse et sur le territoire de la province de Thua Thien Huê “durant toute la période de son assignation à résidence administrative”. N’ayant pas eu le droit de s’exprimer après la remise de la décision, le prêtre a refusé de signer le procès-verbal établi par les cadres et consignant la communication de cette décision. La lecture que ceux-ci en ont faite a d’ailleurs été inaudible, car quelque 200 fidèles de la paroisse, accourus auprès de leur curé dès l’entrée des cadres dans la paroisse, ont couvert la voix du lecteur par le chant de cantiques. Au bas de la “décision n° 196”, le P. Ly a immédiatement noté : “Preuve irréfutable de l’usurpation par le pouvoir de l’autorité de l’archevêque de Huê.” Par la suite, à l’heure de la messe quotidienne, les policiers ont essayé d’empêcher le prêtre de se rendre à l’église. Mais celui-ci y parvint aisément, étroitement escorté par ses paroissiens. Avant la messe, en présence de plusieurs policiers assis au fond de l’Eglise, il a lu un procès-verbal de l’affaire établi par lui-même (1) et a dénoncé l’usurpation du pouvoir religieux par les autorités civiles.

Les intentions du pouvoir civil étaient déjà connues du P. Ly auparavant. Elles lui avaient été rapportées le 17 avril précédent lors d’une visite officielle du vicaire général du diocèse, le P. Nguyên Duc Vê, à la paroisse de An Truyên et à son desservant (2). Le vicaire général, après lui avoir remis un cadeau de la part de l’archevêque, lui a fait savoir que les autorités communistes voulaient forcer l’archevêque à lui interdire de célébrer la messe dans la paroisse de An Truyên et plus particulièrement d’y prêcher. Selon le rapport de l’entourage du P. Ly, et le procès-verbal n° 18 du P. Ly, l’archevêque a répondu : “Le droit canon, c’est le droit-canon et la loi, c’est la loi ! Si vous constatez que le P. Ly est en infraction avec la loi, jugez-le ! Pour ma part, je ne peux pas interdire au P. Ly d’accomplir son ministère pastoral, sauf dans le cas où, dans sa prédication, il s’opposerait à la doctrine de la foi ou à la morale.” Les propos de l’archevêque auraient profondément irrité les deux officiers de renseignement venus le trouver pour cette affaire.

Il est probable que l’interdiction de ministère pastoral signifiée au P. Ly par les autorités de la province est liée aux plus récents développement de la campagne pour la liberté religieuse menée par le prêtre. Un premier rapport envoyé en février à une commission du Congrès américain avait déjà déchaîné les foudres du régime qui, après l’avoir condamné à la résidence surveillée, avait déversé sur lui calomnies et condamnations par l’intermédiaire de la presse officielle (3). Un nouveau rapport, intitulé “Témoignage n° 2 d’un prisonnier de conscience, le prêtre Nguyên Van Ly”, vient d’être envoyé à une commission des droits de l’homme du Congrès américain, à la demande de sa présidente Zoe Lofgren. Ce rapport devrait être lu publiquement le 16 mai. Dans ce texte de cinq pages, le curé de An Truyên procède à une récapitulation du contrôle et de l’oppression exercés par le pouvoir en place sur les diverses instances de l’Eglise catholique. Il y évoque une conférence épiscopale surveillée en chacune de ses activités, un sacerdoce contrôlé par le pouvoir de sa formation à sa nomination en paroisse, des couvents ne pouvant plus recruter, des chrétiens considérés comme des citoyens de seconde zone, des paroisses brimées dans leur volonté de restaurer leurs églises, une Eglise dépouillée de ses établissements religieux et sociaux, éducatifs, caritatifs, sanitaires, confisqués depuis 25 ans, et jamais rendus, privée de tout moyen d’expression. De plus, le prêtre accuse le pouvoir d’avoir introduit l’hypocrisie dans tous les domaines de la vie publique où désormais personne ne peut plus s’exprimer sincèrement.