Eglises d'Asie

La hiérarchie religieuse réagit prudemment à un rapport américain dénonçant les violences exercées contre les minorités religieuses

Publié le 18/03/2010




Un rapport de la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde, paru le 1er mai, a relevé au chapitre de l’Inde, “un accroissement des violences exercées contre les minorités religieuses”. La présence de l’Inde sur la liste des pays où se commettent les plus sérieuses violations de la liberté religieuse a suscité une double réaction dans les milieux des minorités religieuses en particulier, chez les chrétiens et les musulmans. Alors que, d’une façon générale, le gros des fidèles des diverses religions minoritaires exprime sa satisfaction, la hiérarchie religieuse a pris position d’une façon nuancée et précautionneuse.

Le rapport américain a précisé que cet accroissement des violences coïncidait avec le renforcement de l’influence politique des groupes nationalistes hindous à orientation “exclusiviste dont le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), fait partie. Tout en notant que le gouvernement indien pourrait ne pas être directement responsable, la commission souligne cependant qu’il n’a pas fait tout ce qu’il pouvait pour enrayer les violences. En conséquence, la commission demande que des pressions soient exercées sur l’Inde par le gouvernement américain à ce sujet et qu’un dialogue sur les droits de l’homme soit entamé entre les deux gouvernements.

Dans ses commentaires sur le rapport américain, le porte-parole de la Conférence épiscopale de l’Inde, le P. Donald D’Souza, a gardé une très grande prudence. Il a fait remarquer que le fait qu’un pays étranger exprime ses vues sur la liberté en Inde est “d’une extrême gravité”. Après avoir dit que l’Eglise en Inde ne permettait pas à d’autres pays d’étudier ou de commenter la situation à sa place, il a observé que le monde était devenu un grand village et que les questions affectant certaines personnes concernent maintenant chacun. L’Inde ne se prive pas de commenter les comportements des autres nations. Les Etats-Unis le font aussi.

Du côté des laïcs, d’une façon générale, le chapitre sur l’Inde du rapport américain n’a suscité que très peu de réserves. John Dayal, secrétaire général du Conseil chrétien pan-indien, s’est contenté de déclarer que le rapport américain confirmait ce que toutes les autres grandes organisations internationales avaient déjà révélé au monde. Selon lui, les violences anti-chrétiennes ont pour source la campagne de haine menée par les nationalistes hindous. Dans le quotidien Abkar-E-Mashrtique en langue ourdoue, langue de culture des musulmans de l’Inde depuis deux siècles et demi, M. H. Haque approuve l’analyse politique contenue dans le rapport. Il est incontestable que la venue au pouvoir de la coalition menée par le BJP, il y a trois ans, a multiplié les attaques dirigées contre les communautés religieuses non hindoues. Selon le journaliste, ce sont les chrétiens qui ont été le plus touchés. C’est le journal The Statesman du 4 mai qui se montre le plus catégorique dans son approbation du rapport. “La commission américaine, écrit-il, n’a fait que corroborer ce que la presse indienne responsable dit depuis longtemps… Vous ne pourrez attendre de considération des minorités religieuses tant que vous détruirez leurs lieux de culte, brûlerez leurs bibles, enlèverez leurs religieuses, brûlerez vifs leurs missionnaires et que vous essayerez de soustraire les coupables à la justice”.

Le rapport a été considéré comme un acte d’inimitié des Etats-Unis contre l’Inde par beaucoup de partisans du nationalisme hindou. Un dirigeant du Vishwa Hindu Parishad (Conseil hindou mondial) a dit de lui qu’il était entièrement tourné contre la population du pays. Pour lui, c’est un exemple manifeste de l’absence de compréhension dont les Etats-Unis font preuve au sujet des réalités indiennes.