Eglises d'Asie

La veille des élections, le cardinal Sin a appelé au calme et demandé pardon aux pauvres pour la négligence dont l’Eglise catholique a fait preuve à leur égard

Publié le 18/03/2010




Lors d’une messe organisée au sanctuaire marial de Marie Reine de la Paix, à EDSA (Epifano de los Santos Avenue), haut lieu des manifestations de “People Power I” en 1986, de “People Power II” en janvier de cette année et de celles de la fin du mois d’avril dernier (1), le cardinal Sin a demandé pardon pour les fautes de l’Eglise catholique envers les pauvres, en particulier pour “les avoir négligés pendant trop longtemps”, tandis que des partisans de l’ex-président Estrada ont à leur tour demandé pardon pour avoir perdu confiance en l’Eglise et pour avoir nourri des sentiments de haine en leur for intérieur. Réunissant environ 3 000 personnes, cette cérémonie a eu lieu le dimanche 13 mai, soit la veille d’importantes élections pour le renouvellement de 13 des 24 sénateurs, de tous les membres de la Chambre des Représentants et de plusieurs milliers de postes électifs à travers tout le pays.

“Nous voudrions demander aux pauvres le pardon. Nous devons écouter les demandes des pauvres. Nous ne devons pas attendre qu’une nouvelle crise éclate pour ouvrir nos yeux”, a notamment déclaré le cardinal-archevêque de Manille, qui a ajouté que les pauvres devaient être convaincus que l’Eglise catholique n’est pas “contre Estrada, mais pour la moralité”. Le cardinal Sin a appelé les écoles catholiques à aider à donner une éducation à ceux qui ne peuvent se permettre de payer les frais de scolarité ; il a invité les prêtres et les religieuses en particulier à visiter les sans-terre, les squatters et les sans-emploi. Un prêtre et une religieuse ont ensuite pris la parole pour demander pardon de leur indifférence envers les pauvres et de ne pas avoir respecté un train de vie modeste. Au moment de l’échange du baiser de paix, des partisans de Joseph Estrada ont fondu en larmes tandis que la présidente Gloria Macapagal-Arroyo les embrassait. La foule des fidèles agitait des foulards blancs, en “un geste de paix et de réconciliation”.

L’appel du cardinal Sin n’a pas été accueilli très favorablement par tous les membres du clergé et par les religieuses, certain d’entre eux estimant qu’ils n’ont pas négligé les pauvres. Quelques jours auparavant, le 3 mai, lors d’une rencontre œcuménique, une religieuse franciscaine, sœur Leonila Villanueva expliquait comment les sœurs et elle vivaient et partageaient la vie des pauvres et comment ces personnes “continuaient à croire qu’Estrada était leur sauveur”. Pour elle, il était douloureux de voir les pauvres rejeter l’Eglise, comme si ces années passées auprès d’eux étaient “sans valeur”. Un prêtre catholique, le P. Juvenal Moraleda, est intervenu pour dire : “Nous pensons souvent que nous connaissons leurs questions et que nous pouvons y apporter nos propres réponses”. Selon lui, Estrada et ses alliés ont su apporter un espoir aux pauvres et les manifestations qu’ils ont menées devant le sanctuaire d’EDSA appelaient sans doute à plus de justice pour eux-mêmes plutôt que pour Estrada.

Par ailleurs, lors de cette messe du 13 mai, le cardinal Sin a lancé un appel au calme. Les présentes élections s’avèrent en effet être parmi les plus violentes des récentes élections aux Philippines. Un député, Marcial Punzalan, ainsi que dix autres personnes ont été tués au cours de cette seule journée. Au total, près de 80 personnes sont mortes du fait des violences pré-électorales, rapporte la police. Pour les élections de 1995, 42 personnes avaient été tuées et en 1998, le chiffre s’était élevé à 38. “Utilisons notre bulletin de vote et non des balles pour exprimer nos sentiments sur ce qui est bon pour la nation”, a notamment déclaré le cardinal Sin, quelques heures avant la fin officielle de la campagne électorale.