Eglises d'Asie

Le pape Paul VI avait envisagé de célébrer la messe de Noël à Saigon en 1968

Publié le 18/03/2010




Dans un entretien avec l’agence de presse ANSA (1), le 20 avril 2001, l’ancien secrétaire du pape Paul VI, Mgr Pasquale Macchi, a confirmé que, en 1968, le souverain pontife, inquiet de l’évolution dramatique de la guerre entre le Nord- et le Sud-Vietnam, avait nourri l’intention de se rendre en visite à Saigon, à l’occasion de Noël, quelques mois après l’offensive générale des forces communistes dans le Sud-Vietnam du printemps de cette année-là. Cette révélation était contenue dans un ensemble de 13 documents classifiés, publiés par le gouvernement des Etats-Unis dans la semaine du 15 au 21 avril, concernant les relations entre Washington et Rome, entre 1965 et 1968. Le journal La Stampa de Turin en a publié de larges extraits, le 20 avril.

Les documents nouvellement connus montrent que, malgré l’absence de liens diplomatiques entre les Etats-Unis et le Vatican, de nombreux contacts ont eu lieu entre le pape Paul VI et Lyndon Johnson au cours de la période de trois ans que couvrent les documents publiés. C’est, semble-t-il, le pape qui, le 10 février 1965, avait pris l’initiative de ces relations par un message diplomatique transmis à Washington par l’intermédiaire de l’ambassade des Etats-Unis en Italie. Le pape y exprimait son désir de paix au Vietnam. “Sa sainteté, disait le message, est gravement concernée par les développements en cours dans l’Asie du Sud-Est.” C’était quelque temps après l’engagement total des Etats-Unis dans la guerre. Par la suite, sentant la situation s’envenimer, encouragé par ce premier contact, le président Johnson a, plusieurs fois, recouru à l’autorité morale du pape et sollicité son appui pour mettre fin au conflit. Il le rencontrera personnellement, lui enverra trois lettres et un rapport. De nombreux émissaires, dont l’ancien vice-président Hubert Humphrey, seront envoyés au Vatican.

Parmi d’autres problèmes, la guerre du Vietnam avait été évoquée une première fois (2) lors d’un premier entretien qui eut lieu à l’hôtel Waldorf-Astoria, le 4 octobre 1965, à New York, quelques heures avant le discours prononcé par le pape devant les représentants de l’ONU, discours dont une phrase est restée célèbre : “Jamais plus la guerre, jamais plus la guerre !”. Plus tard, en mai 1966, lors d’une audience au Vatican, l’ambassadeur de Washington au Sud-Vietnam, Cabot Loge, se plaignit devant le souverain pontife de l’absence de désir de paix du côté vietnamien. Dans une première lettre écrite au mois de juillet 1966, le président Johnson soulignera encore la réticence de la partie adverse à entamer des négociations. Au mois de novembre 1966, Johnson écrit au pape que les Etats-Unis sont prêts à accepter une trêve à l’occasion de Noël si c’est le Saint-Siège qui la propose, au lieu de Hanoi. Deux rencontres auront lieu en 1967. Lors de la première, Paul VI rencontrera le vice-président Hubert Humphrey à Florence. La seconde eut lieu quelque temps avant Noël. Le président des Etats-Unis venant d’Australie fit escale au Vatican où il s’entretint avec le pape de problèmes concernant la guerre du Vietnam.

D’une façon générale, dans les demandes orales et écrites adressées au chef de l’Eglise catholique, le président des Etats-Unis sollicitait de celui-ci des déclarations critiques à l’encontre du Nord-Vietnam et une intervention auprès de Hanoi afin d’améliorer le sort des prisonniers de guerre américains. Il comptait également sur Paul VI pour que les milieux catholiques de la capitale du Sud lui permettent d’ouvrir un dialogue avec certains sympathisants communistes du Sud-Vietnam. Selon les documents récemment livrés à la connaissance du grand public par les Etats-Unis, le souverain pontife aurait sympathisé en privé avec les objectifs et positions du président américain, mais se serait montré hostile à l’idée de faire preuve de partialité en apparaissant soutenir la guerre américaine, en particulier les bombardements infligés au Nord-Vietnam. “Vous comprenez que je ne pourrai jamais donner mon accord à la guerre avait dit Paul VI à Johnson lors de leur rencontre de 1967 au Vatican, si l’on en croit les documents récemment diffusés.

Cependant le souverain pontife ne prononça jamais une condamnation officielle des bombardements américains sur le Nord-Vietnam. Le cardinal Lercaro, qui le fit dans un discours resté célèbre, le 1er janvier 1968, fut, pour cette raison, assez rapidement contraint à démissionner (3).

Paul VI était sincèrement désireux de s’employer de son mieux à mettre un terme au conflit. On sait qu’au cours de cette année 1968, Paul VI avait envoyé secrètement des représentants du Saint-Siège dans différentes capitales pour faire accepter une proposition de négociations sur la guerre du Vietnam. C’est dans cette même perspective qu’il avait songé à se rendre au Nord- et au Sud-Vietnam en décembre 1968. Il aurait voulu célébrer la messe de Noël à la cathédrale de Saigon. Dans l’intérêt de la neutralité, le pape abandonnera cette idée lorsque Hanoi lui fit connaître son refus de le recevoir. En fin de compte, dès le mois d’août 1968, après l’ouverture des négociations de Paris, l’entourage de Johnson décidera d’abandonner ces recours au Vatican de peur de gêner les négociations en cours.