Eglises d'Asie

Le principal instigateur du meurtre d’un pasteur protestant et de ses deux enfants est formellement identifié par un témoin

Publié le 18/03/2010




Pour la première fois depuis l’ouverture du procès des personnes inculpées dans l’affaire du meurtre du pasteur Graham Stuart Staines et de ses deux enfants, meurtre perpétré le 23 janvier 1999 dans le village de Manohapur, dans l’Etat d’Orissa, un témoin a formellement identifié le principal accusé, Dara Singh. Bhakta Marandi, témoin de l’accusation, a affirmé au tribunal de Bhubaneswar, où se déroule le procès depuis déjà trois mois, qu’il avait vu Dara Singh à la tête du groupe qui a mis le feu à la voiture où étaient enfermés le pasteur et ses enfants. Les précédents témoins avaient refusé d’identifier Dara Singh ou de porter témoignage contre lui devant le tribunal, ce qui, selon de nombreux observateurs, laissait supposer que de fortes pression s’exerçaient contre eux. L’un d’eux, le chauffeur du pasteur, qui avait affirmé avoir entendu des slogans hindouistes prononcés par les agresseurs, s’était dit incapable de les identifier.

Le témoin qui appartient à l’ethnie des Santals a déclaré que l’attaque avait eu lieu aux alentours de minuit dans le village de Manoharpur. Il était en train de dormir dans sa propre maison située près de l’église lorsque des bruits l’avaient tiré de son sommeil. Il était alors sorti et avait aperçu devant l’église la voiture où le pasteur et ses enfants dormaient. Des personnes munies de haches, de torches et de massues en bois s’étaient alors avancées et, après avoir assené des coups sur le véhicule, elles y avaient mis le feu. Marandi a certifié que Dara Sing, une personne grande et maigre, brandissant une hache, donnait aux autres des instructions concernant l’attaque du véhicule. Le témoin a ajouté qu’il avait l’intention de se rapprocher du lieu du crime mais qu’il en avait été empêché par des hommes armés qui avaient menacé de le tuer. Par une arrière cour, il s’était alors réfugié dans une maison voisine d’où il avait observé toute la suite des événements. Un avocat lui ayant demandé s’il était capable de reconnaître le principal coupable au milieu des 13 inculpés qui se trouvaient au tribunal, le témoin a tout de suite désigné Dara Sing.

Les avis des juristes sur le témoignage porté par Bakhtar Marandi restent cependant partagés. Pour l’un d’entre eux, avocat à la cour suprême, M. P. Raju, grâce à cette déposition, la condamnation du principal coupable ne ferait pratiquement plus de doute. Un de ses confrères à cette même cour suprême a tenu pourtant des propos différents. Il a affirmé que Dara Singh pourrait encore être acquitté si, à l’issue d’un contre-interrogatoire, on arrivait à prouver que le témoin entretenait des liens particuliers avec la victime, le pasteur Staines, ou encore s’il s’avérait qu’il n’était pas digne de foi. Or le témoin est chrétien et pour cela particulièrement lié à Staines. Le même juriste a fait remarquer en outre que la photo du coupable, présumé par toute la presse comme le principal auteur de ce meurtre, avait été publiée dans tous les médias : il n’était pas difficile de désigner Dara Singh au milieu d’autres. Le P. Donal D’Souza, porte-parole de la Conférence épiscopale de l’Inde, a souligné que, dans les milieux catholiques, on avait toujours soupçonné que Dara Singh était le principal coupable, une suspicion qui s’appuyait sur des preuves matérielles indiscutables. Mais l’Eglise laissait le soin à la justice de trancher en dernier ressort.

Dès que l’opinion publique eut pris connaissance des horribles événements de la nuit du 22 au 23 janvier 1999 dans l’Etat d’Orissa, le nom de Dara Singh fut presque immédiatement évoqué. Le lendemain même du meurtre, la police avait promis une récompense de 25 000 roupies pour quiconque faciliterait son arrestation (1). Deux mois après les faits, Dara Singh, dans la clandestinité, lors d’un entretien accordé à des médias privés, avait affirmé n’être pas au village en question la nuit du crime. Cependant, le 1er février 2000, après une cavale de plus d’un an et de nombreux méfaits commis, parmi lesquels le meurtre d’un commerçant musulman, le 25 août 1999 (2), et celui d’un prêtre catholique, le P. Arul Doss (3), l’assassin présumé du pasteur protestant et de ses fils était arrêté. Selon les informations publiées à cette époque, il aurait, dès le lendemain, avoué sa présence dans le groupe d’une centaine de personnes ayant incendié le véhicule du pasteur (4). Après avoir rejeté une demande de mise en liberté présentée par la défense (5), le tribunal où se juge cette affaire avait fixé l’ouverture du procès au mois de décembre. Le procès avait été ensuite ajourné à cause d’une grève des avocats (6). En fin de compte, la première audience a eu lieu le 1er février 2001.