Eglises d'Asie

Arrêté par 600 agents de la sécurité, le 17 mai 2001, le P. Nguyên Van Ly a aussitôt entamé une grève de la faim qui compromet sa santé

Publié le 18/03/2010




Dans des déclarations diffusées sur Internet lors de sa campagne pour la liberté religieuse entamée à la fin du mois de novembre 2000, le P. Nguyên Van Ly avait déjà annoncé que dans le cas où il serait arrêté, il entamerait une grève de la faim jusqu’à la mort. « Je ne mangerai pas, avait-il dit, je ne boirai pas, je ne parlerai pas, je n’écrirai pas selon les ordres de la police Le P. Ly a tenu sa promesse : selon une nouvelle du Comité pour la liberté religieuse au Vietnam diffusée le 21 mai puis confirmée le lendemain, le P. Nguyên Van Ly a observé un jeûne total dès les premières heures de son incarcération, le 17 mai dernier, à la prison de Thua Phu à Huê. S’étant évanoui dans sa cellule, il a été transporté d’urgence à l’hôpital de Dôn Mang Ca, aux alentours du 20 mai. Cet établissement hospitalier, situé à l’intérieur de la Cité impériale de Huê, serait exclusivement réservé au personnel de la police. Alors que les infirmières essayaient de lui injecter par perfusion un sérum composé de dextrose et d’eau, le prêtre a résisté de toutes ses forces et a écarté de son bras l’aiguille de perfusion, craignant sans doute que des produits nocifs soient ainsi introduits dans son organisme. Selon les mêmes sources, à une date non précisée, sans doute vers le 27 mai, le prêtre a été ramené de l’hôpital à la prison de Thua Phu où il avait été auparavant incarcéré. Il continue aujourd’hui la grève de la faim entreprise. Cependant, il aurait consenti à boire de l’eau, tout en s’abstenant d’absorber le moindre aliment.

L’arrestation du P. Nguyên Van Ly avait eu lieu dans la paroisse de An Thuyên, près de Huê, dont le prêtre est le curé officiel, dans la matinée du 17 mai, au milieu d’un déploiement policier considérable. Le récit des faits a été connu le jour-même grâce à une interview téléphonique accordée par un prêtre très proche du P. Ly, le P. Pham Van Loi, du même diocèse de Huê, à une chaîne de radio vietnamienne, La voix de mon pays. Dès 4 heures et demi du matin, une force de 600 agents avait déjà investi la paroisse. Contrairement à une première version immédiatement transmise par téléphone en Occident, l’arrestation a eu lieu dans le presbytère et non à l’église où les fidèles récitaient les prières du matin avant la messe. A cinq heures, alors que le P. Ly descendait au rez-de-chaussée, les policiers ont pénétré dans le presbytère, neutralisé un groupe de jeunes gens qui montaient la garde et passé les menottes au P. Ly, après avoir essayé en vain de lui faire signer le procès-verbal de son arrestation. Apprenant que l’on arrêtait leur curé, les fidèles en prière dans l’église ont essayé de lui venir en aide. Mais les forces de police les ont facilement dispersés en les frappant avec des matraques électriques dont les coups ont atteint aussi bien des vieillards que des enfants. Avant de placer le curé de An Truyên dans un des autobus ayant transporté les policiers, ceux-ci ont procédé à une fouille et confisqué quatre téléphones portables, de nombreux documents et une somme d’argent importante.

Une semaine plus tôt, le 10 mai dernier, un groupe de dix cadres administratifs était venu transmettre au prêtre la décision n° 196, signée du Comité populaire provincial, lui interdisant d’exercer des fonctions religieuses dans sa paroisse et sur le territoire de la province de Thua Thien Huê « durant toute la période de son assignation à résidence administrative Devant le groupe de cadres, le P. Ly avait immédiatement apposé au bas du texte de la décision : « Preuve irréfutable de l’usurpation par le pouvoir de l’autorité de l’archevêque de Huê Par la suite, il n’en avait pas moins continué à célébrer la messe, malgré une nouvelle intervention des autorités policières qui, le 15 mai, étaient venues dresser un procès verbal constatant que le curé de An Truyên n’obéissait pas aux ordres reçus.

Les intentions du pouvoir à l’égard du curé de An Truyên étaient affichées depuis longtemps. Selon des déclarations du vicaire général du diocèse, des officiers de renseignements avaient déjà fait pression auprès de l’archevêché de Huê pour que l’interdiction de ministère soit portée par les autorités religieuses. L’archevêque de Huê avait répondu qu’il ne pouvait prendre de telles sanctions que dans le cas où la prédication du prêtre serait en contradiction avec la doctrine ou avec la morale. Il faut cependant remarquer que l’article annonçant l’arrestation du P. Ly sous le titre, « Arrestation provisoire du P. Ly pour infraction à la loi ne fait aucune allusion à cette interdiction du ministère sacerdotal qui lui avait été signifiée et qu’il n’a pas observée.

En même temps que les nouvelles concernant le P. Ly, on apprenait que la police exerçait une redoutable pression sur toutes les personnes ayant été en rapport avec le prêtre dissident, en particulier les fidèles de la première chrétienté de Nguyêt Biêu et de la paroisse de An Truyên où l’évêque l’avait nommé. Chaque jour, dix fidèles environ de An Truyên et deux ou trois de Nguyêt Biêu sont appelés en interrogatoire dans les locaux de la police où ils sont menacés et, pour certains, maltraités physiquement. Les prêtres de l’entourage du P. Ly sont étroitement surveillés et isolés les uns des autres. De nombreux prêtres du diocèse ont été appelés en consultation auprès de la Sécurité qui cherche à s’informer de leur opinion concernant l’affaire du P. Nguyên Van Ly.

Dès le lendemain de l’arrestation du curé de An Truyên, les Etats-Unis intervenaient officiellement auprès du gouvernement vietnamien : « L’ambassadeur des Etats-Unis et d’autres responsables américains ont fait part de notre grande inquiétude au gouvernement vietnamien et ont réclamé le retour du prêtre à son domicile a déclaré le porte-parole de l’ambassade. « Nous avons aussi demandé (aux autorités vietnamiennes) que le P. Van Ly et les autres responsables religieux au Vietnam soient autorisés à exprimer leurs sentiments religieux sans interférences a-t-il ajouté.

Le lendemain de l’arrestation du P. Nguyên Van Ly, on apprenait la mort de sa mère, décédée à l’âge de 103 ans, sans que son fils ait été autorisé à venir la voir.