Eglises d'Asie

Le Pakistan demande au gouvernement japonais de faire cesser les agressions racistes dont plusieurs de ses ressortissants musulmans ont été victimes au Japon

Publié le 18/03/2010




Une délégation de Pakistanais en colère a présenté une lettre de protestation au ministère des Affaires étrangères japonais pour demander aux autorités japonaises d’agir afin que cessent les incidents qui, selon eux, vont en se multipliant ces derniers temps contre les musulmans, le Coran et la religion musulmane de façon générale au Japon.

La requête fait suite à un incident qui s’est produit lundi 21 mai : des tracts dénigrant la culture musulmane et des exemplaires déchirés du Coran ont été jetés devant les bureaux d’un revendeur pakistanais de voitures d’occasion. L’ambassade du Pakistan à Tôkyô elle-même a protesté auprès du ministre des Affaires étrangères à propos de cet incident qui s’est produit dans la petite ville de Kosugi, à 250 km au nord-est de Tôkyô, a révélé un diplomate, Muhammad Mudassir Tipu. “Nous espérons que cet incident ne provoquera pas un trop grand choc émotionnel parmi les Pakistanais du Japon”, a souhaité Tipu, deuxième secrétaire d’ambassade. “Nous avons demandé au gouvernement japonais d’ouvrir une enquête”.

Un responsable du ministère des Affaires étrangères japonais a exprimé les regrets du gouvernement : “Nous comprenons le respect dû à toutes les religions et exprimons nos regrets devant votre peine”. Il a aussi confirmé avoir fait parvenir une demande d’enquête à la police de la préfecture de Toyama. “Nous espérons que tout sera réglé très vite”, a déclaré ce fonctionnaire qui a voulu garder l’anonymat.

Plus de 200 musulmans venus de tout le Japon se sont rassemblés alors devant l’hôtel de police de la préfecture de Toyama pour exiger que les coupables soient démasqués. “Il ne s’agit pas seulement d’un problème propre aux Pakistanais de Toyama, c’est un problème qui concerne les musulmans du monde entier”, a déclaré Muhammad Amin, 32 ans, qui habite Tôkyô et est un des membres influents du Cercle musulman du Japon. “C’est tous les jours que des discriminations racistes sont commises contre des étrangers au Japon”, affirme-t-il. La profanation du Coran est le dernier incident de toute une série commise à l’égard des musulmans de Toyama, dont beaucoup sont des vendeurs de voitures d’occasion destinées à la Russie et au Moyen-Orient, a déclaré Amin.

Six exemplaires du Coran avaient été dérobés dans la mosquée de Toyama à la fin du mois de mars. L’un d’eux a été retrouvé déchiré devant les bureaux du garage, accompagné de tracts injurieux. “Nous voulons que le peuple japonais nous écoute. Le Coran n’est pas seulement un livre. Je ne suis pas sûr que la police elle-même le comprend”, a déclaré Amin. Des groupes racistes au volant de voitures munies de hauts-parleurs sont venus jusque devant les bureaux des musulmans pour leur crier de quitter la ville, a-t-il encore précisé : “Nous avons plusieurs fois demandé la protection de la police. Mais elle n’a pas bougé”.

Un porte-parole de l’hôtel de police de Toyama a, quant à lui, déclaré qu’une intervention exigeait qu’un juste milieu soit gardé entre la liberté de parole et la protection de la communauté musulmane : “Nous recevons des demandes d’enquête de la part de résidents pakistanais qui nous disent que les livres sont sacrés et plus importants que leur vie elle-même… Pour l’instant, nous enquêtons”. D’après l’agence Kyodo News, vendredi 25 mai, 500 Pakistanais en colère ont manifesté à Tôkyô avant d’envoyer une délégation de neuf personnes présenter cette lettre de protestation au ministère des Affaires étrangères : “Les sentiments des musulmans à l’encontre des personnes qui ont commis de tels crimes de haine et de barbarie contre le livre saint et sacré des musulmans ne sauraient être sous-estimés”.

Environ 150 Pakistanais vivent à Toyama sur un total de 10 000 pour tout le Japon, où ils vivent principalement concentrés à Tôkyô, Osaka et leurs environs. Selon l’APFS, une ONG fondée en 1987 pour venir en aide aux travailleurs étrangers présents au Japon, environ 80 % des 1 400 à 1 500 consultations qu’elle donne chaque année concernent des musulmans. Dans le cas précis de l’incident de Kosugi, l’APFS a choisi de ne pas publier de communiqué. Bien que les membres musulmans de cette ONG soient outrés par la profanation du Coran, ils “estiment que cet incident n’est pas l’expression de la haine de Japonais contre les musulmans en général”, a ainsi précisé un membre de l’APFS. “J’ai entendu dire que les Pakistanais à Kosugi ont souvent des problèmes avec leurs voisins japonais car ils garent de nombreuses voitures dans la rue”, a encore ajouté cette personne, qui a souhaité conserver l’anonymat.