Eglises d'Asie – Inde
“L’EGLISE DU MANIPUR DOIT ENVISAGER UNE NOUVELLE ORIENTATION”
Publié le 18/03/2010
Pourquoi les militants indépendantistes tuent-ils des missionnaires au Manipur ?
Les groupes de guérilleros croient que l’Eglise possède beaucoup d’argent. Ils veulent, en particulier, extorquer l’argent des institutions d’Eglise, comme par exemple les écoles. Au Manipur, il existe 19 groupes clandestins sécessionnistes qui combattent pour obtenir un pays indépendant pour les peuples aborigènes. Ils n’attaquent pas seulement les missionnaires . Tous ceux qui refusent de payer sont brutalement éliminés. Tous les hommes d’affaires et même les gens ordinaires acceptent de payer par crainte de la mort. Mais l’Eglise a toujours résisté à leur demande, ce qui exaspère les guérilleros.
Est-ce le moment pour l’Eglise de faire la paix avec les militants indépendantistes ?
Je pense que l’Eglise devrait envisager une nouvelle orientation au Manipur. D’un point de vue moral, il est correct que l’Eglise résiste aux tentatives de racket des militants indépendantistes. Cependant, de fait, beaucoup de militants indépendantistes armés demandent de l’argent pour acheter de la nourriture, des vêtements ou des médicaments. En conséquence, les autorités ecclésiales doivent décider s’il est moralement approprié de les payer. Si nous ne les payons pas, ils vont continuer à assassiner des missionnaires, alors que l’Etat n’accorde aucune protection au personnel d’Eglise. Ces questions de moralité et ces assassinant brutaux troublent fort l’Eglise du Manipur. La population de la région soutient toujours l’Eglise. Mais par ailleurs elle est terrorisée par les militants indépendantistes et veut les amadouer. Certains se demandent pourquoi l’Eglise refuse de payer les militants indépendantistes alors que riches et pauvres consentent à acquitter la taxe qui leur est fixée.
Comment la mission de l’Eglise au Manipur pourrait-elle se donner une autre orientation ?
Les militants indépendantistes voient dans les missionnaires qui, comme moi, ne sont pas originaires du Manipur, des étrangers. Leur attitude à l’égard de l’Eglise pourrait changer si des prêtres du Manipur prenaient la responsabilité et la direction des écoles catholiques. Ainsi, le diocèse de Imphal a douze prêtres, y compris le vicaire général. Nous pourrions penser à leur transmettre la direction de quelques écoles. Le thème central de la mission de paix de l’Eglise au Manipur devrait être d’assurer que les dirigeants catholiques indigènes se voient confier la responsabilité des établissements d’Eglise comme les écoles et les hôpitaux. Les groupes sécessionnistes s’adressent aux écoles parce qu’ils pensent que nos écoles rapportent beaucoup d’argent. Par suite, il serait mieux de laisser le travail des écoles pour d’autres domaines comme par exemple, les orphelinats ou les maisons de vieillards.
De quelle façon a eu lieu l’attaque dont vous avez été victime ?
J’avais reçu une lettre de militants indépendantistes me réclamant de l’argent en mars 2000. Mon école était l’une des huit de l’archidiocèse, dont la taxe était fixée à 500 000 roupies (10 680 dollars). J’ai refusé de payer comme cela avait été demandé aux écoles par notre archidiocèse. C’est pour cela que j’ai été victime de cette attaque.
Après la messe et le petit déjeuner, je suis allé à mon bureau à l’école, où j’ai vu que deux jeunes m’attendaient. Ils m’ont dit qu’ils venaient demander une admission à l’école pour leur enfant. Je leur ai répondu qu’aucune nouvelle admission n’était possible. Alors que je leur parlais, l’un des deux est venu derrière moi, a brusquement braqué un revolver et a tiré. La balle a traversé mon estomac. Je suis tombé à terre en versant mon sang. Heureusement pour moi, le revolver s’est enrayé alors que le militant essayait de tirer à nouveau sur moi. Ils se sont échappés immédiatement. Mes collègues m’ont conduit à un hôpital à 18 km de là. Là, les docteurs ont tenté une opération qui a duré six heures. Si je survis aujourd’hui, c’est grâce à la volonté de Dieu.
Aviez-vous imaginé que les guérilleros viendraient un jour vous attaquer ?
J’ai toujours su que j’étais une cible pour eux à cause de mon absolue conviction que l’Eglise ne devait pas donner d’argent aux militants indépendantistes. Après mon refus de payer, j’ai souvent reçu des menaces de mort. Je vivais en proie à la pression mentale et à la peur, surtout depuis que les militants indépendantistes ont tiré sur le P. Jacob Chittinapally, vicaire de l’église Saint Joseph à Imphal, en décembre dernier.
Comme moi, le P. Chittinapally avait rejeté les demandes d’argent des extrémistes. Je savais qu’un sort semblable m’attendait, car j’étais persuadé que l’Eglise ne devait pas se soumettre aux demandes des militants indépendantistes. En janvier, j’ai participé à une retraite d’une semaine au Centre de la Divine retraite dans le Kerala. J’ai prié Jésus avec insistance qu’il me donne le courage de faire face aux défis lancés à l’Eglise du Manipur. Je suis revenu à Imphal à la fin de janvier. Deux jours plus tard , on me tirait dessus.
Voulez-vous retourner au Manipur ?
Il faudra au moins huit mois avant ma guérison complète. Je ferai ce que l’évêque me dira, mais personnellement je tiens à revenir pour achever ma mission. Je veux retourner dans mon école et continuer d’y travailler. Je ne suis pas effrayé par les militants indépendantistes et leurs menaces. J’ai pardonné à mes agresseurs. Je garde mes principes missionnaires et ma foi. Je suis prêt à verser mon sang pour le succès de la Mission catholique au Manipur. J’ai vu la mort en face, mais Jésus m’a laissé en vie pour continuer sa mission. Je suis sûr qu’il me protègera dans mon ministère à venir dans le Manipur.