Eglises d'Asie

Gujarat : des hindous empêchent des chrétiens d’enterrer un des leurs dans un cimetière dont ils réclament la propriété

Publié le 18/03/2010




Dans une ville du Gujarat, Kapadvanj, à quelque 740 km au sud-ouest de New Delhi, un groupe d’environ 15 militants hindouistes ont empêché l’enterrement d’un chrétien protestant du lieu, dans le cimetière de la ville, le 27 mai dernier. Les militants hindous voulaient par ce geste apporter leurs soutien aux habitants d’un quartier pauvre situé autour de la zone du cimetière, qui prétendaient que ce cimetière vieux de 60 ans leur appartenait. Voilà trois ans qu’ils interdisent aux chrétiens d’enterrer leurs morts en ces lieux. Lorsque la confrontation fut calmée, les chrétiens ont amené le corps du défunt à la ville d’Ahmedabad, à quelque 50 km de là. C’est là qu’ils l’ont enterré au cours de la nuit qui a suivi.

Un dirigeant chrétien de la ville de Kapadvanj a fait l’éloge du comportement adopté par membres de la communauté chrétienne en cette occasion. Si ceux-ci avaient fait preuve d’intransigeance et s’étaient obstinés, il est à craindre, a-t-il dit, qu’il y ait eu effusion de sang. Les chrétiens ont témoigné de beaucoup de patience, en attendant que la justice tranche dans un procès intenté devant le tribunal à propos de la propriété du cimetière. Selon les dires des chrétiens, celui-ci était déjà utilisé par eux à l’époque coloniale. En 1998, à l’époque où les violences anti-chrétiennes s’étaient multipliées dans le Gujarat, le corps d’un chrétien avait déjà été exhumé du cimetière.

Après que le groupe hindou eut empêché l’enterrement et obligé d’exhumer le corps, le Conseil chrétien pan-indien, un forum oecuménique, a adressé un message au président de la Commission nationale des droits de l’homme. Il y était souligné que les autorités du Gujarat s’étaient montrées incapables de contenir une manifestation d’extrémistes hindous et avaient ainsi manqué à leur devoir de faire respecter la loi. Une lettre ouverte, signée de l’archevêque catholique de Delhi, Mgr Vincent M. Concessao, et de l’archevêque protestant de l’Eglise du Nord de l’Inde en cette même ville, Mgr Karam Masih, a incité le gouvernement à porter une grande attention aux développements à venir de cette affaire et à assurer la sécurité des minorités. La lettre des deux prélats catholique et protestant s’est indignée du refus d’accorder à un corps de chrétien la dignité que toute société civilisée accorde à n’importe lequel de ses morts. Cette violence, continue la lettre, a causé un dommage irréparable à la démocratie indienne et à sa réputation internationale. Elle aurait pu être évitée, ont fait remarquer les deux prélats, puisque craignant de causer un trouble, les chrétiens avaient informé la police avant d’apporter le corps au cimetière. Par ailleurs, après que la manifestation eut bloqué le fourgon mortuaire et que le corps du défunt eut été amené au poste de police, les plus hautes autorités policières et administratives du district s’étaient contentées de contempler la scène en spectateurs muets.

Cependant, les représentants de la police ont fait état de la rapidité avec laquelle les services de sécurité ont réagi. La plainte déposée par les chrétiens a été enregistrée immédiatement. Huit suspects ont été aussitôt arrêtés parmi lesquels se trouve Arun Suthar, le responsable local du groupe nationaliste hindou, le Rashtriya Swayamsevak Sangh ( Corps national des volontaires’, RSS). Ils ont été tous relâchés quelque temps plus tard après le payement d’une caution. Les policiers ont fait remarquer qu’ils n’étaient pas en leur pouvoir de prendre une décision à propos du conflit entre les chrétiens et les hindous, le tribunal n’ayant pas encore tranché.

Selon le prêtre chargé de la communauté catholique de la région, la population de la ville de Kapadvanj où s’est déroulée l’affaire est à majorité musulmane. Elle n’abrite que 14 familles protestantes et quatre familles catholiques originaires des villes voisines. Selon le prêtre, ce sont des pratiquants irréguliers.