Eglises d'Asie

Jharkhand : le BJP cherche à diminuer les avantages sociaux réservés aux minorités ethniques et à en écarter totalement les chrétiens

Publié le 18/03/2010




La création du nouvel Etat du Jharkhand, détaché en novembre dernier de l’Etat du Bihar, était destinée à favoriser la promotion des ethnies minoritaires qui représentent 70 % d’une population totale de 21 millions. Cependant, les institutions politiques mises en place ont, dès le début, placé la population autochtone en position d’infériorité. Sous-représentée politiquement, elle est également limitée dans les privilèges reconnus aux basses castes et aux minorités ethniques dans l’Inde toute entière. Cette infériorité est soulignée encore davantage chez les chrétiens des minorités, leur appartenance ethnique leur étant aujourd’hui contestée.

Le problème dit des “quotas” qui n’a pas manqué de se poser dès la création du nouvel Etat illustre clairement la situation à laquelle sont aujourd’hui soumises les ethnies. La politique des “quotas” fixe, dans le cadre de l’Etat, un certain pourcentage d’emplois gouvernementaux réservés à la partie aborigène de la population, ainsi que le nombre d’inscriptions prioritaires dans les établissements scolaires qui lui est attribuée d’office. Dans l’Etat du Bihar d’où est issu le nouvel Etat, ce pourcentage avait été estimé à 27 %. Dans le nouvel Etat, les représentants des minorités ethniques à l’Assemblée législative ont proposé que le quota soit désormais porté à 60 %, un quota encore inférieur au pourcentage véritable de la population autochtone. Cette revendication des minorités aura semble-t-il du mal à s’imposer dans un Etat où celles-ci ne détiennent que 27 des 81 sièges de l’Assemblée législative et où le gouvernement est entre les mains du Parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party ( Parti du peuple indien’, BJP). Par ailleurs, les statistiques officielles de l’Etat, contestées par les minorités, évaluent la population autochtone à seulement 27 % de l’ensemble de la population.

La résistance des dirigeants des minorités à la volonté politique du gouvernement s’exprime avec encore plus de vigueur depuis qu’un projet de loi préparé et présenté par le BJP propose de limiter à seulement 27 % le nombre d’emplois gouvernementaux et d’inscriptions scolaires réservés à la population des ethnies indigènes. Ce projet adopté le 12 mai dernier stipule encore que 40 % des avantages sociaux de ce type seront réservés aux membres des classes sociales arriérées, socialement et économiquement désavantagées, n’appartenant pas aux minorités ethniques.

Après l’annonce du nouveau projet de loi, les étudiants ont bloqué les rues de la capitale de l’Etat, Ranchi, du 13 au 15 mai. Le 17 mai, ils ont tenu une grande manifestation de protestation pour dénoncer l’exploitation dont ils étaient l’objet. “Si nous n’obtenons pas 60 % de quotas, nous mettrons l’Etat à feu et à sang”, a déclaré un dirigeant étudiant, Bandhan Oraon, qui s’est fait remarquer lors des manifestations et des réunions publiques. Il a averti les détenteurs du pouvoir qu’en leur déniant leurs droits, on conduit les jeunes des minorités ethniques à prendre les armes et à verser dans le terrorisme. Peu avant la manifestation du 17 mai, l’évêque protestant à la retraite de Ranchi, Mgr Nirmal Minj, a encouragé les militants présents à accentuer la pression sur le gouvernement afin d’obtenir une augmentation des quotas. Dans ce but, il a appelé à l’union des chrétiens et des non-chrétiens dans une lutte commune pour leurs droits.

Cependant, les chrétiens ont une raison supplémentaire d’être vigilants en ce domaine. Plusieurs groupes hindouistes de l’Etat mènent aujourd’hui campagne pour écarter les chrétiens des minorités ethniques du bénéfice des quotas, prétextant que leurs conversions les avaient arrachés à leur appartenance ethnique. Dans une conférence de presse, le 3 mai dernier, un député de l’Assemblée législative de l’Etat, Ramtahal Chaudhary, a déclaré que les membres des ethnies minoritaires qui devenaient chrétiens perdaient leur caractère ethnique et a appelé le gouvernement à réviser sa politique d’emplois et d’inscriptions scolaires réservées. Interrogé sur cette proposition, l’évêque de Ranchi, Mgr Telesphore P. Toppo, pense qu’il s’agit d’une tentative pour désunir les ethnies minoritaires jusqu’ici solidaires. Un prêtre de la région suggère que la nouvelle prétention du BJP a pour but de faire plaisir aux non-chrétiens qui auraient ainsi davantage de possibilités pour eux. Un autre dirigeant BJP, ministre de l’Etat, a également proposé que les chrétiens soient éliminés de la liste des classes désavantagées sous le prétexte que leur conversion constituait pour eux un avancement social qui leur a donné accès aux ressources financières, éducatives et sociales des établissements missionnaires. Une affirmation aussitôt démentie par l’évêque de Ranchi qui a déclaré que les chrétiens des minorités restaient pauvres.

Selon le recensement gouvernemental de 1991, les chrétiens représentent moins de 3 % de la population locale. Selon l’annuaire catholique de l’Inde pour l’année 1998, les sept diocèses de l’Etat comptent quelque 600 000 catholiques.