Eglises d'Asie

SECOND TEMOIGNAGE

Publié le 18/03/2010




DU P. TADEUS NGUYEN VAN LY, PRISONNIER DE CONSCIENCE,

DEVANT LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS DES ETATS-UNIS

An Truyên, Huê, Vietnam, le 06/05/2001

Washington D.C, le 16/05/2001

Monsieur le Président (de la Chambre des Représentants des Etats-Unis d’Amérique),

Madame la Représentante fédérale Zoe Lofgren, Présidente du Comité des droits de l’homme (de la Chambre des Représentants),

Mesdames, Messieurs,

Le 10 janvier 2001, M. Elliots Abrams, président de la Commission pour la Liberté religieuse dans le monde, m’avait invité à témoigner sur l’état de la liberté religieuse au Vietnam et à donner mon avis concernant les accords bilatéraux sur le commerce entre les Etats-Unis et le Vietnam. Mais c’est seulement dans la soirée du 12 février 2001 que l’ambassade des Etats-Unis a réussi à me transmettre la lettre d’invitation. J’ai, malgré cela, envoyé le 13 février 2001 à la commission huit pages d’un témoignage, largement diffusé depuis dans le monde.

Aujourd’hui, je suis très heureux d’être invité par la Chambre des Représentants à apporter de nouveau les preuves de la répression exercée par le pouvoir du Vietnam contre l’Eglise catholique au Vietnam.

I – Les preuves de la répression passée et actuelle exercée par le pouvoir communiste vietnamien contre l’Eglise catholique au Vietnam. Comme toutes les autres religions au Vietnam, la religion catholique subit les persécutions du pouvoir communiste visant à l’éradiquer, exactement comme l’a décrit la Déclaration commune du 30 avril 2001, du Comité de l’Union interreligieuse dans le pays et à l’étranger. Concrètement, l’Eglise catholique au Vietnam a subi et continue de subir une répression sévère et insupportable que je vais essayer de vous décrire.

1 – Depuis 1980, a lieu chaque été la réunion de la Conférence des évêques vietnamiens. Avant la réunion, la Commission permanente de la Conférence doit soumettre au Bureau des Affaires religieuses du gouvernement l’ordre du jour, le nom des participants, et une demande d’autorisation. Pendant la réunion, les évêques doivent se présenter une fois devant le Bureau des Affaires religieuses, le chef de l’Etat, le Premier ministre et même le Secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCV). Lors de cet acte de présence, il leur faut rendre hommages au Parti communiste par des paroles de joie et de gratitude parfaitement contraires aux exigences de la conscience, puisqu’il s’agit alors de se montrer reconnaissant à l’égard d’une organisation de pirates qui est en train d’étrangler à mort l’Eglise. Après la réunion, s’ils veulent présenter une pétition au pouvoir ou envoyer une lettre pastorale aux fidèles, ils sont obligés, avant une éventuelle diffusion, de les soumettre à l’examen et à l’approbation du pouvoir. Même les pétitions qui revendiquent les droits élémentaires de l’Eglise doivent aussi recevoir l’autorisation du pouvoir communiste avant d’être présentées à ce même pouvoir. Autrement dit, si l’on veut lutter pour obtenir quelque chose du pouvoir communiste, il faut auparavant lui demander la permission. Ce pouvoir donne le droit de “demander la permission de lutter » pour tromper l’opinion qui s’imagine qu’on est libre de faire des pétitions. Mais les pétitions ne sont jamais que des pétitions et ce pouvoir arrogant s’en soucie comme d’une guigne. De sorte qu’une religion même forte de dizaine de millions de fidèles ne sait que se soumettre et attendre.

2 – Chaque fois qu’une délégation du Vatican vient au Vietnam discuter avec le pouvoir communiste de la nomination d’un évêque, elle ne peut que nommer celui que ce pouvoir a déjà choisi. En effet, si le Vatican présente quelqu’un qui déplaît, le pouvoir persiste à refuser, d’année en année, et même pendant des années, jusqu’à ce que le Vatican se décourage et se résigne à nommer évêque la personnalité qui convient au pouvoir. Ainsi, Mgr Pham Van Du fut nommé évêque de Lang Son en 1960, mais c’est seulement dix-neuf années plus tard, en 1979, qu’il fut consacré évêque, lorsque avec ses compatriotes il fut déplacé loin de la zone frontalière où sévissait la guerre sino-vietnamienne. Depuis plus de huit ans, le Vatican a mené plusieurs négociations avec le PCV et il n’arrive toujours pas à nommer les évêques pour les trois diocèses de Hung Hoa, Hai Phong, et Bui Chu.

3 – Quand un évêque veut affecter un prêtre à un poste, deux éventualités se présentent :

– S’il y a dans son diocèse un Comité de l’Union du catholicisme, qui est une sorte de cellule déguisée du Parti, il doit demander à ce comité de faire des arrangements secrets avec le pouvoir.

– Si le Parti n’a pas réussi à installer un tel comité dans son diocèse, l’évêque ou son vicaire général doit négocier avec des agents de police qui appartiennent en réalité au Bureau du contre-espionnage ; ce bureau est sous la Direction de la Sécurité, du ministère de la Sécurité publique. En effet, le pouvoir communiste considère toujours les prêtres comme des espions dont il faut se méfier et qu’il faut surveiller de très près. Si le pouvoir communiste approuve, ou plutôt, s’il force l’évêché à approuver, alors seulement, l’évêque ose signer la nomination d’un prêtre. De fait, c’est le Parti qui nomme les prêtres à telle ou telle fonction, mais il se sert de l’évêque pour le faire. Moi-même, depuis plus de trois ans, Mgr Nguyen Nhu The, archevêque de Huê, projetait de me nommer curé de An Truyen, mais le pouvoir communiste ne le voulait pas. A la fin du mois de novembre 2000, j’ai initié une campagne de lutte finale, énergique et radicale, pour la liberté religieuse avec pour mot d’ordre « La Liberté religieuse ou la Mort ». Dès lors, le pouvoir communiste, voulant me séparer de mes paroissiens pour mieux les opprimer, a consenti à ce que Mgr Nguyen Nhu The me nomme curé de An Truyen.

4 – Les séminaires ne peuvent s’ouvrir qu’avec la permission du pouvoir communiste. Avant 1975, il y avait au Vietnam vingt-cinq petits séminaires et neuf grands séminaires. Aujourd’hui, il n’y a que six grands séminaires. L’autorisation d’en ouvrir un 7ème à Xuan Loc n’est toujours pas accordée. La direction et le corps professoral d’un séminaire doivent être examinés et approuvés par le pouvoir communiste. Le programme doit comporter l’étude du socialisme et du marxisme-léninisme. Le recrutement des séminaristes ne peut avoir lieu que tous les deux ans. Le quota de candidats examinés et admis pour chaque diocèse est limité et nettement insuffisant. Les parents, frères, sœurs et la parentèle proche du candidat ne doivent pas être liés à l’ancien régime de Sai Gon. Le candidat lui-même doit résider habituellement dans le diocèse qui le recrute. Il doit se présenter maintes fois à la police qui étudiera son dossier de façon méticuleuse et le chargera de collaborer avec elle pendant son cursus d’études. Le candidat qui consent à collaborer augmente ses chances d’être admis au séminaire. Ainsi, le diocèse de Xuan Loc compte actuellement 300 séminaristes externes ayant achevé leur cursus universitaire et prêts à entrer au séminaire, mais chaque année seuls 5 à 10 d’entre eux peuvent y accéder.

Quand les séminaristes ont achevé leurs études, les évêques, pour les ordonner prêtres, doivent en demander l’autorisation au pouvoir ; pour obtenir cette autorisation, dans certaines régions, la famille du candidat doit acheter les agents du pouvoir par des pots-de-vin en piastres ou en or.

Dans le diocèse de Huê, pendant 18 ans, de 1976 à 1994, il n’y a pas eu un seul nouveau prêtre. Le séminaire était fermé. Puis de 1994 à 2000, il n’y a eu que 12 nouveaux prêtres alors que depuis 1976 le nombre des prêtres à remplacer est de 25 (âge, maladie, décès). Ce diocèse compte aujourd’hui 60 prêtres en tout, mais 70 % ont plus de 60 ans. Voilà la mesure clef utilisée par le pouvoir pour étrangler peu à peu l’Eglise catholique ; d’une part, il empêche tout développement, d’autre part il laisse mourir peu à peu l’Eglise par manque de prêtres. Les jeunes qui veulent devenir prêtre ou religieux dans une région ne peuvent pas le devenir dans une autre. Par exemple, dans le diocèse de Lang Son, à l’heure actuelle, il n’y a qu’un évêque et un seul prêtre âgé de plus de 90 ans. Il n’y a ni couvent ni monastère. Les prêtres des autres diocèses n’ont pas le droit de venir servir dans ce diocèse.

5 – Les couvents et monastères n’ont pas le droit de recruter de religieux. Depuis 1975, tous les religieux doivent déclarer qu’ils sont “provisoirement absents” de leur famille pour “résider provisoirement” au couvent ou dans un monastère, sous prétextes de “soins thérapeutiques”, “formations complémentaires”. Jamais ils n’ont franchement la permission de mener la vie monastique. Les religieux vivent donc toujours sous un statut “illégal”, comme s’ils étaient des criminels. Leur crime est d’oser “embrasser la vie religieuse”, suivre Jésus-Christ et non pas Marx-Lénine-Hô Chi Minh.

6 – Les fidèles ne sont que des citoyens de seconde zone (sauf ceux qui pratiquent le culte de Hô Chi Minh). Ils n’ont pas le droit de devenir membres du PCV, ni de concourir pour entrer dans la police ; dans les organismes de l’Etat, on se méfie d’eux, dans presque tous les papiers administratifs les concernant, ils sont notés “catholiques” et ils sont toujours considérés comme des gens de conscience faussée et anti-scientifique. Dans les régions reculées, les fidèles n’ont pas le droit de construire des églises ni celui de faire venir des prêtres pour dire la messe, ou, quand ils ont cette possibilité, ce n’est qu’une ou deux fois par an. Dans la région de Tam Toa, province de Quang Binh, il n’y a plus aujourd’hui que 500 fidèles, les églises sont toutes détruites et les terres des églises confisquées ; depuis 1962, il n’y a plus de prêtre, plus de messe, après le décès subit en 1962 de l’unique prêtre, le Père Luong Van The, qui servait la région depuis 1954. Dans la province de Thua Thien Huê, plus de 800 fidèles Nam Dong et plus de 500 fidèles A Luei, demandent vainement la permission de construire une église depuis 1975.

7 – Depuis 1975, le pouvoir communiste confisque à l’Eglise ou l’oblige à lui céder tous les lycées, universités, hôpitaux, orphelinats, maisons de retraite, terres lui appartenant, et même un certain nombre de séminaires, couvents, et églises. Ainsi, des dizaines de milliers d’établissements de grande ou de moyenne importance ont été confisqués ou cédés. Exemples :

a) La Conférence des évêques du Vietnam a perdu l’Institut Pie X à Dalat, vaste de plusieurs dizaines d’hectares, confisqué en 1976. C’était un des centres de formation sacerdotale les plus importants du Sud-Est asiatique, dirigé par les jésuites. Le centre de pèlerinage La Vierge de La Vang qui appartient à toute l’Eglise catholique du Vietnam a perdu les deux tiers de sa surface de 50 hectares.

b) Dans le diocèse de Huê :

– Le petit séminaire Hoan Thien, 11 rue Dong Da, Huê, 15 000 m , a été confisqué de force au mois de décembre 1979 par la police.

– Le lycée Binh Linh, des Frères des Ecoles chrétiennes, 1 rue Le Loi, Huê, de 20 000 m , est prêté au pouvoir avec contrat écrit pour cinq ans depuis le 15 août 1975 ; depuis des dizaines d’années, les Frères réclament le retour de leur lycée mais en vain.

– L’école St-Joseph du couvent du Sacré-Cœur, 24 B rue Doan Huu Trung, Huê, 1 500 m , a été confisquée en 1976.

– Le couvent du Sacré-Cœur, 119 rue Huyen Tran Cong Chua, Huê, 40 000 m , a été cédé au pouvoir par la contrainte en 1976.

– L’abbaye Thien An, proche de Huê, a été dépossédée, le 24 décembre 1999, dans une première étape, de 320 000 m pour la construction d’un centre de loisirs d’une surface de 495 929 m , et les travaux ont débuté le 27 mars 2001.

La liste peut être poursuivie. Pas un couvent ni une paroisse qui n’ait perdu une école, une maison, un dispensaire, un terrain, confisqués de force et souvent avec arrogance par les communistes. Rien que dans la petite paroisse de Nguyet Bieu (où je servais), les communistes ont pris 20 000 m de rizières depuis 1975. Au début du mois de novembre 2000, les 200 paroissiens décidèrent de récupérer les 1 500 m jouxtant l’église et que le pouvoir avait pris en 1977. Mais 500 policiers et hommes du pouvoir vinrent exercer une violente répression contre ces fidèles, qui furent frappés, étranglés, emprisonnés. A l’heure actuelle, les paroissiens de Nguyet Bieu continuent la lutte.

8 – Depuis 1975, l’Eglise catholique du Vietnam n’a plus à sa disposition les infrastructures nécessaires à la création de films pédagogiques, plus de radios, d’imprimeries, de revues, de journaux. Les communistes se réservent le pouvoir exclusif de l’information et de l’expression. Les deux hebdomadaires Cong Giao và Dan Toc/Catholicisme et Patrie et Nguoi Cong Giao Vietnam /Le Catholique vietnamien sont des revues dirigées et financées par le PCV. La revue Hiep Thong/Communion que la Conférence épiscopale a demandé de publier a été interdite après la publication de trois numéros. Le numéro 4 vient d’être réédité au mois de décembre 2000 (cela fait 10 numéros si on compte les 6 numéros clandestins). La liberté de parole est complètement absente au Vietnam. L’article 19 sur la liberté d’opinion dans la Convention internationale des droits de l’homme de l’ONU en 1966 n’est jamais respecté par le PCV. Il a pourtant bien signé son adhésion à cette Convention en 1982.

9 – Depuis 1975, l’Eglise n’a plus le droit de créer une association quelconque et encore moins de rêver à un parti d’opposition au PCV qui est l’unique parti exerçant le pouvoir exclusif sur l’ensemble du pays, tel qu’il est stipulé dans l’article 4 de la Constitution de l’Etat socialiste du Vietnam. Qui parle de pluralité des partis, d’opposition, est tout de suite arrêté ; à l’heure actuelle, il est au moins mis en résidence surveillée, son téléphone coupé, -mail supprimé, tout contact avec autrui interdit. L’article 22 sur la liberté d’association dans la Convention internationale des droits de l’homme de l’ONU en 1966 est craint comme un poison par le PCV, qui a pourtant signé son adhésion en 1982 ; il ne veut pas que le peuple connaisse cette Convention. L’immense majorité des Vietnamiens ne se doute pas qu’ils ont le droit de s’associer, de fonder des partis politiques.

10 – Les vénérables Huyen Quang, Quang Do, Monsieur Le Quang Liem, les prêtres Phan Van Loi et Nguyen Huu Giai sont actuellement en résidence surveillée très stricte. En ce qui me concerne, sur la route qui conduit à Phu An et sur le chemin conduisant à l’église de An Truyen, sont plantés des panneaux en vietnamien et en anglais, sur lesquels sont inscrits “Restricted area, no trespassing Non seulement nous ne pouvons pas sortir de ces limites, mais tous ceux qui vont et viennent par là sont obligés de se tenir à distance, sont examinés, voire battus ou emprisonnés. S’il s’agit d’un étranger, la police se méfie davantage. Dans la soirée du 9 avril 2001, le député norvégien Lars Rise est venu me rendre visite. Il a été arrêté, on lui a confisqué ses carnets d’adresses, notes, photos et cassettes, et il a été expulsé sur le champ du Vietnam.

II – Une méthode de persécution religieuse subtile et qui constitue un danger de premier ordre : l’utilisation systématique du mensonge par les communistes dans tous les domaines, en toutes occasions, pervertit la conscience religieuse et sape les religions à la base, particulièrement la religion catholique. A l’heure actuelle, les Vietnamiens, jeunes ou vieux, doivent tous savoir mentir pour survivre, et un tant soit peu réussir. Le mensonge est utilisé par les communistes de manière si habile qu’il est devenu un principe de conduite dans toutes les activités du peuple, particulièrement dans les organismes de l’Etat, de sorte que les religions, y compris la catholique, à force d’être trop opprimées, sont contraintes de suivre et de perdre ainsi de leur pureté et de leur sainteté. Il s’agit là d’une forme de répression qui corrompt les valeurs religieuses d’une manière extrêmement perverse, en vue de promouvoir une religion nouvelle, celle fondée sur le culte de Hô Chi Minh :

1 – Dans le domaine éducatif : dès l’école maternelle, les instituteurs sont contraints de mentir quant au résultat de leur enseignement. Il ne s’agit pas de faire connaître aux échelons supérieurs l’état réel des élèves mais seulement de montrer les résultats illusoires de leur travail. Les enfants, dès l’âge de 34 ans, sont induits en erreur sur le grand Oncle Hô qu’ils doivent vénérer et aimer. Les religieuses qui exercent dans les écoles maternelles sont elles-même contraintes d’enseigner aux enfants la vénération et l’amour de Hô Chi Minh par des chansons, des contes, bien qu’elles-mêmes, soit ne savent pas qui est Hô Chi Minh, soit, si elles le savent, savent que c’est un personnage extrêmement tordu et cruel, qui a réussi à tromper presque le monde entier, ce qui ne les empêche pas de continuer à enseigner qu’il faut le vénérer et l’aimer comme si elles y croyaient.

Le mensonge ne fait que s’aggraver, le tout est de prouver mensongèrement que dans la classe dont vous avez la charge il n’y a pas de mauvais élève. Du cours préparatoire jusqu’à la fin du primaire, il ne doit pas y avoir de redoublement. Tous les élèves doivent monter dans la classe supérieure. Les comités de village obligent les écoles du village à faire de faux dossiers pour prouver que tous les jeunes du village ont atteint le niveau de la classe de 3ème. Pendant ce temps, on voit partout des enfants qui ont abandonné l’école pour s’occuper des buffles et des bœufs, pour vendre des glaces ou cirer les chaussures etc. Le village Thuy Bieu (où je servais), près de Huê, en est un exemple concret. Les élèves et les étudiants diplômés qui trouvent du travail ne le trouvent pas grâce à leurs compétences mais essentiellement grâce à des pots-de-vin ou parce que parmi leurs proches quelqu’un est membre du PCV.

2 – Dans le domaine de la santé : dans les hôpitaux, les soins reçus par les malades ne sont pas congruents à leur maladie mais proportionnels à l’épaisseur de l’enveloppe qu’ils tendent au médecin.

3 – Dans le domaine économique et social : les critères des relations économiques et sociales sont l’habileté, le mensonge et la servilité.

4 – Dans le domaine culturel et politique : l’énorme système de propagande comprenant la presse, la radio, la télévision, ne cherche jamais à présenter la réalité mais seulement les soi-disant réussites du régime. Le pouvoir achète des gens pour porter de faux témoignages, se déguiser en catholiques afin d’accuser les prêtres, fabriquer de faux documents, recrute des femmes pour qu’elles séduisent les prêtres. Les fonctionnaires sont obligés d’écrire des articles à la gloire du PCV, articles déjà rédigés qu’ils n’ont plus qu’à recopier tels quels et signer, ceci afin de montrer que tous les agents de l’Etat-Parti lui sont passionnément dévoués. Qui refuse est menacé de licenciement. Certaines entreprises ont cessé provisoirement cette pratique, la jugeant devenue trop risible. Chaque quartier, chaque village possède de grands haut-parleurs. De quatre à cinq heures du matin et de quatre à cinq heures du soir, de ces haut-parleurs qui fonctionnent à plein régime sort un flot de propagande mensongère que tout un chacun est bien obligé d’écouter tous les jours. Ces haut-parleurs sont orientés directement à l’heure de la messe, de la prière, dans la direction de telle église ou de telle pagode qui ne montre pas de sympathie à l’égard du Parti. L’église de An Truyen, où je suis en résidence surveillée, est en ce moment encerclée par trois haut-parleurs de ce genre.

L’élection des Conseils populaires à tous les échelons, comme les élections législatives, ne sont qu’une manière de mensonge démocratique. Le peuple est obligé de voter pour des gens déjà choisis par le Parti. Celui qui ne va pas voter rencontre beaucoup de tracasseries dans sa vie quotidienne, par exemple il ne peut pas obtenir d’acte de naissance pour ses enfants. Les prêtres et religieux qui sont obligés de se présenter aux élections sont sûrs d’être élus à plus de 90 %. Le Parti a en effet besoin de prouver que les catholiques le soutiennent. Mais ces élus ne sont que des valets fantoches. Feu le cardinal Joseph Marie Trinh Nhu Khue, archevêque de Hanoi de 1954 à 1975, a refusé d’aller voter de cette façon mensongère et il a été en résidence surveillée très sévère à l’archevêché de Hanoi jusqu’en août 1975, date à laquelle il a pu se rendre à Rome pour recevoir le chapeau cardinalice.

5 – Dans le domaine administratif : Les formalités sont compliquées et truffées de termes creux. Tout un chacun est obligé d’inscrire des formules administratives mensongères. Mais c’est le prix à payer pour que le dossier soit reconnu conforme et reçu. Après presque 50 ans de régime communiste, je suis peut-être le premier à biffer les mots “indépendance-liberté-bonheur” dans l’en-tête des documents administratifs pour y substituer “manque d’indépendance-absence de liberté-absence de bonheur”. Quelques écoliers ont eu le culot de faire comme moi. On menace de les exclure de l’école, mais on craint encore de faire des vagues. Ces écoliers ne seront peut-être jamais diplômés. Il y a une comptine que j’ai entendue dès 1953, à l’âge de 6 ans, sur le communisme dans le monde ; elle s’applique aujourd’hui plus que jamais au communisme vietnamien :

Communistes menteurs

Menteurs des choses du ciel

Menteurs de celles de la terre

Rien n’y échappe

Menteurs à l’écrit

Menteurs en paroles

Et s’embrouillent dans leurs mensonges

Menteurs en Occident

Menteurs en Orient

Printemps, Eté, Automne et Hiver

Les saisons de leurs mensonges

Menteurs ne trompent que les ignorants

Menteurs sont menteurs restent

Du mensonge jamais ne sortiront.

Je vous suis reconnaissant d’avoir eu la patience de m’écouter et vous salue respectueusement.