Eglises d'Asie

Gujarat : la norme de deux enfants par famille édictée par l’Etat est mise en cause par les responsables des communautés chrétiennes et musulmanes locales

Publié le 18/03/2010




Une décision récente prise par le gouvernement de l’Etat du Gujarat, en matière de planning familial, suscite l’inquiétude aussi bien chez les responsables des communautés chrétiennes et musulmanes que chez les militantes féminines qui ont élevé de vives protestations. Une commission officielle, en effet, vient d’être créée, qui est chargée d’étudier la possibilité de pénaliser les familles qui auraient plus de deux enfants. Le gouvernement de l’Etat, entre les mains du parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), a également demandé à la commission d’étudier et de proposer d’autres mesures susceptibles de réguler et freiner la croissance démographique.

La décision de l’Etat de Gujarat a été prise après la publication d’un rapport sur le développement humain de l’Etat présentant l’explosion démographique en cours dans la population comme un obstacle majeur à la croissance et au développement. Pourtant, les résultats du recensement national de 2001 (1), pour ce qui concerne la population de l’Etat du Gujarat, n’avaient pas paru tellement catastrophiques aux observateurs. L’Etat est habité aujourd’hui par 50,5 millions d’habitants, soit 9 millions de plus qu’en 1991, année du recensement précédent. Cette progression démographique qui correspond à un taux inférieur à 20 % est moins élevée que celle qui avait marqué la période 1981-1991, période où le taux de croissance démographique s’était élevé à 21,19 %. De plus, la croissance démographique de l’Etat est en retrait par rapport au taux moyen de progression démographique du pays tout entier qui est de 22 % pour la période 1991-2001.

Le rapport soulignait également les disparités de cette progression démographique en fonction de l’appartenance religieuse des familles. Pour la période 1991-2001, chez les hindous, qui forment environ 90 % de la population, le taux de la croissance de la population est estimé à 21 %. Chez les musulmans, qui représentent 9 % de la population, ce taux est de 24 %, tandis que la population chrétienne, qui aujourd’hui ne représente guère plus de 0,50 % des habitants de l’Etat, a le taux d’accroissement démographique le plus élevé avec 37 %. On soupçonne que la récente initiative du gouvernement du Gujarat n’est pas exempte d’arrière-pensées et vise à restreindre l’expansion de couches de la population de religions non hindoues. Les attaques contre les musulmans et les chrétiens se sont multipliées dans cet Etat depuis Noël 1998. Cent d’entre elles étaient dirigées contre les chrétiens.

Les musulmans estiment être la principale cible des mesures restrictives prises par le gouvernement du Gujarat, en matière de natalité. C’est du moins l’avis de Rashid Shaikh, musulman d’Ahmedabad et proviseur d’une institution scolaire accueillant des élèves musulmans, qui affirme que les adeptes de l’islam sont considérés comme les principaux ennemis des partisans du BJP. Selon lui, la forte natalité en milieu musulman tient au manque d’éducation des musulmans, forcés par la pauvreté à ne pas envoyer leurs enfants à l’école. Par suite, ils sont incapables de prendre en main leur destinée.

Les principaux responsables catholiques de l’Etat et du pays ont également dénoncé cette initiative. L’évêque d’Ahmedabad a dit de la décision gouvernementale qu’elle était injustifiée et en infraction avec les plus élémentaires droits de l’homme. Il a rappelé que l’Eglise n’était pas opposée au planning familial, mais qu’elle s’opposait à des mesures artificielles et imposées sous la contrainte de l’Etat. Le P. Donald D’Souza, porte-parole de la Conférence épiscopale indienne, a fait s’avoir que les évêques de l’Inde s’opposeraient à toute tentative de violation des droits des familles et des individus. La conférence épiscopale est en train d’étudier les moyens de protester contre toutes les formes de contrainte exercée sur les familles. Pour leur part, les trois diocèses du Gujarat, Rajkot, Ahmedabad et Baroda, se concertent afin d’adopter une stratégie commune. Le P. Cedric Prakash, coordinateur du Forum pour les droits de l’homme, s’est opposé à la mesure récente et a affirmé qu’il est persuadé que, beaucoup plus que la loi, c’est l’éducation des femmes et des déshérités qui pourra exercer une influence efficace dans le domaine de la régulation des naissances.

Par ailleurs, un certain nombre d’organisations féminines ont alerté l’opinion sur une conséquence néfaste possible de la décision de l’Etat du Gujarat, à savoir l’augmentation des avortements de fœtus féminins, déjà très nombreux en Inde, avortements dus à la survalorisation d’une descendance mâle.