Eglises d'Asie

Moluques : nouveaux heurts meurtriers à Amboine

Publié le 18/03/2010




En quelques jours, à la mi-juin, de nouveaux heurts impliquant des “combattants de la guerre sainte” du laskar jihad (1) ont fait plusieurs dizaines de victimes tant parmi la communauté catholique de l’île d’Amboine que parmi les membres du groupe musulman extrémiste. Une opération de police ayant provoqué la mort de 22 membres du laskar jihad, les responsables de ce groupe accusent les forces de l’ordre de soutenir les “séparatistes chrétiens” des Moluques.

Le 12 juin, un groupe du laskar jihad a attaqué un centre missionnaire catholique, le centre de retraite Gonsalo Veloso, situé à cinq kilomètres de la ville d’Amboine. Selon Hery Rahanubun, témoin oculaire de l’attaque, les assaillants, au nombre de plusieurs dizaines, ont cerné les bâtiments avant de faire exploser une bombe près du poste de garde du centre. Ils ont ensuite franchi l’enceinte du centre, mettant le feu à la chapelle, au couvent des Sœurs de Saint-Joseph, à la résidence des prêtres ainsi qu’à quatre autres bâtiments. La plupart des personnes présentes dans le centre ont pu prendre la fuite avant que la police n’intervienne et n’ouvre le feu sur les assaillants. Au cours des combats qui ont suivi, trois chrétiens sont morts, trois autres ont été blessés et quatre combattants musulmans du laskar jihad ont été tués. Par chance, les agresseurs ont épargné l’école pour malentendants dirigée par les Petites Sœurs de Saint-Joseph, où logent de nombreux réfugiés. Fondé en 1987, le centre de retraite Gonsalo Veloso était ouvert aux membres de toutes les confessions religieuses pour des retraites, des séminaires et des sessions de formation.

Deux jours plus tard, et sans que les deux événements ne semblent être liés, une opération combinée rassemblant des membres de l’armée de terre, de l’air, de la marine et de la police a été lancée avec pour objectif de confisquer des armes. Au cours d’accrochages entre ces forces et des hommes du laskar jihad, 22 “combattants de la guerre sainte” ont été tués, 34 autres blessés et huit portés disparus. Une station de radio et une clinique appartenant au groupe musulman ont été détruits. Le commandant adjoint du laskar jihad à Amboine, Luqman Ba’abduh, a réagi en dénonçant la “calomnie” dont son groupe est, selon lui, victime. “Nous n’avions pas d’armes dans cette clinique”, s’est-il exclamé. Le fait que des militaires ont tué des “musulmans des Moluques” qui ne sont pas d’accord avec les “séparatistes”, a-t-il ajouté, “est la preuve que les militaires sont impliqués dans le mouvement séparatiste”. A Djakarta, Ja’far Umar Thalib, chef du laskar jihad, a accusé les forces de l’ordre d’avoir ouvert le feu sur le personnel médical et les patients de la clinique. Selon un parte-parole des TNI (forces armées indonésiennes), 15 membres du laskar jihad, armés, ont été arrêtés.

Le 18 juin, à Yogyakarta, sur l’île de Java, plusieurs milliers d’étudiants musulmans ont manifesté pour dénoncer les meurtres de musulmans aux Moluques, les qualifiant d’atteintes aux droits de l’homme. Ils ont appelé au retrait des forces armées (terre, air, mer et police) qui mènent des actions communes à Amboine et dans l’archipel des Moluques, les accusant d’œuvrer en faveur des “séparatistes chrétiens de la RMS” (2A ces accusations, le révérend Humprey Sudarmadi Kariodimejo, président du chapitre de Yogyakarta de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie, a répondu que la RMS n’était pas un mouvement religieux et que les musulmans mettaient toujours en avant l’argument selon lequel les laskar jihad ont dû intervenir aux Moluques pour protéger leurs frères musulmans et combattre les séparatistes de la RMS.

Par ailleurs, la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas HAM) a annoncé le 25 juin qu’une enquête allait être ouverte pour déterminer si, oui ou non, l’armée avait commis des exactions lors de l’opération du 14 juin menée contre le laskar jihad. Agum Gumelar, ministre pour les Affaires politiques, sociales et de sécurité, a quant à lui déclaré que ce qui s’était passé à Amboine le 14 juin ne remettait pas en cause l’existence des opérations combinées menées par des unités de l’armée de terre, de l’air et de la marine. Selon le général Timor Manurung, chef du bureau juridique des TNI, ces unités inter-armes ont été mises sur pied par l’état-major des TNI afin d’éviter que les Nations Unies n’envoient des casques bleus aux Moluques. “L’ONU nous a mis en garde : si nous ne parvenons pas à maîtriser ce conflit, ils enverront une force de maintien de la paix. Nous avons répondu à cela en formant ces troupes de soldats professionnels”, a-t-il déclaré au Jakarta Post le 26 juin dernier.