Eglises d'Asie – Philippines
Selon Mgr Capalla, archevêque de Davao, l’élection de trois personnalités d’obédience com-muniste à la Chambre des Représentants témoigne de la maturité de la démocratie philippine
Publié le 18/03/2010
Mgr Capalla, dont le plus jeune frère est commandant dans du peuple nouveau (NPA) (1), a été plusieurs années durant vice-président de la Commission pour l’unification nationale, organe mis sur pied en 1992 par le président Fidel Ramos pour négocier une paix durable avec le Front démocratique national (NDF), organisation politique rassemblant tout un ensemble de partis et de groupements allant de la gauche modérée à l’extrême gauche.
Les trois personnalités élues le 14 mai dernier appartiennent à la branche politique du NDF, le Bayan Muna, d’obédience communiste : Satur Ocampo, président du parti et ancien négociateur des pourparlers de paix entre le NDF et le gouvernement philippin, Crispin Beltran, dirigeant syndicaliste bien connu, membre du KMU, et Liza Masa, militante féministe. Tous trois ont été élus grâce au dispositif électoral, introduit en 1987 dans la Constitution, destiné à mieux représenter à la Chambre des Représentants des secteurs “marginalisés” ou “sous-représentés” de la société : à côté des députés élus au scrutin d’arrondissement, les électeurs philippins peuvent, s’ils le désirent, élire quelques députés à l’échelon national. Le 14 mai dernier, des 162 partis, associations et groupements divers qui se sont ainsi présentés aux électeurs philippins, seuls 10 d’entre eux ont dépassé le seuil de 2 % des suffrages à partir duquel de un à trois députés sont élus en fonction du nombre de voix obtenus. Bayan Muna, avec 1,6 millions de bulletins de vote, soit 12 % de ces suffrages de liste, est arrivé en tête, permettant ainsi pour la première fois depuis près de cinquante ans à des députés d’obédience communiste de siéger au parlement. La première session de ce 12ème Congrès philippin, fort de 209 députés, doit avoir lieu le 23 juillet 2001.
Satur Ocampo a déclaré que son parti avait vocation à devenir un parti de masse et que la victoire lors des élections du 14 mai était due à une “alliance tactique” avec certains députés qui, sans être communistes, souhaitaient voir l’extrême gauche représentée au parlement. Citant la question du salaire minimum et de la réforme agraire, son groupe promouvra “un ordre du jour populaire” à la Chambre des Représentants.
Dans le Philippine Daily Inquirer du 30 mai dernier, on pouvait lire que “Bayan Muna a dû attendre près d’un demi-siècle pour que la gauche accède à nouveau au parlement”. En 1946, en effet, des communistes philippins prirent part pour la première fois aux élections et sept candidats de démocratique siégèrent à la Chambre. Mais, le président d’alors, Manuel Roxas, manœuvra pour les en exclure et renforcer ainsi la majorité dont il avait besoin pour faire voter des droits économiques favorables aux Etats-Unis. L’exclusion de ces sept députés du parlement fut, poursuivait l’analyste du Philippine Daily Inquirer, une des principales causes de la “rébellion des Huks” dans les années 1950. En 1987, le NDF prit part aux élections sénatoriales mais aucun de ses huit candidats, sous la bannière du Partido ng Bayan ( le Parti de la nation’), ne fut élu.
Selon le député Jose Salceda, d’Albay, les élections du 14 mai constituent bien un véritable changement. Car, outre les trois députés de Bayan Muna, le Parti d’action des citoyens Akbayan ! et le Partido Demokratiko Sosyakista ng Pilipinas ( Parti démocratique socialiste des Philippines’), deux partis de la gauche modérée, ont respectivement envoyé un et deux députés à la Chambre. Ces nouveaux députés devraient être gages de débats plus animés au Congrès, a déclaré Jose Salceda. “Ces partis d’obédience socialiste devraient constituer le premier vrai défi idéologique à l’intérieur de la Chambre aux principes dominants de la philosophie économique, i.e. la libéralisation, la déréglementation et la privatisation”, a-t-il ajouté.