Eglises d'Asie

Tout en condamnant l’assassinat d’un ex-militaire par les communistes, le président de la Conférence épiscopale demande une réforme en profondeur du système judiciaire

Publié le 18/03/2010




Commentant le récent assassinat d’un ancien député, ex-militaire au passé mouvementé et impliqué dans plusieurs atteintes aux droits de l’homme, Mgr Orlando Quevedo, président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, a condamné cet acte. Revendiqué par les communistes de pour un peuple nouveau (NPA) (1), ce meurtre doit pourtant être l’occasion d’une réflexion “sur la situation des droits de l’homme aux Philippines et la façon dont la justice y est administrée”, a ajouté Mgr Quevedo, archevêque de Cotabato.

“Cela fait longtemps que les évêques philippins dénoncent les liquidations physiques menées tant par l’extrême gauche que les exécutions sauvages’ perpétrées par les militaires”, a déclaré Mgr Quevedo. “A la lumière de ces prises de position, je souhaite condamner l’assassinat de l’ancien député. Je prie pour lui et assure ses proches de mes plus sincères condoléances”. Cependant, a-t-il encore observé, “nombreux sont les petites gens qui souvent espèrent que la NPA remplira le rôle punitif que le système judiciaire est parfois incapable d’assurer”. Une telle attitude n’est bien entendu pas conforme “au droit et à la morale”, mais, constate encore Mgr Quevedo, “les charges qui pèsent sur les militaires qui se sont montrés coupables de violations des droits de l’homme n’ont jamais été sérieusement poursuivies sous les gouvernements précédents”. “Nous poursuivons les petits criminels, mais nous ne faisons rien contre ceux contre qui pèsent de lourdes charges. Et, si nous les poursuivons, la roue de la justice se met lentement en mouvement, se grippe et finit par s’ensabler”, a encore ajouté le président de la Conférence épiscopale.

Le 12 juin dernier, Rodolfo Aguinaldo, ancien député et ex-colonel de police, ainsi que son garde du corps sont tombés sous les balles d’un commando de la NPA, à Tuguegarao, dans la vallée de Cagayan, au nord-est de l’île de Luzon. Dans le communiqué revendiquant l’assassinat, la NPA a déclaré que l’ancien député “devait mourir pour [ses] crimes commis contre le peuple”. Membre des services de renseignement de la police dans les années 1970, Aguinaldo était accusé d’avoir torturé des prisonniers politiques au temps de la loi martiale sous la présidence de Ferdinand Marcos et d’avoir exécuté des personnes soupçonnées d’être communistes ou supposées proches des communistes, y compris un enfant de trois ans. Après la chute de Marcos et le “People Power” de 1986 qui porta Corazon Aquino au pouvoir, Aguinaldo prit part à plusieurs tentatives de coup d’Etat. En 1990, il fut contraint à la clandestinité avant de resurgir en 1992 comme gouverneur de la province de Cagayan, poste où il fut réélu en 1995. En 1998, il fut finalement élu député, siège qu’il venait de perdre lors des élections du 14 mai dernier.

La conséquence directe de l’action de la NPA contre Aguinaldo a été l’arrêt des négociations entre le gouvernement et les communistes. Deux jours après son assassinat, la présidente Gloria Macapagal-Arroyo a rappelé la délégation gouvernementale à Manille, mettant ainsi fin au deuxième round de pourparlers en vue de la paix qui réunissaient depuis le 11 juin dernier à Oslo, en Norvège, les membres du NDF (Front démocratique nationaldirigé par les communistes, et les négociateurs du gouvernement philippin. Luis Jalandoni, chef des négociateurs du NDF, avait en effet, sur les ondes d’une station de radio, félicité la NPA pour l’assassinat d’Aguinaldo, déclarant que le gouvernement “devait accepter cela comme une juste punition rendue par la NPA”. Le gouvernement philippin a réagi en suspendant sine die les pourparlers de paix, précisant que ces derniers ne reprendront pas tant que les rebelles communistes n’auront pas produit de “clarifications” quant aux propos tenus par Jalandoni.

Mgr Quevedo a déclaré qu’il priait pour que ces négociations de paix débouchent sur un succès, précisant que le genre d’action menée le 12 juin à Tuguegarao devait être placé “sur la table de paix pour être discuté”.

Créé en 1971, le Parti communiste philippin a très vite donné naissance à une branche armée, la NPA, qui, dès la mise en place de la loi martiale en 1972, fut la cible des actions de la police et de l’armée. Après l’arrivée au pouvoir de Corazon Aquino, la NPA cessa un temps ses actions avant de les reprendre, les communistes s’opposant au pouvoir sur la question de la réforme agraire. Face aux inégalités de la société philippine et aux exactions perpétrées du temps de la dictature de Ferdinand Marcos, une partie du clergé catholique s’est montrée favorable, voire partie prenante, de la NPA (2).