Eglises d'Asie – Divers Horizons
COREE DU NORD – COREE DU SUD : “PLUS D’ECHANGES OUVRIRONT LA VOIE A LA REUNIFICATION DE LA COREE” Entretien avec le P. John Kim Jong-su, secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques de Corée
Publié le 18/03/2010
P. John Kim Jong-su : L’atmosphère était très bonne. Avec chaque rencontre, il y a de plus en plus de confiance. Nous pouvions échanger nos opinions au-delà d’un caractère superficiel, en toute liberté, et sur divers problèmes. J’ai co-présidé l’une des réunions de cette rencontre dont le thème était “l’Evènement national commun 2001 pour la mise en pratique de la déclaration commune du 15 juin”, et j’était le président du comité d’organisation. Des officiels des organismes nord-coréens pour la réunification ou la réconciliation nationales y assistaient. Cela montre que les autorités nord-coréennes accordaient une certaine importance à cette rencontre.
Y avez-vous rencontré des catholiques ?
Oui, plusieurs officiels de l’Eglise catholique nord-coréenne, dont Kang Ji-young, secrétaire de l’église de Changchung à Pyongyang, étaient présents. Il y a eu plusieurs rencontres rassemblant diverses personnalités du Nord et du Sud, selon leur rang et leur fonction, y compris des représentants religieux. Mais étant donné que je devais m’occuper de la bonne organisation de toute la rencontre – à laquelle assistaient plus de 800 personnes venues des deux Corée -, je n’ai pas pu me joindre à la rencontre religieuse. De toute façon, lorsque nous sommes revenus du mont Kumgang, mes partenaires catholiques nord-coréens m’ont informé qu’ils avaient envoyé une invitation aux évêques sud-coréens “par un autre canal” et ils m’ont demandé à plusieurs reprises de venir en visite à Pyongyang. Comme je leur retournais l’invitation et les conviais à venir visiter Séoul, nombreux sont ceux qui m’ont répondu : “Vous devez connaître les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas aller à Séoul – S’il vous plaît, faites des efforts pour construire un bon environnement”. Leur commentaire se réfère à certains qui, en Corée du Sud, sont opposés à la visite à Séoul du dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, visite dont le principe avait été arrêté lors de la visite historique du président sud-coréen Kim Dae-Jung à Pyongyang lors du sommet Nord-Sud l’an dernier. Mais, lors de cette rencontre de Kumgang-san ( le mont Kumgang’), des personnes qui appartenaient autrefois à des groupes anti-communistes, étaient présents. Des progressistes sud-coréens qui, autrefois, étaient interdits de sortie du territoire par la police étaient présents aussi.
Est-ce que cette rencontre a élargi les possibilités d’échanges et de réconciliation ?
La réconciliation ne serait pas si difficile si les deux côtés se considéraient respectivement avec un regard pur. Je pense que nous devrions avancer main dans la main. Quand j’ai visité pour la première fois la Corée du Nord, mes partenaires semblaient quelque peu sur leurs gardes, mais cette fois ils étaient vraiment ravis de me voir. Ils savaient tous que j’avais pris l’initiative, moi un prêtre catholique, de l’événement, et les catholiques nord-coréens plaisantaient sur le fait que leur statut s’en verrait amélioré. Au moment où nous descendions de la montagne parlant de Dieu, un Sud-Coréen demanda à mon partenaire nord-coréen : “Ici, au Nord, pouvez-vous évoquer Dieu’ ?” Le Nord-Coréen rit et répondit par ces mots : “Ah, vous savez si peu de choses de la Corée du Nord.»
Nous avons publié un communiqué de presse commun disant que nous devons ouvrir la voie à la réunification sur la base de la déclaration du 15 juin. Nous nous sommes promis à chacun que nous ne devions pas répéter les erreurs que les deux côtés ont commises dans le passé lorsque se sont présentées des opportunités similaires en vue de se réconcilier. Il y a quelques jours, le Nord a envoyé son mémorandum disant qu’ils étaient d’accords pour la date et le lieu d’une rencontre sur la religion entre le Nord et le Sud comme l’avait proposé la Corée du Sud. La date de mars [prochain] a été retenue. Nous leur avions demandé de venir à Séoul pour encourager et promouvoir auprès des Sud-Coréens de bonnes conditions pour de la réunification.
Y a-t-il eu d’autres résultats ?
C’est la première fois depuis la division de la péninsule en 1945 que tant de personnes des deux côtés ont pu se retrouver et passer du temps ensemble ; très nombreux ont été les participants à cette rencontre à considérer le simple fait que cela ait pu avoir lieu comme un moment historique. Il y a eu quelques désaccords au début en discutant du programme, mais la discussion principale, au sujet de la réunification, a tant satisfait le Nord qu’ils ont facilement suivi nos suggestions et le programme entier paraissait à la fin moins rigide. Pendant ce temps, la Corée du Nord réfléchit à une ouverture plus ample de l’accès au mont Kumgang. Si une voie terrestre est ouverte (à travers la ligne de cessez-le-feu), les gens du Nord et du Sud auront la possibilité de se mêler un peu plus les uns aux autres.
Quelles possibilités voyez-vous pour la mission au Nord ? Ou pour un prêtre catholique de résider à Pyongyang ?
Durant notre rencontre, ils n’ont rien dit à ce propos. Je n’ai même pas posé la question. Nous n’avons pas parlé de “mission”. En Corée du Nord, n’importe quelle décision est prise par les autorités supérieures, c’est pourquoi il est inutile de leur demander. Ce n’est pas facile, mais j’espère que ce sera possible après que le Nord ait un peu plus changé. Plusieurs religions sont présentes en Corée du Nord et toutes, à l’exception de l’Eglise catholique, ont leur clergé. Beaucoup plus de confiance est nécessaire.
Catholic Relief Service, l’organisme d’aide humanitaire de l’Eglise catholique aux Etats Unis, envoie de l’aide en Corée du Nord et avait réussi à négocier un compromis permettant l’envoi en Corée du Nord d’un prêtre étranger maîtrisant bien la langue coréenne. Mais cela n’a pourtant pas abouti. L’année dernière, un haut responsable du Vatican s’est rendu en visite en Corée du Nord et a eu des entretiens au sujet de l’établissement de relations diplomatiques. Si le Saint-Siège a une représentation diplomatique à Pyongyang, il doit y avoir des prêtres. Ils sont d’accords qu’il n’y a aucune barrière à l’établissement de relations diplomatiques et, à ce que j’ai compris, ce responsable du Vatican a rencontré le vice-ministre des Affaires étrangères. Ils étaient d’accords pour faire des efforts en vue de créer une atmosphère meilleure. Je ne peux pas le tenir pour sûr, mais il semble que le Saint-Siège veuille que l’Eglise en Corée du Sud aille plus souvent vers le nord. A force de marcher sur le même chemin, cela finira par créer une voie.