Eglises d'Asie – Mongolie
LE POINT SUR LA SITUATION DE L’EGLISE CATHOLIQUE EN MONGOLIE Entretien avec Mgr Wenceslas Padilla, supérieur de la Mission catholique de Mongolie
Publié le 18/03/2010
P. Wenceslas Padilla : Ma mission est d’apporter le message de l’Evangile de Jésus à notre peuple par le biais d’actions concrètes. Lorsque nous sommes arrivés, nous sommes partis de zéro. Il n’y avait pas d’églises, pas de catholiques autochtones. Le gouvernement affirmait qu’il y avait la liberté religieuse mais, dans les faits, nous étions limités dans tout ce que nous entreprenions. Avant de nous mettre au travail, nous avons décidé que nous devions annoncer l’Evangile de façon à rencontrer les besoins des gens. Nous nous sommes rendus compte que les gens manquaient de tout dans le domaine du développement et de l’aide humanitaire. La famille en tant qu’institution était en train d’être détruite sous l’effet de la pauvreté, du manque d’espoir et de l’alcoolisme.
Quels sont les programmes que les missionnaires ont alors mis sur pied ?
Pendant longtemps, nous avons maintenu un programme permettant aux personnes qui vivaient dans la rue ou dans les égouts et les canalisations souterraines durant le rigoureux hiver mongolien de venir se laver et se nourrir. Nous leur offrions un repas chaud une fois par semaine et des douches gratuites deux fois par semaine. Nous leur donnions aussi, lorsque nous en avions, des vêtements neufs. Les religieuses du Cœur immaculée de Marie ont de leur côté organisé des programmes pour des personnes requérant une attention ou des soins particuliers ; elles ont envoyé des enseignants locaux aux Philippines pour les former au langage des signes et apprendre d’autres savoirs. Une des sœurs a ainsi travaillé avec le propriétaire d’un jardin d’enfants privé qui avait ouvert ses portes à des enfants handicapés physiques et mentaux. Le gouvernement a maintenant demandé que tous les jardins d’enfants publics fassent de même. Les Sœurs de Saint-Paul-de-Chartres et les Missionnaires de la Charité ont ouvert des jardins d’enfants et des écoles primaires dans des quartiers pauvres où elles nourrissent et donnent une éducation à des enfants pauvres, des enfants qui sans elles n’auraient jamais eu la possibilité d’aller à l’école. Les sœurs coréennes gèrent à Oulan Bator la seule école Montessori de tout le pays, une école qui n’accueille que des enfants pauvres. Nos missionnaires vont ainsi à la rencontre des besoins des gens. Dans tout ce que nous entreprenons, nous essayons autant que faire se peut de travailler par l’intermédiaire des communautés plutôt qu’en étant en contact uniquement avec des individus. Dans certains endroits, nous sommes au tout premier stade de la formation de communautés et cela seul est déjà une expérience nouvelle pour les gens. Un jour, nous pouvons penser que ces communautés se transformeront en Communautés ecclésiales de base.
Les gens font montre d’un certain intérêt pour l’Eglise. Nous devons en premier lieu bâtir une communauté comme sœur Marife Sebial, du Cœur immaculé de Marie, l’a fait avec la communauté au milieu duquel elle travaille. Pendant une année, tout ce qu’elle fit fut simplement de rendre visite aux gens et de leur parler. Ils voulaient que leurs enfants apprennent l’anglais et ils montraient de l’intérêt pour les stages de formation technique. Les jeunes de la paroisse ont aidé à mettre sur pied un programme de répétiteurs en anglais et elle a ouvert des classes de couture et de cuisine. Les gens ont commencé à se rencontrer régulièrement et à élire leurs propres responsables. Ils se sont débrouillé pour trouver un terrain afin d’y bâtir une maison et une salle de classe. Et finalement les autorités municipales leur ont donné un terrain, une pompe à eau et ont promis qu’elles continueraient à coopérer à l’avenir. Aucun d’entre eux n’est catholique, mais ils parcourent plus de 25 kilomètres le dimanche pour assister à la messe à Oulan Bator. Ils ne prennent même pas part à nos classes en vue du baptême, mais leur pré-évangélisation a commencé.
Tous ces programmes semblent être bien acceptés et sont soutenus par les autorités. Le gouvernement constate aujourd’hui le bien que l’Eglise fait pour le peuple mongol. Les fonctionnaires ont pu se montrer difficiles au début, mais après que nous les ayons invités à venir voir par eux-mêmes ce que nous faisions, ils ont peu à peu remisé leurs préjugés et se sont mis à nous aider dans la mesure de leur possible. Aujourd’hui, on peut dire que la plupart des responsables officiels nous soutiennent. Dès que nous avons un programme, nous invitons les médias locaux à en rendre compte. Les responsables officiels répugnent encore à s’afficher publiquement à ce genre d’événements, mais ils m’appellent peu après pour me féliciter de ce que l’Eglise fait. Ils voient ces manifestations à la télévision et ils savent que nous travaillons pour le bénéfice des pauvres. Les responsables communistes renvoient vers nous les gens qui viennent à eux demander de l’aide. Même s’ils ne peuvent nous soutenir financièrement, ils nous aident en faisant en sorte que ce dont nous avons besoin (équipements et fournitures) passe les douanes sans difficulté car ils ont réalisé que tout cela allait aux pauvres.
Certains responsables officiels ont assisté à la célébration du 25ème anniversaire de mon ordination sacerdotale en mars dernier. Quelques uns ont demandé à ne pas être présentés mais d’autres se sont mis debout, se sont présentés et ont chanté des chansons. Il y a deux ans ou bien même un an, cela aurait été impensable. Ils perdent peu à peu la crainte d’être vus en notre compagnie.
Lorsque vous êtes arrivé pour la première fois en Mongolie, il n’y avait pas de catholiques. Ils sont maintenant plus de 110. Etes-vous satisfait de cette croissance ?
Délibérément, cette croissance est lente. Nous souhaiterions bien sûr que les catholiques soient plus nombreux mais nous avons le sentiment que le taux de croissance de la communauté catholique est satisfaisant et ne causera pas de réactions violentes de la part du gouvernement ou des bouddhistes et des autres religions traditionnelles des Mongols. De nombreuses autres dénominations chrétiennes sont présentes et actives ici : 20 dénominations protestantes pour une population totale de seulement 2,7 millions de personnes. C’est une grâce que d’avoir été capable de grandir lentement et régulièrement. Nous n’encourageons pas les gens à nous rejoindre pour bénéficier d’avantages matériels ou personnels. Nos sessions de catéchisme durent deux années et la plupart de ceux qui commencent vont jusqu’au bout.
Vous ne semblez pas trop désireux de faire venir en Mongolie de nombreuses autres congrégations religieuses de façon à faire croître l’Eglise, comme on peut le constater dans certaines autres missions ?
Non car un nombre important de missionnaires entrant soudainement et si prématurément dans le pays pourrait amener le gouvernement à s’alarmer et les responsables des Eglises locales à s’inquiéter. Cela pourrait nous causer plus de tort que de bien. Nous avons des plans de croissance mais nous nous devons d’être prudents afin que les missionnaires qui sont déjà présents soient prêts et capables de répondre aux réels besoins des gens. Nous souhaiterions par exemple avoir ici une présence jésuite afin d’ouvrir une école secondaire, étant donné le prestige des jésuites dans le domaine de l’éducation. Nous concevons leur présence comme un prolongement naturel de ce que les religieuses ont entrepris dans le domaine de l’éducation primaire. Je souhaiterais un jour inviter les prêtres de Maryknoll à ouvrir une école de langues pour les missionnaires. Une telle école de langues nous aiderait à traduire les textes liturgiques et les Ecritures saintes pour notre peuple.
Avez-vous un ordre du jour afin de vous étendre dans les villes hors d’Oulan Bator ?
Il y a deux villes de bonne taille quoique plus petites qu’Oulan Bator. Les salésiens ont déjà exprimé le désir de créer une paroisse à Darkan. Urdenet est une ville minière (charbon) où les Russes sont nombreux. Ils ont un projet de joint-venture là-bas avec des Mongols. Nous nous intéressons également à ce qu’il serait possible de créer dans la région où se trouvent les deux prêtres coréens. Mais, où que nous allions, nous irons lentement et uniquement quand nos missionnaires auront acquis la maîtrise des langues dont ils ont besoin.
Qu’est-ce qui vous donne le plus profond sentiment de joie et de succès ?
Notre travail d’équipe est devenu un signe et une espérance. A nouveau, il est le signe pour moi que nous devons travailler lentement afin de garder vivant ce sens de la famille et de l’unité. Les gens s’émerveillent de voir comment des personnes de nationalités, d’expériences et de personnalités si diverses, et d’âges différents, vivent et travaillent ensemble. Nous sommes capables d’être des signes et des agents d’unité dans un lieu de diversité. Je suis sûr que si nous dispersons trop nos missionnaires, il deviendra impossible pour nous de maintenir cette unité. Nombreux sont ceux, et la vaste majorité ne sont pas catholiques, qui viennent voir nos missionnaires à tous propos. Nous sommes acceptés et considérés comme un groupe de personnes qui répond aux besoins de tous, quelle que soit leur appartenance religieuse et leur foi.