Eglises d'Asie

Les musulmans protestent contre un film qui, selon eux, les présente comme des ennemis du pays

Publié le 18/03/2010




Des protestations vigoureuses et de violentes manifestations ont accompagné la sortie du film intitulé Gadar : Ek Prem Kahani ( Rébellion : une histoire d’amour’) dans un certain nombre de villes de l’Inde comme Ahmedabad, Bhopal, Lucknow, Bombay (Mumbai) et particulièrement dans la capitale, à New Delhi. Les musulmans indiens ont jugé offensant ce film dont l’action se déroule à l’époque de la partition du sous-continent indien entre l’Inde en majorité hindoue et le Pakistan dont la population est en majorité musulmane.

Les violences ont commencé le 19 juin dernier lorsque un dirigeant musulman du parti du Congrès, qui détient le pouvoir dans l’Etat du Madhya Pradesh, a conduit un groupe de quelque 300 jeunes gens équipés de cocktails Molotov et d’armes blanches à l’assaut d’un cinéma et de ses spectateurs. Le dirigeant musulman, Asif Masood, a déclaré avoir ainsi rempli sa tâche de représentant des intérêts musulmans. Cinq jours plus tard, à New Delhi, des membres Sena, association relativement peu connue, s’en sont pris à une salle de cinéma. Le jour suivant, de nouvelles violences avaient lieu à 915 km de New Delhi, à Ahmedabad, contre une salle de cinéma projetant le film contesté.

Une certaine confusion règne sur les véritables raisons des protestations provoquées par ce film. Son producteur Nittin Keni a avoué à la presse n’avoir aucune idée de ce qui est reproché à ce film qui a reçu l’approbation du bureau fédéral de la censure. Jusqu’à présent personne ne lui a indiqué quelle scène était offensante et ce qu’il fallait retirer du film. Le réalisateur, Anil Sarma, a aussi déclaré ignorer les motivations des protestations contre un film qui, selon lui, avait pour objectif de montrer que l’amour n’avait pas de frontières. Dans son éditorial du 26 juin, le journal Hindustan Times s’est efforcé de montrer le ridicule des raisons invoquées par les protestataires. Il a fait remarquer que, l’année passée, les hindous avaient fait arrêter le tournage d’un film sur les veuves abandonnées sous le prétexte que celles-ci, à cause d’un détail, y apparaissaient comme des prostituées. Le journal demandait aux fidèles des diverses communautés religieuses de cesser de chercher des signes dépréciatifs pour eux dans les livres, les films ou les peintures et de mettre un terme à leurs protestations.

Cependant, de nombreux musulmans refusent de considérer ce film à la légère et affirment qu’il est profondément blessant pour eux. D’une manière générale, ils ont été heurtés de se voir présentés comme des ennemis de la nation. Farida Patel, une musulmane d’Ahmedabad, fait remarquer que les rôles négatifs du film sont réservés à des musulmans. D’autres jugent que les dialogues du film, pour une grande partie, sont dirigés contre les musulmans. Un dirigeant musulman d’Ahmedabad fait remarquer que la non-interdiction de ce film risque d’encourager la production de films similaires. Il ajoute cependant qu’il est nécessaire d’habituer la population à distinguer entre les faits et la fiction. Beaucoup de choses présentées dans les films d’aujourd’hui n’ont aucune espèce de réalité.

Les chrétiens se sont tenus en-dehors de la controverse. Certains cependant ont sympathisé avec les sentiments exprimés par les musulmans à propos de ce film dans la mesure, ont-ils dit, où il reflète une opinion des nationalistes hindous qui considèrent les chrétiens et les musulmans comme autant d’ennemis du pays.