Eglises d'Asie

Manipur : l’Eglise catholique en difficulté après les émeutes de la mi-juin

Publié le 18/03/2010




Une semaine après les émeutes qui ont ensanglanté le Manipur du 17 au 19 juin dernier, le couvre-feu n’avait pas encore été levé et, malgré le calme revenu, les diverses activités pacifiques des missionnaires catholiques de la région étaient toujours provisoirement interrompues en attente d’un climat plus favorable. “Il n’y a rien à faire actuellement. Nous sommes tous à la maison !”, a répondu l’archevêque de Imphal, Mgr Joseph Mittahany, aux questions d’un journaliste. Le bilan des troubles est maintenant connu avec précision. 13 morts et 47 blessés, incendie de l’Assemblée législative régionale, des locaux des partis politiques et des résidences de responsables locaux dans la capitale, Imphal.

Moins claires pourtant sont les causes de la colère qui a jeté la foule dans les rues de la capitale du Manipur. Les violences ont éclaté au troisième jour d’une grève générale visant à protester contre la décision du gouvernement indien fédéral de proroger un cessez-le-feu conclu avec le Conseil national du Nagaland (NSCN), le plus important mouvement indépendantiste de la région, en lutte contre le pouvoir central depuis 1947. Une première trêve de trois mois avait été décidée en août 1997 concernant le Nagaland seulement. Elle avait été renouvelée trois fois jusqu’en août 1998, date à laquelle on avait décidé que le renouvellement serait annuel. Au cours de pourparlers préparant le renouvellement de la trêve pour cette année, les représentants du mouvement indépendantiste ont demandé au gouvernement fédéral que le renouvellement du cessez-le-feu concerne non seulement l’Etat du Nagaland mais aussi les trois Etats voisins, à savoir l’Arunachal Pradesh, l’Assam et le Manipur, Etats qui abritent d’importantes minorités nagas. La revendication des militants indépendantistes a été satisfaite. Mais l’opinion publique a aussitôt soupçonné que des accords secrets avaient été conclus avec le mouvement indépendantiste. En échange de l’abandon des revendications à l’indépendance du mouvement, New-Delhi aurait promis de soutenir les efforts du mouvement pour la création d’un “Grand Nagaland”, qui engloberait les régions à prédominance naga appartenant aujourd’hui aux trois Etats en question. Ce sont ces soupçons qui ont déclenché les protestations de la population dans ces trois Etats. Elle ont été particulièrement violentes dans le Manipur, surtout à Imphal. Dans l’Etat d’Assam, une grève de 48 heures a eu lieu. Par contre, l’Etat d’Arunachal Pradesh est resté à peu près calme.

Dans l’archidiocèse d’Imphal qui recouvre la totalité du territoire de l’Etat du Manipur, on s’efforce de porter des jugements mesurés et non partisans sur les événements récents. L’archevêque catholique, Mgr Joseph Mittathany, a donné pour consigne de prendre soin de n’offenser aucun des groupes en présence. Le P. Varghese Velikkakam, directeur du service social du diocèse, présente ainsi les données du problème : “Les habitants du Manipur sont au nombre de 2,3 millions. 70 % de la population du Manipur, des Meitheis hindous, est concentrée dans la vallée d’Imphal alors que les diverses ethnies qui ne représentent que 30 % des habitants de l’Etat occupent la plus grande partie du territoire. Dans le cas où se réaliserait le projet du Grand Nagaland, par le fait-même, le territoire de l’Etat du Manipur serait réduit à sa plus simple expression.” Cette situation est difficile pour l’Eglise, considérées par les Meitheis hindous, comme au service des ethnies nagas, bien que huit écoles chrétiennes soient implantées dans la vallée d’Imphal habitée par des hindous. La situation est encore compliquée par le refus des responsables d’Eglise de payer les sommes d’argent exigées par les militants indépendantistes, un refus qui, en dix ans, a provoqué la mort de six missionnaires. Les trois deniers étaient trois religieux salésiens, assassinés le 15 mai dernier dans le noviciat de Ngarian Hills, près de Imphal (1).