Eglises d'Asie

Tamil Nadu : les nationalistes hindous s’inquiètent de la progression des religions non hindoues et réclament une loi interdisant les conversions

Publié le 18/03/2010




Lors d’une conférence réunissant des représentants de groupes nationalistes hindous à Madurai, dans le Tamil Nadu, le 30 juin dernier, un certain nombre d’orateurs ont affiché leurs craintes devant le développement des religions non hindoues et le nombre toujours plus grand de conversions qui tournent des hindous vers d’autres religions que celle de leurs ancêtres. Une double série de mesures susceptibles d’enrayer ce mouvement a été envisagée par les participants. Certaines sont d’ordre politique destinées à stopper les conversions, les autres sont propres à l’hindouisme et visent à mettre en œuvre une réforme interne de la structure sociale engendrée par certaines croyances religieuses, et ainsi, à faire disparaître les criantes inégalités qui opposent plusieurs catégories de la population.

C’est dans le cadre de ces préoccupations que H. Raja, secrétaire général de la section locale du Bharatiya Janata Party ( Parti du Peuple indien’, BJP), s’est livré à une analyse détaillée du phénomène de la conversion des hindous au christianisme et à l’islam. Après avoir mis en relief la gravité d’un tel phénomène, menaçant pour la sécurité de l’Etat, il en a souligné l’étendue. Nombreux, selon lui, sont les hindous, qui, à la faveur de la traditionnelle tolérance de l’hindouisme, ont quitté les rangs de leur religion ancestrale pour d’autres croyances. Selon Rama Gopalan, responsable du Hindu Munnani ( Front hindou’) (1et d’autres orateurs, la cause de ces désertions doit être cherchée dans le sentiment ressenti par les convertis en se voyant débarrassés du carcan de la caste. Ceux-ci éprouvent l’impression de bénéficier d’une promotion sociale et d’obtenir un nouveau statut supérieur à l’ancien. Pour justifier son propos, il a donné en exemple le millier de dalits d’un village du Tamil Nadu, Meenakshipuram, qui, en juin 1981, s’étaient convertis à l’islam, attirant sur eux l’attention de l’Inde tout entière (2). Le motif invoqué par les convertis était la discrimination dont les hindous des hautes castes faisaient preuve à leur égard. Divers intervenants ont par la suite critiqué les membres des hautes castes hindoues pour l’emprise qu’ils exercent sur les structures de la société et ont blâmé l’isolement qui écarte les dalits de la vie sociale et culturelle du reste de la communauté hindoue. En conséquence, un appel a été lancé pour mettre un terme au système des castes dans tout le pays en sorte qu’aucune catégorie d’Indiens ne soit mise au ban de la société.

Parallèlement à cette volonté affichée de réforme interne d’une société marquée par les croyances hindoues, les participants ont également préconisé des mesures tendant à limiter l’influence et le développement des religions non hindoues. Celles-ci ont été accusées d’accomplir leurs conversions grâce à la contrainte et à des avantages financiers ou en nature, autant de moyens qui “sont destinés à corrompre la culture indienne Les participants ont donc demandé que l’Etat du Tamil Nadu adopte une loi interdisant ou restreignant les conversions comme un certain nombre d’Etats l’ont déjà fait, à savoir l’Arunachal Pradesh, le Madhya Pradesh et l’Orissa. Certains participants ont aussi mis en question le droit pour les minorités religieuses de réserver pour leurs adhérents un certain nombre de places dans leurs établissements éducatifs. Ils ont demandé que les hindous obtiennent la moitié des places.

L’archevêque catholique de Madurai, Mgr Marianus Arokiasamy, qui est aussi président du Forum uni des minorités du Tamil Nadu, a jugé avec sévérité les conclusions auxquelles ont abouti les participants de la conférence du 30 juin. “Elles sont sans fondement, a-t-il dit, illusoires et dénuées de vérité.” Il a fait remarquer que la Constitution indienne garantissait à chaque individu le droit d’adhérer à la religion de son choix. Il s’est aussi déclaré persuadé que tous les chrétiens s’opposaient aux conversions forcées ou obtenues par la fraude.

Le christianisme au Tamil Nadu, qui fait remonter ses origines à la prédication de l’apôtre Saint Thomas, a été renforcé au XVIe siècle grâce à la venue des missionnaires portugais. Il n’est pas lui-même exempt des influences néfastes du système des castes. Les chrétiens des basses castes, aujourd’hui encore, se plaignent de la discrimination régnant à l’intérieur même de l’Eglise. Un synode qui s’est tenu à Madurai au mois de juin dernier a appelé les fidèles à mettre fin aux inégalités fondées sur la naissance et à d’autres pratiques héritées des castes. Dans cet Etat, les catholiques sont au nombre de 3,2 millions au sein d’une population de 62,11 millions d’habitants.