Eglises d'Asie

Des responsables de communautés chrétiennes et bouddhistes regrettent que le Premier ministre se soit rendu en visite au temple shintoïste de Yasukuni

Publié le 18/03/2010




“Nous regrettons que le Premier ministre Koizumi Junichiro se soit rendu en visite au temple de Yasukuni en dépit de nos appels répétés à ne pas le faire”. Tels sont les mots que l’on pouvait lire dans le communiqué publié le 14 août dernier par la Commission Justice et paix’ de la Conférence des évêques catholiques du Japon après la visite, la veille, du Premier ministre à ce temple shintoïste de Tokyo. Selon Shimbun, l’Association de l’école Jodo-shin, principale école bouddhiste au Japon, la Soka Gakkai et la Rissho Kosei Kitai, deux des plus importantes sectes bouddhistes du pays, ont également fait part de leur désaccord au sujet de cette visite. Selon ces responsables bouddhistes, le geste du Premier ministre pourrait être le préalable à une éventuelle remilitarisation du pays et à un retour de l’alliance entre l’Etat et la religion Shinto. Par ailleurs, Reiko Suzuki, modérateur du Conseil national chrétien au Japon, a déclaré que le Premier ministre serait “tenu comptable” de cette visite.

Le temple de Yasukuni, fondé en 1869 pour honorer les âmes des morts pour la patrie, est le mémorial de 2,5 millions de soldats – dont 80 % ont été tués au cours de la deuxième guerre mondiale. En outre, il renferme les tablettes du général Tojo et de treize autres hauts responsables militaires reconnus coupables de crimes de guerre par les puissances alliées et pendus après 1945. Utilisé par le régime japonais avant 1945 pour servir de base spirituelle à la guerre de conquête menée en Asie, ce sanctuaire a été réorganisé après 1945 pour n’être plus qu’une simple institution Shinto ; toutefois, au cours des années, il est devenu le symbole du passé militaro-nationaliste du Japon que les gouvernements successifs du pays ont eu parfois du mal à tenir à distance (1).

Les arguments utilisés par les opposants à cette visite sont principalement de deux natures. D’une part, comme on pouvait le lire dans le communiqué de la Commission Justice et paix’, la visite du Premier ministre à ce temple est contraire à la Constitution du pays. Ecrite dans l’immédiat après-guerre et influencée par les puissances occidentales, la Constitution interdit en effet l’utilisation de tout argent public au profit d’une religion ou d’une institution religieuse particulière. La visite du Premier ministre à Yasukuni contreviendrait donc au principe de séparation de la religion et de l’Etat. Selon Kenzo Kimura, secrétaire de la Commission Justice et paix’, divers mouvements pacifistes et ONG japonaises ont, à ce titre, déposé une plainte contre Koizumi qualifiant cette visite de violation de la Constitution.

D’autre part, initialement prévue pour le 15 août, date anniversaire de la capitulation du Japon en 1945 et de la fin de l’occupation de la Corée, la visite de Koizumi ne pouvait être perçue par les voisins du Japon, la Chine et la Corée en particulier, que comme “une claque à la face des peuples d’Asie”, estiment les dirigeants de 14 organisations et Eglises chrétiennes, dans un communiqué publié le 10 août. Selon le révérend Kenichi Otsu, secrétaire général du Conseil chrétien, le fait que le Premier ministre a avancé sa visite de deux jours, précisément, selon les propos de Koizumi lui-même, pour dissocier son geste de tout lien avec la période militariste du Japon, “ne change rien à l’affaire”. Selon la presse japonaise, le Premier ministre a été critiqué par l’aile droite de son parti, le Parti libéral-démocrate, pour avoir paru céder aux pressions des opposants à sa visite à Yasukuni.