Eglises d'Asie

Face aux développements des sciences du vivant dans la cité-Etat, les associations de médecins catholiques dénoncent l’absence de garde-fou éthique dans la recherche scientifique

Publié le 18/03/2010




Les responsables d’associations de médecins catholiques ont récemment pris la parole pour dénoncer les conséquences des progrès rapides de la recherche scientifique dans la cité-Etat. Selon eux, les autorités de Singapour ont failli à leur mission d’édicter les règles et les principes devant présider à ces recherches et un arrêt doit être donné aux recherches impliquant les cellules souches prélevées sur des embryons humains. Ces prises de position interviennent alors que des équipes de Singapour sont à la pointe de la recherche scientifique mondiale dans ce domaine et que les responsables de Singapour veulent faire des bio-technologies un des quatre piliers de l’industrie de cet Etat (1).

Le 16 août dernier, The Straits Times, principal quotidien de langue anglaise de Singapour, a annoncé qu’une société contrôlée par des intérêts singapouriens avait “breveté” six lignées de cellules souches (sur les 64 que compte l’être humain), “en grande partie grâce aux travaux expérimentaux” du professeur Ariff Bongso, chercheur de renommée internationale de l’Université nationale de Singapour (2). Les cellules souches en question ont été prélevées sur des embryons humains “surnuméraires” issus de fécondations in vitro.

Pour le docteur John Hui, président de la Guilde des médecins catholiques, organisme rassemblant 300 médecins, “il n’est pas juste de détruire un embryon humain et d’en extraire ses cellules souches pour soigner une autre personne”. Sur le modèle Word Television Network, chaîne américaine de télévision catholique, la Guilde a appelé à une neuvaine de prière des 15 au 24 août derniers. Par ailleurs, le docteur John Lee Eng Hin, président de la Fédération asiatique des Associations médicales catholiques et ancien président de la Guilde, s’est inquiété du secret qui entoure ces expériences : “Il se peut que six lignées de cellules souches aient été isolées, mais, lors des expérimentations, des milliers d’embryons ont dû être sacrifiés.” Selon lui, même si un seul embryon était sacrifié pour en extraire une ligne de cellules souches qui servirait à soigner un million de personnes, le principe resterait mauvais. “Vous ne pouvez tuer quelqu’un pour sauver une autre personne, a-t-il poursuivi. Nous devons tirer des leçons de l’histoire passée : les nazis, qui ont tué des gens pour mener des expérimentations censées en sauver d’autres, décrétaient en fait que certains êtres avaient davantage le droit de vivre que d’autres. Où cela nous mène-t-il ? Au déclin de la moralité. La mort de chaque embryon crée un relâchement dans la moralité et mène au sacrifice de certains au profit d’autres”, a-t-il déclaré.

Le gouvernement de Singapour est responsable de cette situation, a encore estimé le docteur John Lee, qui est aussi doyen de la faculté de médecine. “Nous ne pouvons mener des expériences scientifiques sans en définir les paramètres”. Or, a-t-il critiqué, le Comité consultatif de bioéthique (Bioethics Advisory Committee – BAC), mis sur pieds par les autorités en février 2000, n’est formé que de scientifiques et de chercheurs de l’Université nationale. “Le BAC devrait aussi inclure des représentants de l’Organisation inter-religieuse (de Singapour) et des spécialistes de l’éthique”, a-t-il déclaré, mettant en avant les graves implications morales de ces recherches, implications qui semblent être ignorées par les autorités de l’Etat. Le BAC devrait rendre un premier avis sur ces questions en décembre prochain.

Par ailleurs, le responsable de la Mission taoïste de Singapour, Maître Lee Zhiwang, s’est fait l’écho des inquiétudes manifestées par les médecins catholiques. “Les taoïstes n’acceptent pas les méthodes qui consistent à soigner une maladie aux dépens de la vie d’autrui. L’embryon humain est une vie. Toutes les vies sont précieuses”, a-t-il notamment déclaré.