Eglises d'Asie

Le Premier ministre tient des propos mettant en cause les motivations des missionnaires chrétiens au sujet de leurs activités sociales

Publié le 18/03/2010




La communauté chrétienne et l’opinion libérale dans l’ensemble de l’Inde ont vivement réagi à des propos tenus publiquement par le Premier ministre Atal Behari Vajpayee mettant en cause les intentions sous-jacentes aux activités sociales des missionnaires chrétiens dans le pays. Lors d’une cérémonie organisée à New Delhi, le samedi 18 août, à l’occasion de la parution d’un livre biographique, en présence de la direction du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS) au grand complet, le chef de l’exécutif indien avait d’abord déploré que la contribution sociale du RSS ne soit pas reconnue à sa juste valeur par l’opinion du pays, en particulier par la presse. Ce n’était pas le cas, avait-il ajouté, pour le travail accompli dans le nord-est du pays, en faveur des populations déshéritées, par les missionnaires chrétiens, travail recueillant les appréciations louangeuses de la plupart des journaux. Pourtant, avait-il fait remarquer, quelques groupes chrétiens, dans leur travail social, “ont pour motivation la conversion, ce qui n’est pas correct Le Premier ministre avait fait suivre ce propos d’une déclaration reconnaissant aux chrétiens le droit de pratiquer et de prêcher leur religion.

Le jour-même, la presse nationale rapportait les propos du chef du gouvernement en soulignant leur caractère offensant vis-à-vis des minorités chrétiennes (1). Dès le lendemain, les premières critiques étaient relayées par les déclarations du Conseil régional des évêques catholiques du nord de l’Inde, qui regroupe l’archevêque de Delhi et les évêques de Jalandar, Jammu-Srinagar, et Shimla-Chandigarh. Le communiqué publié par les évêques, qui tenaient leur réunion annuelle à Chandigarh, qualifiait de “profondément affligeantes” les remarques du Premier ministre, des remarques qui coïncidaient curieusement avec un renouveau de violences anti-chrétiennes et ne pouvaient que les encourager. Les évêques rappelaient à ce propos la protestation lancée par eux, lorsque, au milieu des attaques anti-chrétiennes dans l’Etat du Gujarat, le même Premier ministre avait émis l’idée d’un débat national sur la conversion (2). La déclaration épiscopale regrettait que, jusqu’à présent, le gouvernement n’ait émis aucune condamnation officielle de la violence s’exerçant contre le personnel de l’Eglise catholique. Quant aux conversions forcées ou dissimulées, c’est l’Eglise elle-même qui les a déclarées illégitimes et contraires à ses principes, ont conclu les évêques. Le même jour, ces mêmes critiques étaient reprises dans un communiqué du Conseil chrétien panindien, qui ajoutait que les remarques du haut responsable gouvernemental jetaient le discrédit sur les quelque 25 000 institutions chrétiennes du pays travaillant dans le domaine de l’éducation et de la santé.

Le 20 août, les propos de Vajpayee ont donné lieu à un débat houleux à la chambre basse du parlement indien. La question a été soulevée par Priya Ranjan Dasmunshi, du Parti du Congrès, qui a souligné que les récentes déclarations du Premier ministre étaient calomniatrices envers la communauté chrétienne, risquaient de provoquer l’insécurité au sein des minorités religieuses et portaient atteinte à la laïcité de la nation indienne. Les députés de la majorité gouvernementale ayant répondu que les critiques de leur leader ne s’adressaient qu’aux conversions forcées, l’opposition a alors demandé que soient cités des faits justifiant ces propos.

Selon The Hindu (3), “la récente calomnie du Premier ministre contre les missionnaires chrétiens […] donne du crédit à l’idée selon laquelle le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (Parti du Peuple indien, BJP), joue un rôle spécifique, à côté du Sangh Parivar, spécialement du RSS et d’autres associations comme le Vishwa Hindu Parishad (Conseil mondial hindou, VHP), et le Bajrang Dal, dans le grand dessein de (4)”.