Eglises d'Asie

Les catholiques de Mumbai (Bombay) protestent contre deux nouvelles attaques anti-chrétiennes attribuées à des fondamentalistes hindous

Publié le 18/03/2010




Le même jour, le 6 août, dans deux Etats différents mais voisins, deux agressions ont été commises, qui ont eu pour cible deux personnes apparemment choisies pour leur appartenance visible à la communauté chrétienne, un prêtre et une religieuse. Dans les milieux responsables, on a immédiatement attribué ces deux attaques à des militants nationalistes hindous.

La première d’entre elles a eu lieu dans le diocèse de Ujjain. Une religieuse de 21 ans, sœur Leena Vellumkunnel, était en train d’attendre sur la route, près de son couvent de Chandessary, l’arrivée d’une de ses compagnes pour qu’elle l’aide à transporter des paquets ramenés de la ville voisine de Ujjain. Survinrent alors deux jeunes gens en motocyclettes qui se sont arrêtés près d’elle. Tandis que l’un d’entre eux immobilisait la religieuse, l’autre lui a tiré une balle au menton avec un revolver de fabrication artisanale. Les deux agresseurs se sont aussitôt enfuis. Au bruit du coup de feu, la population est accourue et a trouvé la religieuse étendue sur le sol et perdant son sang. Transportée à l’hôpital d’Indore, à 55 km de Ujjain, la sœur est aujourd’hui hors de danger malgré ses blessures graves.

Le même jour, un autre incident avait lieu à Thane, dans la banlieue de Mumbai (Bombay). Un groupe de 80 membres de l’association fondamentaliste hindoue, le Bajrang Dal, s’en sont pris au P. Oscar Mendonca, âgé de 34 ans, vicaire à la paroisse de Saint Jean Baptiste de Thane. Les militants hindouistes ont brisé les vitres de l’église et maltraité le prêtre. Le bruit a attiré hors de l’église des fidèles qui participaient à ce moment à des prières charismatiques. Les agresseurs se sont alors enfuis.

Les deux incidents ont aussitôt été mis en relation avec des cérémonies de deuil organisées à la même époque par le Bajrang Dal en mémoire de quatre militants du Rashtriya Swayamsevak Sang (Corps national des volontaires, RSS) assassinés dans l’Etat du Tripura au nord-est de l’Inde. Voilà deux ans que ceux-ci avaient disparu, enlevés, disait-on, par le Front national de libération du Tripura, une organisation rebelle luttant pour l’indépendance de la population autochtone. A la fin du mois de juillet dernier, les autorités gouvernementales ont annoncé officiellement leur mort. Les responsables du RSS avaient plusieurs fois accusés les missionnaires chrétiens d’aider et d’encourager les rebelles des minorités ethniques dans leur lutte indépendantiste et par conséquent d’être en partie responsables de la mort de leurs militants. Ces accusations ont été répétées lors des cérémonies de commémoration. L’agression contre la sœur Vellumkunnel a coïncidé avec le second jour d’une réunion organisée en mémoire des militants hindouistes, tenue à Ujjain. Quelques orateurs y avaient accusé les chrétiens d’être à l’origine de l’assassinat d’hindous. De même, l’agression du vicaire de l’Eglise Saint Jean Baptiste à Thane dans la banlieue de Mumbai a eu lieu après une réunion où avait été évoqué l’assassinat des volontaires hindouistes. On a rapporté que des militants du Bajrang Dal ont distribué des tracts autour de la gare de Thane, tracts qui affirmaient que les rebelles du Tripura appartenaient aux Eglises baptiste et presbytérienne. Il est possible, comme le pense la police, que les agresseurs de l’église Saint Jean Baptiste à Thane l’aient confondue avec la mission baptiste en cette même ville.

Dès le lendemain des faits, le porte-parole de la Conférence épiscopale les qualifiait de représailles et se hâtait de préciser que l’Eglise n’avait rien à voir avec les meurtres des militants hindous du Tripura. Le 10 août, le cardinal Ivan Dias, archevêque de Bombay, dans une lettre adressée au président K.R. Narayaman et au Premier ministre Atal Behari Vajpayee, leur demandait de mettre fin aux agressions préméditées et gratuites contre des personnes consacrées. Il leur demandait de replacer les récentes attaques dans le contexte des centaines d’actes de barbarie commis dans tous le pays, meurtres, viols, extorsion et destruction de propriété. Ces actes se sont multipliés, a dit le cardinal, depuis trois ans avec la venue au pouvoir du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP). Ils ont terni l’image internationale de l’Inde, qui a longtemps été pour beaucoup le symbole de la non-violence.

Enfin le 13 août, une protestation de grande envergure a été organisée dans l’archidiocèse latin de Bombay et les diocèses syro-malabars de Vasian et de Kalyar. Les 275 établissements éducatifs de ces diocèses, dont certains sont plus que centenaires et très connus, après avoir invités leurs élèves à des prières pour le pardon et la paix civile, ont renvoyé les élèves chez eux et fermé leurs portes pour la journée. Un grand nombre de personnalités politiques, dans tout le pays, s’étaient joints à la protestation de la communauté chrétienne de Bombay.