Eglises d'Asie

Malgré la campagne menée par la présidente Arroyo en faveur du oui, les électeurs de Minda-nao, à une écrasante majorité, ont voté contre le rattachement à la région autonome musulmane

Publié le 18/03/2010




Mardi 14 août, dans 14 des provinces et 12 des villes de la région de Mindanao, les électeurs philippins ont rejeté à une écrasante majorité le rattachement des territoires où ils vivent à l’ARMM, la Région autonome pour les musulmans de Mindanao, créée en 1989 et dirigée par le leader du MNLF (Front moro de libération nationale) depuis l’accord de paix conclu en 1996 entre ce mouvement et les autorités de Manille (1). Seules les villes de Marawi et de Cotabato ainsi que la province correspondant à l’île de Basilan ont voté pour le rattachement à l’ARMM. Les résultats de ce référendum, marqué par un taux d’abstention de 50 %, constituent un échec pour la présidente Gloria Arroyo qui avait fait campagne pour le oui, se rendant à Mindanao la veille des opérations de vote, et qui avait présenté le oui comme une alternative “intelligente” aux revendications d’indépendance du MILF, le Front moro islamique de libération.

Selon les analystes locaux, plusieurs facteurs expliquent les résultats de ce référendum. Premièrement, Nur Misuari, ancien leader du MNLF et actuel gouverneur de l’ARMM, a échoué à améliorer les conditions de vie dans les provinces dont il a la charge. L’ARMM couvre environ 4 % du territoire des Philippines mais ne génère guère plus de 0,9 % de son PIB. Près de 70 % de ses 2,2 millions d’habitants sont considérés comme étant pauvres. Or, depuis la date de sa création en 1989 et malgré les millions de pesos injectés par Manille, la situation économique des quatre provinces qui composent l’ARMM (Jolo, Lanao del Sur, Maguindanao et Tawi-Tawi) ne s’est pas véritablement améliorée. Par contraste, les provinces qui ne font pas partie de l’ARMM apparaissent aux yeux des électeurs comme nettement plus prospères.

Deuxièmement, les chrétiens de Mindanao n’ont pas voulu rejoindre une entité contrôlée par les musulmans et dont ils craignent le droit islamique. Selon un responsable de l’administration philippine, qui a tenu à garder l’anonymat, “les chrétiens se montrent plus que réticents à l’idée d’être gouvernés par des musulmans”. Ils mettent en avant le fait que les provinces placées sous l’ARMM sont aussi les zones où les groupuscules musulmans qui ont fait des enlèvements une de leurs occupations favorites sont les plus actifs.

Enfin, l’exécutif philippin semble s’être engagé seul dans la bataille pour le oui. Nur Misuari, critiqué par sa base et sachant que l’opinion ne lui était pas favorable, avait qualifié le référendum d’“exercice futile”, appelant les électeurs musulmans à boycotter les urnes. Le cessez-le-feu conclu quelques jours avant le 14 août entre le MILF et Manille n’y a rien changé. Selon Amado Mendoza, professeur de sciences politiques à l’Université des Philippines, il ne reste plus aux Philippins qu’à “chercher d’autres solutions pour satisfaire les demandes légitimes du peuple Bangsamoro (la communauté musulmane philippine) ».

Peuplées de 76,5 millions d’habitants, les Philippines sont catholiques à 85 %. Les musulmans, qui vivent principalement dans la partie sud du pays, à Mindanao, sont environ 5 millions et ils se sentent marginalisés par l’afflux progressif de “colons” venus du nord et du centre de l’archipel philippin. De 1971 à 1996, le MNLF a mené une lutte pour l’indépendance avant de signer un traité de paix avec Manille. Le MILF, fondé en 1978, a continué la lutte armée jusqu’au 3 août dernier où il annoncé, à Kuala Lumpur, en Malaisie, qu’il déposait les armes pour s’unir avec le MNLF. Depuis le vote du 14 août, l’ARMM compte 3,2 millions d’habitants tandis que Mindanao regroupe un total de 17,6 millions d’habitants.