Eglises d'Asie

Mindanao : tué lors d’une tentative d’enlèvement, le P. Rufus Halley, missionnaire d’origine irlandaise, était un des plus fervents artisans du dialogue entre chrétiens et musulmans

Publié le 18/03/2010




Dans la prélature de Marawi, située dans la province de Lanao del Sur, sur l’île de Mindanao, le P. Rufus Halley, missionnaire colomban d’origine irlandaise, a été tué le 28 août d’une balle dans la tête par six hommes lors d’une tentative d’enlèvement. Agé de 57 ans, présent aux Philippines depuis 32 ans, actif à Mindanao depuis une vingtaine d’années, le P. Halley était devenu un des plus fervents acteurs du dialogue entre chrétiens et musulmans dans cette région des Philippines secouée depuis de nombreuses années par de fortes tensions. Selon le P. Michel de Gigord, prêtre des Missions Etrangères de Paris et qui connaissait très bien le P. Halley, sa mort représente “une très grande perte pour Mindanao et le dialogue entre les communautés religieuses aux Philippines”.

Selon la police locale, l’assassinat du P. Halley s’est produit alors que le prêtre catholique avait quitté la ville de Balabagan pour retourner à Malabang, ville où il était curé de la paroisse de Notre-Dame-de-la-Paix. Seul sur sa moto, il a été arrêté par six hommes masqués et armés, dont Akto Daing, fils d’un commandant du Front moro islamique de libération (MILF). Les quatre hommes voulaient le kidnapper mais, selon des témoins, le P. Halley a résisté puis a été abattu d’une balle en pleine tête, a déclaré Akmad Omar, chef de la police locale. Sa mort aurait été instantanée. Le MILF, qui a signé au début du mois d’août 2001, un accord de cessez-le-feu avec les autorités de Manille, a publié un communiqué pour nier toute implication dans cet acte (1). Toutefois, toujours selon Akmad Omar, les six hommes impliqués dans cet assassinat ont trouvé refuge dans un camp du MILF, le camp Jabbal Nul, situé non loin de la ville de Malabang. Une information que le porte-parole du MILF s’est refusé à commenter.

Le P. Halley travaillait depuis plusieurs années à Malabang, ville d’environ 30 000 habitants, peuplée pour moitié de catholiques et pour moitié de musulmans. Les environs de la ville, connus pour être un des bastions du MILF, sont habités à 98 % par des musulmans et, dans toute la prélature de Marawi, sur 850 000 habitants, on ne compte que 4,7 % de catholiques. Selon différents témoignages, le P. Halley, qui parlait couramment la langue utilisée par les musulmans de cette région, le maranao, était plus qu’apprécié par les musulmans auprès de qui il vivait. Menant “un dialogue de vie” avec les musulmans, il était un de ceux qui, au sein de l’Eglise catholique, était le plus impliqué dans le dialogue interreligieux à Mindanao, estime le P. de Gigord, qui précise que le P. Halley était même parvenu à résoudre des conflits opposants des clans musulmans entre eux.

Le 29 août, Mgr Orlando Quevedo, archevêque de Cotabato et président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, a vigoureusement condamné cet assassinat, qualifiant la mort du P. Halley “de grande perte pour la cause de la paix”. Tout en appelant à la prière pour le repos de l’âme du missionnaire irlandais, Mgr Quevedo a invité le gouvernement à “poursuivre les criminels et à les traduire devant la justice”. Ces criminels, a-t-il ajouté, doivent comprendre que l’Eglise ne paie de toute façon pas de rançon car cela rendrait impossible la présence des missionnaires et la vie de l’Eglise dans cette région. Selon le P. de Gigord, de très nombreux musulmans ne manqueront pas d’exprimer leur tristesse à l’occasion des funérailles du P. Halley et sa mort sera peut-être l’occasion pour la communauté musulmane de sortir de sa passivité, passivité face à certains de ses éléments qui n’hésitent pas depuis plusieurs années à s’en prendre à des représentants de l’Eglise catholique (1).