Eglises d'Asie

Une initiative de dialogue des nationalistes hindous provoque beaucoup de suspicion chez les chrétiens

Publié le 18/03/2010




Trois jours seulement après la mise en cause publique du travail social des missionnaires chrétiens par le premier ministre Atal Behari Vajpayee devant les membres du Rashtriya Swayamsevak Sangh (Corps national des volontaires, RSS) (1), s’est déroulée une rencontre à huis clos entre des dirigeants catholiques et des militants de haut niveau de cette association que l’on rend responsable de nombreuses attaques anti-chrétiennes en Inde. Le 21 août, dans les locaux de la Conférence épiscopale à New Delhi, K.S Sudarshan, principal responsable du groupe, Madan Vaidya, son porte-parole, et S. Shastri, une personnalité importante du mouvement, se sont entretenus avec quelques hauts dirigeants de l’Eglise catholique parmi lesquels Mgr Oswald Gracias, secrétaire général de la Conférence, et Mgr Vincent Concessao, son premier vice-président.

Comme l’a dit le porte-parole de la Conférence épiscopale, le P. Donald De Souza, les deux parties engagées dans cette réunion destinée à dissiper les préjugés ont perdu beaucoup d’illusions sur les chances d’un dialogue authentique entre elles. C’est en 1998 que les groupes hindous avaient suggéré la mise en place d’entretiens réguliers avec les dirigeants chrétiens à la suite de la protestation nationale de ceux-ci devant l’escalade et la multiplication des attaques contre les chrétiens. Les deux parties s’étaient rencontrées une première fois en décembre 1998 et avaient publié un communiqué annonçant de futurs débats destinés à donner une solution aux divers contentieux les séparant, en particulier la question des conversions. Mais dès la fin de ce mois, les attaques s’étaient renouvelées et multipliées, particulièrement dans le district de Dangs de l’Etat du Gujarat, si bien que le dialogue entamé entre catholiques et groupes nationalistes hindous en était resté à cette première rencontre. La rencontre du 21 août dernier, selon les confidences des participants, était destinée à relancer une nouvelle fois les entretiens.

Le porte-parole du RSS s’est déclaré satisfait de la rencontre qu’il a qualifiée de fructueuse, même si les questions les plus brûlantes, comme celle des conversions, n’ont pas été abordées. Selon lui, le débat a fait avancer la connaissance mutuelle des deux groupes, fait disparaître nombre de préjugés et d’idées fausses et préparé de futures rencontres. Le P. De Souza a confirmé l’atmosphère cordiale qui a régné au cours du dialogue, malgré les récentes attaques menées contre des missionnaires. Il a précisé que si la question des conversions n’a pas été traitée, d’autres d’une grande importance, comme la situation économique, ont fait l’objet d’échanges.

Cependant cette initiative a été considérée avec beaucoup de suspicion et de méfiance par de nombreux responsables chrétiens. Le révérend Valson Thampu, de l’Eglise (protestante) de l’Inde du Nord, a vu dans ce dialogue entre responsables catholiques et nationalistes hindous extrémistes une simple plaisanterie justifiée seulement par la proximité des élections dans un certain nombre d’Etats, comme, par exemple, l’Uttar Pradesh où vont avoir lieu des élections législatives. Selon lui, pour avoir quelque effet, ce type de rencontre devrait se dérouler en public et dans la transparence. Le dirigeant laïc catholique, John Dayal, pense également qu’il s’agit là d’un stratagème des nationalistes hindous qui, en fait, ne pourront jamais tolérer que les minorités religieuses s’expriment publiquement. D’autres groupes chrétiens s’opposent à tout dialogue avec le RSS et les mouvements qui lui sont affiliés, soulignant qu’ils ne représentent en rien la masse des fidèles hindous (plus de 800 millions). Enfin, certains responsables chrétiens pensent que le dialogue recherché aujourd’hui par les nationalistes hindous est destiné à améliorer leur image internationale passablement compromise depuis quelques années.