Eglises d'Asie

Gujarat : après les émeutes de Ahmedabad du 25 août dernier, les chrétiens s’interrogent sur le conflit opposant les musulmans aux hindous

Publié le 18/03/2010




A la suite des émeutes qui ont troublé Ahmedabad, capitale commerciale du Gujarat, le 25 août dernier, les chrétiens se sont inquiétés de voir réapparaître des manifestations du conflit latent qui oppose les musulmans et les hindous dans cette ville de 4,8 millions d’habitants dont 85 % sont hindous et 10 % musulmans. Ce jour-là, les violences des manifestants, conjuguées aux tirs de la police, ont fait deux morts et une dizaine de blessés dans le quartier de Dariapur où le couvre-feu a aussitôt été imposé.

En ce qui concerne les vrais responsables des émeutes et les auteurs des exactions commises à cette occasion, l’incertitude règne et les versions des faits sont multiples. La police affirme avoir ouvert le feu pour mettre un terme aux pillages, aux incendies et aux affrontements armés. Les médias ont publié des photos de jeunes gens portant des bandeaux jaune-safran sur la tête, équipés d’armes blanches et brandissant dans les rues de la ville des banderoles portant l’inscription Bhajrang Dal, nom d’un groupe nationaliste hindou bien connu (1). Des bruits, ensuite démentis par la police, ont couru selon lesquels une mosquée et un temple auraient été profanés.

Les musulmans de la ville affirment que les émeutes ont commencé après que des groupes militants hindous, équipés de poignards, de faucilles et de cannes de hockey, furent venus réclamer la contribution financière de musulmans pour l’organisation d’une fête hindoue. Les commerçants musulmans qui, dans le passé, avaient volontiers participé financièrement à ces fêtes ont refusé de le faire sous la menace des armes. Peu après, l’Association des musulmans de Ahmedabad, un nouveau groupe soutenu par le mouvement islamique des étudiants de l’Inde, a, le 24 août, donné l’ordre aux commerçants de fermer leurs boutiques. Des jeunes musulmans auraient même obligé des boutiquiers hindous à fermer leurs magasins durant la période prescrite, ce qui aurait conduit aux émeutes.

Pourtant, le vice-président national du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), Madanial Khurana, présent dans la ville pour y préparer une stratégie en vue de futures élections, dans des déclarations rapportées par The Times of India (2), a nié que des militants du Bhajrang Dal aient été impliqués dans les émeutes. Selon lui, “les émeutes dans la ville ont été provoquées par des fondamentalistes musulmans Il a rapporté qu’il avait demandé au ministre-président de l’Etat, Keshubhai Patel, qu’une enquête soit menée sur les faits. Ce dernier a fait savoir, quelque temps plus tard, qu’il avait lui-même ordonné cette enquête.

Les chrétiens ont reconnu dans les événements du 25 août les séquelles d’une vieille animosité. Mgr Vinod Kumar Malaviya, évêque de l’Eglise (protestante) de l’Inde du nord à Ahmedabad, a ainsi formulé leur impression : “Il semble que l’ombre maléfique d’un triste passé ne disparaîtra jamais ! Il a précisé que, dans la ville, le conflit entre les deux communautés avait vu le jour dès l’époque de l’indépendance de l’Inde. Généralement, dans les milieux protestants, on met en cause la pression et l’intimidation exercées par les groupes hindous sur les musulmans : “Contrairement aux chrétiens qui refusent la vengeance, dit-on, chez les musulmans, la patience a des limites !”. Un membre de l’Association chrétienne unie a accusé les groupes hindous d’émettre des déclarations et de lancer des tracts anti-chrétiens et anti-musulmans. Il s’est même étonné qu’une situation qualifiée par lui de “hautement inflammable” ait pu se maintenir si longtemps sans exploser. Pour le P. Cedric Prakash, le détonateur aura été la préparation des élections législatives de l’Etat qui auront lieu dans 18 mois. Selon lui, les deux communautés religieuses sont poussées l’une contre l’autre à des fins politiques.