Eglises d'Asie

La police menace d’expulsion plusieurs missionnaires catholiques engagés dans la défense des droits des travailleurs étrangers

Publié le 18/03/2010




Dans les derniers jours du mois d’août dernier, plusieurs missionnaires catholiques étrangers ont reçu une lettre de la police taiwanaise les informant que leur « conduite constituait une violation de l’article 27 » du code sur l’immigration de Taiwan et qu’en conséquence ils « pouvaient être expulsés » ainsi que le prévoit l’article 34 de ce même code. L’article 27 du code taiwanais stipule qu’il est interdit aux étrangers de mener des activités autres que celles qui sont spécifiées sur leur visa de séjour. Le 24 août dernier, plusieurs missionnaires catholiques, représentant sept centres de l’Eglise catholique actifs dans l’accueil et l’aide aux travailleurs étrangers, ainsi que 200 travailleurs étrangers et plusieurs syndicalistes avaient manifesté devant le World Trade Center de Taipei où était réunie pour deux jours une Conférence consultative pour le développement économique, assemblée de 120 conseillers nommés par le président de la République pour réfléchir à des solutions permettant de sortir l’économie taiwanaise de la récession qu’elle traverse actuellement. Les missionnaires catholiques et les travailleurs étrangers manifestaient leur opposition aux réductions de salaires dans les secteurs de la construction et de l’industrie manufacturière que le gouvernement impose aux travailleurs étrangers de l’île depuis le 1er septembre.

Le P. Bruno Ciceri, scalabrinien et directeur du centre Stella Maris de Kaohsiung, est l’un des trois missionnaires à avoir reçu ces « notifications ». Il qualifie ces dernières de « manière subtile de nous dire : Nous pouvons vous mettre dehors quand bon nous semble' ». Selon lui, si Taiwan est désireux d’appartenir au groupe des pays démocratiques, la liberté d’expression doit y être effective. Le missionnaire italien s’est dit particulièrement choqué du fait que la police, le 24 août dernier, en venant lui remettre sa lettre, a fouillé son bureau et a interrogé les étrangers présents ce soir-là dans son centre.

L’affaire a commencé le 11 juin dernier lorsque l’officiel conseil pour les affaires du travail a proposé, afin d’alléger les charges des employeurs, que ces derniers aient désormais la possibilité de déduire des salaires de leur main-d’œuvre étrangère des montants allant de 2 500 à 4 000 NT$ (72 à 115 US$) au titre des frais de logement et de nourriture. Le salaire minimum mensuel étant de 15 840 NT$, la perte de pouvoir d’achat pour les employés serait de 15 à 25 %. Au début du mois d’août, des représentants des travailleurs originaires des Philippines, d’Indonésie, de Thaïlande et du Vietnam, accompagnés de responsables de centres d’accueil de l’Eglise catholique, ont rencontré des membres du Conseil pour les affaires du travail pour expliquer leur « mécontentement » vis-à-vis de cette mesure qu’ils ont qualifiée d’« injuste ». Selon le P. Pierre Nguyen Van Hung, du Centre Espérance’ des travailleurs à Hsinchu, une pétition portant les signatures de 12 000 travailleurs étrangers opposés à la mesure a été remise aux officiels taiwanais à cette occasion. Le 24 août eut lieu la manifestation publique devant le World Trade Center à Taipei. Le 1er septembre, le changement de législation est devenu effectif.

Pour les missionnaires concernés, cette affaire n’est pas sans rappeler un précédent : l’expulsion en 1989 du P. Neil Magill. Ce missionnaire irlandais, prêtre de Saint Columban, engagé dans un travail d’assistance et d’éducation auprès des ouvriers de Taoyuan, au sud de Taipei, avait été expulsé le 17 mars 1989 au prétexte que ses activités n’étaient pas compatibles avec son statut de prêtre (1). Dans un communiqué publié le 25 août dernier, les PP. Bruno Ciceri, Edwin Corros, Pierre Nguyen Van Hung, James Sandy, tous quatre responsables de centres d’aide pour les travailleurs étrangers, et sœur Lim, religieuse taiwanaise du Centre Rerum Novarum de Taipei, ont déclaré qu’ils croyaient que l’époque du harcèlement et du contrôle de la part du gouvernement était révolue mais que, malheureusement, « l’ombre de la répression d’hier pointe à nouveau ». Selon eux, la mesure imposée par le gouvernement ne peut que se retourner contre les travailleurs taiwanais et ne bénéficiera qu’aux employeurs. Notant que le chômage touche désormais 411 000 personne, soit 4,22 % de la population active – le taux le plus élevé depuis seize ans -, ils dénoncent cette mesure qui, en tout réduisant le salaire des travailleurs étrangers, incite les employeurs à licencier les travailleurs taiwanais.

Le 8 septembre, les représentants philippin, thaïlandais et indonésien chargés d’étudier les dossiers des candidats de leurs pays respectifs postulant à un emploi à Taiwan ont fait savoir qu’ils n’étudieraient plus les demandes pour les employeurs taiwanais qui appliqueront ce nouveau décret. En réponse, le Conseil pour les affaires du travail a déclaré qu’une telle prise de position constituait une ingérence dans les lois de la République de Chine et que, désormais, il n’accorderait plus de permis de travail qu’aux travailleurs en provenance du Vietnam et des autres pays qui « respectent les lois de Taiwan ».